L’Afrique semble demeurer le laboratoire favori des expériences politiques européennes. Son hasardeux partage lors de la conférence de Berlin de 1885 a durablement planté les graines de la discorde qui germent encore de nos jours.
Si l’on dresse le bilan des 50 dernières années, il est choquant voir désastreux. 89 coups d’État depuis 1953, 22 présidents assassinés et 75 conflits armés depuis 1945. Des millions de morts et de déplacés, mais surtout des génocides oubliés ou avoués sur le bout des lèvres.
Un supplice prométhéen
Le sort qu’a connu Prométhée n’est pas sans rappeler celui de l’Afrique. Ce titan fut puni pour avoir donné le feu aux humains. Il fut enchainé contre un rocher du mont Caucase et un aigle venait lui dévorer son foie qui repoussait chaque nuit.
L’Afrique est un titan enchainé à son triste destin, et les puissances étrangères viennent lui extirper ses ressources naturelles quotidiennement.
Malgré ce parcours chaotique, l’histoire se répète inlassablement, chaque drame accouche d’un autre drame, un dictateur d’un nouveau genre (modification de la Constitution pour un 3e mandat) succède généralement à un dictateur et les puissances occidentales semblent accepter cette spirale infernale avec une certaine complaisance.
Alors à qui la faute ? Aux Africains ? Incapable de forger un Etat fort et intègre et de se rassembler autour d’un Etat uni. Aux Européens ? Qui maintiennent une sorte d’assujettissement par la corruption et la violence.
Une mise au pas salutaire pour l’UE ?
Tout le monde a sa part de responsabilité, car l’histoire a doté le continent africain d’hommes d’envergure comme Modibo Keïta (remplacement franc CFA par le franc malien), Thomas Sankara qui avait le « courage de dire et l’intelligence de faire » dans l’intérêt du peuple, et cela quoi qu’il advienne, Kwame Nkrumah, le plus ardent défenseur du panafricanisme, Patrice Lumumba, Félix-Roland Moumié, Sylvanus Olympio, Laurent Gbagbo.
Malheureusement, ils ont tous connu une fin des plus tragiques, car ils ont représentait tous une menace face à l’ordre établi . Les puissances européennes font la pluie et le beau temps, elles s’immiscent dans les affaires internes, complotent pour favoriser un tel ou destituer un autre. Comme la CIA l’a fait avec l’Amérique latine durant la guerre froide.
Tant pis si l’individu porté au pouvoir est un dictateur sanguinaire, pourvu qu’il poursuive la politique qui lui est dictée. La cheville ouvrière de ce mouvement est le célèbre Jacques Foccart, monsieur « Afrique » des présidents De Gaulle et Pompidou et l’une des têtes pensantes et exécutantes de toute cette politique secrète qu’est la Françafrique. Le but inavoué de ce système avait trois objectifs :
Maintenir un giron d’États clients sous sa coupole pour bénéficier de plus d’appuis au Conseil de sécurité de l’ONU, avoir des avantages financiers dans l’exploitation des ressources naturelles (exemption d’impôts, avantages fiscaux), le financement des campagnes présidentielles ou de la vie politique française à travers des prélèvements sur l’aide publique.
Une plainte à la CPI ?
Face à la déclassifiassions des dossiers et ces preuves qui abondent en masse, la France pourrait encourir une condamnation à la CPI pour :
-Rwanda 1994 (Favorise le régime génocidaire contre l’armée de Paul Kagame, aucune arrestation n’a été commise ou entrave dans le processus du génocide).
-La guerre du Biafra de 1967 (utilisation d’avions estampillés avec le sigle de la Croix Rouge pour aller porter des armes à la région sécessionniste).
-Massacre de Sétif en Algérie, le 8 mai 1945.
-Génocide au Cameroun (massacre des Bamilékés, le 2 mars 1960).
-L’empoisonnement du leader de la lutte pour l’indépendance du Cameroun, Félix- Roland Moumié en 1960.
-Assassinat d’un opposant politique au Gabon, Robert Luong.
-Opération Licorne en Côte d’Ivoire (2002 à aujourd’hui)
-Opération Harmattan en 2011 en Libye
89 coups d’états, 8 pour la première puissance africaine
Le Nigéria est le pays africain le plus secoué par les putschs, ils sont au nombre de 8 (1966 et 1975 à deux reprises, 1976, 1983, 1985, 1993).
La deuxième place est attribuée au Ghana, à la Centrafrique, la Mauritanie, le Soudan et les Comores pour avoir changé de régime par la force à 5 reprises.
S’en suit le groupe des pays ayant subi 4 coups d’État formés par le Burundi, l’Ouganda, le Congo, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée-Bissau.
L’équilibre demeure fragile, car le dernier en date est de 2015 en Gambie, il appartient aux nouvelles générations de porter un combat qui a été trop de fois repoussé depuis 1945. L’Afrique est en attente d’un nouvel héros qui pourra briser ces chaînes une bonne fois pour toute.
Liste des présidents assassinés
1963 : Sylvanus Olympio, président de la rép. du Togo
1966 : John-Aguiyi Ironsi, président de la rép. du Nigeria
1969 : Abdirachid-Ali Shermake, président de la rép. de Somalie
1972 : Abeid-Amani Karumé, président de la rép. de Zanzibar
1975 : Richard Ratsimandrava, président de la rép. de Madagascar
1975 : François-Ngarta Tombalbaye, président de la rép. du Tchad
1976 : Murtala-Ramat Mohammed, président de la rép. du Nigeria
1977 : Marien Ngouabi, président de la rép. du Congo-Brazzaville
1977 : Teferi Bante, président de la rép. d’Éthiopie
1981 : Anouar el-Sadate, président de la rép. d’Égypte
1981 : William-Richard Tolbert, président de la rép. de Liberia
1987 : Thomas Sankara, président de la rép. de Burkina-Faso
1989 : Ahmed Abdallah, président de la rép. des Comores
1989 : Samuel-Kanyon Doe, président de la rép. de Liberia
1992 : Mohammed Boudiaf, président de la rép. d’Algérie
1993 : Melchior Ndadayé, président de la rép. du Burundi
1994 : Cyprien Ntaryamira, président de la rép. du Burundi
1994 : Juvénal Habyarimana, président de la rép. du Rwanda
1999 : Ibrahim Barré-Maïnassara, président de la rép. du Niger
2001 : Laurent-Désiré Kabila, président de la rép. du Congo-Kinshasa
2009 : João Bernardo Vieira, président de Guinée-Bissau
2011 : Mouammar Kadhafi, président de la rep. du Libye
Source:Cameroon Voice
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