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DES ENTREPRISES OCCIDENTALES RESPONSABLES DE LA GUERRE EN RDC!

Des entreprises occidentales responsables de la guerre en RDC ?

Mercredi 12 Novembre 2008
 
VIRGINIE ROELS

 

La guérilla qui déchire l’est du Congo se déroule au Kivu. Pour mettre la main sur les minerais précieux de cette province, il est aujourd’hui avéré que des entreprises occidentales ont bel et bien participé au financement des groupes armés. 


Coltan
Coltan
Il y a un an, une Organisation Non Gouvernementale (ONG) anglaise, Global Witness, déposait une plainte contre la société britannique Afrimex. Elle l’accusait d’avoir contribué au conflit dans l’est de la République Démocratique du Congo en se livrant au commerce des minerais. En effet, si Afrimex  avait réussi à se fournir en coltan et en étain depuis le début des deux premières guerres du Congo (1996-2003), c’est parce qu'elle versait des « impôts » au Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RCD-GOMA), un groupe armé rebelle proche du Rwanda, et responsable de massacres de civils et d’actes de torture. 

Le 28 août dernier, au moment même où les combats redoublaient de violence en RDC — cette fois-ci entre les rebelles tutsis, les hutus et l’armée  — le gouvernement anglais a confirmé les allégations l’ONG, jugeant qu’Afrimex avait « enfreint des directives internationales en s’approvisionnant en minerais provenant d’une zone congolaise en guerre. » 

Tant qu’il y aura des acheteurs… il y aura la guerre

Enfin, un gouvernement admet qu’une entreprise ne peut impunément exploiter les richesses du Congo car elle participe ainsi indirectement au financement du conflit. Global Witness crie victoire. « Le commerce des minerais sous-tend la guerre depuis 1998. La quasi-totalité des principaux groupes armés impliqués ainsi que des soldats de l’armée congolaise nationale font le commerce de ces minerais de manière illégale depuis des années, dans la plus totale impunité. Nombre d’entre eux imposent des taxes à la population civile et extorquent des minerais ou de l’argent le long des routes ou aux postes frontaliers  » explique l'organisation sur son site internet . 

En juillet dernier,  Global Witness allait encore plus loin et rendait compte de l’implication importante de groupes armés et d’unités militaires congolaises dans le commerce de la cassitérite et de l’or au Nord et au Sud Kivu, déplorant que les acheteurs et les compagnies qui font le commerce des minerais en provenance de l'est de la RDC ne prennent pas la responsabilité de mettre un terme au lien entre ce commerce et la violence persistante : « Tantqu’il y aura des acheteurs prêts à participer à ce commerce, directement ou indirectement, avec des groupes responsables de graves atteintes aux droits de l’homme, ces groupes n’auront aucune raison de déposer leurs armes » commente Patrick Alley, le directeur de Global Witness. Les récriminations de cette ONG font suite à un rapport de l’ONU de 2003 (voir le document ci-dessous) qui montrait clairement comment le commerce du minerai alimente les groupes armés.
 

Document 1 : Rapport de l'ONU, page 1
Document 1 : Rapport de l'ONU, page 1
Le PDG d'une des plus grandes raffineries de coltan était vice-secrétaire au commerce de George W. Bush jusqu’en 2003 !
« On connaît très bien les sociétés qui profitent du pillage du Kivu, en particulier du coltan, l’un des minerais les plus recherchés », explique  Alain Bischoff, consultant pour l’Afrique Centrale et auteur d'une étude géopolitique sur le Congo de 1997 à 2007 *. De fait, le coltan est très prisé depuis qu'il entre dans la fabrication des… téléphones portables. « Il y a un embargo moral sur le commerce du coltan au Congo dont on sait pertinemment qu’il est pillé et transite par le Rwanda, le pays entrepôt. Puis la production est envoyée au Kazakhstan, en Thaïlande et au Japon. Ensuite, ces pays renvoient le coltan vers des raffineurs occidentaux, comme l'américain Cabot Corporation et l'allemand HC Starck qui raffinent 80% de la production mondiale de coltan. or, le PDG de Cabot corporation, Samuel Bodman, était le vice secrétaire au commerce de George W. Bush jusqu’en 2003 ! Autant dire que le soutien des Etats-unis au Rwanda n’est pas totalement désintéressé », conclut Alain Bischoff. Officiellement la société Cabot Corporation affirme avoir arrêté de raffiner du coltan provenant de RDC.


Le groupe Bolloré a plusieurs sociétés de transport rien que dans la province du Kivu. Mais aucune n'aurait transporté de coltan venant du Congo...
Et les entreprises françaises? Elles ne sont pas en reste. Le rapport de L’ONU de 2003 cite deux sociétés françaises de transport qui n'ont pas répondu aux sollicitations des experts des Nations Unies (voir le document ci-dessous). L'une d'elles, la SDV Transintraappartient au groupe Bolloré.
 


Ces sociétés ont-elles participé directement ou indirectement au financement des groupes rebelles ? Ont-elles commercialisé le coltan ? Dominique Lafont, directeur général Afrique du groupe Bolloré, nie en bloc.

Dominique Lafont : Nous avons 4-5 agences présentes dans l’est du Congo pour l’export de matières naturelles comme le tabac, le café, et le thé. Nous nous occupons du transport, et nous sous-traitons à l’import et à l’export.

Marianne2 : Le groupe Bolloré a-t-il permis le transport de coltan  provenant du Congo ?

D.L. :
 Non. Quand on apprête un camion, on développe tous les contrôles pour que nos produits ne fassent l’objet d’aucun détournement.

M2.fr : Avez-vous financé directement ou indirectement des groupes armés qui exploitent des mines?

D.L. : Je m’inscris en faux sur le fait que nous ayons quelque part fait un profit indirect, ou participé au profit de guerre, c’est absolument faux.

M2.fr : Pourquoi vos sociétés ont-elles refusé de répondre aux questions des experts de l’ONU à ce sujet? 

D.L. : Nous y avons répondu mais trop tard pour que nos réponses soient prises en compte dans le rapport. C’est Luc Tonneau, ancien manager Afrique du groupe qui pourra vous renseigner.

                                                                                   

Nous avons donc joint Luc Tonneau qui n’occupe plus son poste de manager depuis fin 2007. Ses réponses sont beaucoup moins affirmatives que celles de son ancien patron. Non seulement il admet que le groupe a pu participer au transport de coltan, mais en plus il confirme que ce transport pouvait transiter par les comptoirs de Kigali (Rwanda) dont nous a parlé Alain Bischoff.  

Marianne2 : Saviez vous que le commerce de coltan alimente les groupes armés au Congo ?

Luc Tonneau: 
Il y a coltan et coltan. Le même coltan peut être récolté et exporté de manière illicite et servir à financer les bandes armées et les achats d’armes bien sûr. Et en même temps, ce même coltan peut passer par des circuits traditionnels et se retrouver dans l'industrie sans pour autant servir à financer les groupes armés (…) On ne peut pas avoir des traçabilité totalement fiables, à un moment donné nous faisons confiance à nos clients pour avoir certaines règles éthiques.

M2.fr : Savez-vous si vous l'une des entreprises de transport du groupe Bolloré a chargé du coltan ? 

L.T. :
 Des exportateurs que nous ne connaissions pas nous ont sollicités. Nous avons refusé. Mais nous avons aussi été sollicités par des exportateurs traditionnels qui nous ont demandé d’en transporter. On l’a fait un petit peu. Très vite, les exportateurs dont parlait le rapport de l’ONU se sont abstenus. Car effectivement, ils ne pouvaient avoir de garanties quant à l’origine exacte du coltan acheté auprès des bureaux de transformation de Kigali.


Ainsi, si le directeur général Afrique du groupe Bolloré jure qu'aucune de ses sociétés de transport n’a jamais chargé du coltan venant du Congo, le moins que l’on puisse dire est que son ancien manager n’en mettrait pas sa main à couper.


 * Alain Bischoff, Congo-Kinshasa - la décennie 1997-2007, éd. du Cygnes, 2008.

MARIANNE.NET


18/05/2013
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