Pourquoi dit-on roi des Belges et pas roi de Belgique ?
Hier soir encore le correspondant de France 2 à Bruxelles, a employé l’expression roi de Belgique. Comme il vit en Belgique il sait pertinemment que l’expression correcte est roi des Belges. Il a surement dit « roi de Belgique » par souci de compréhension pour ses auditeurs, pensant que cela n’avait pas vraiment d’importance, et pourtant…C’est à la fois un contre sens politique et historique.
Albert II roi des Belges
Le fait de désigner un monarque conditionnel par le nom de son peuple et non de son pays, est une tradition qui nous vient de la révolution française. On l’oublie trop souvent il y a eu plusieurs époques dans cette révolution et le roi Louis XVI n’est pas passé en quelques heures de Versailles à la guillotine. Plusieurs constitutions se sont succédées en France avant l’abolition de la monarchie…qui fut d’ailleurs provisoire.
Louis roi des Français.
Au début de la révolution, nous dirons par facilité le 14 juillet 1789, Louis XVI est encore roi de France, un roi absolu de droit divin on disait « par la grâce de Dieu ». Mais dès octobre 1789 les Etats Généraux devenus Assemblée Nationale le désigne sous le titre de roi des Français. Terme repris par la constitution du 3 septembre 1791, dont l’article 2 dit « le seul titre est roi des Français ». Ce qui signifie que le roi détient son pouvoir du peuple et non plus de Dieu. Il gardera ce titre jusqu’à l’abolition de la monarchie en septembre 1792. Plus tard quand, après 12 ans de République, Napoléon instaurera l’empire il sera sacré empereur des Français et non pas de France. Avec toujours l’idée que c’est devant le peuple que le chef de l’Etat est responsable. Après Waterloo et la chute définitive de Napoléon en 1815, la France a connu ce qu’on appelle la restauration, le retour de de la famille royale.
Louis XVI roi de France puis roi des Français
Restauration du Roi de France
Deux rois vont alors se succéder, Louis XVIII puis Charles X, les frères de Louis XVI qui régnèrent sous le titre de roi de France. Malgré l’existence d’une constitution, une charte « octroyée » par le roi, leur désir surtout pour Charles X était de revenir peu à peu à la monarchie absolue. Conséquence : cristallisant l’opposition des démocrates, Charles X fut renversé par la révolution de Juillet 1830.
Le Roi Bourgeois.
Son cousin le Duc d’Orléans accepte alors la couronne qu’on lui propose et monte sur le trône avec le titre de : roi des Français.
Il sera renversé à son tour en 1848, et il est donc le dernier à ce jour à avoir été Roi en France, sous le titre de roi des Français. Son régime était surnommé la monarchie de Juillet et lui-même, Louis Philippe 1er, le roi bourgeois. Signe que désormais le chef de l’Etat était le premier magistrat du pays, et non pas une figure tutélaire née de la volonté divine.
Monarchie de Juillet.
La révolution française de 1830 est considérée comme la mère de la révolution belge qui a débuté à la fin du mois d’Août, contre l’occupation hollandaise, pour la création d’une Belgique indépendante. Les députés révolutionnaires Belges, réunis en congrès furent dans un premier temps tenté par la république. Mais à l’époque il n’y avait plus de république en Europe, même pas en France. Pour se ménager les monarchies et notamment la France et l’Angleterre, les Belges optèrent donc pour un régime inspiré à bien des égards de la monarchie de Juillet. Et à la tête de ce régime, comme à Paris ils souhaitèrent placer un roi constitutionnel, le roi des Belges.
Un Français à Bruxelles ?
Dans un premier temps ils choisirent pour ce poste le duc de Nemours, Louis d’Orléans fils cadet de Louis Philippe 1er . Mais l’opposition de la Grande Bretagne, obligea son père à refuser cet honneur, et finalement c’est un prince de la maison des Saxe Cobourg Gotha, membre par son premier mariage de la famille royale britannique, qui devint le premier roi des Belges en 1831, sous le titre de Léopold 1er. Veuf il épousa un an plus tard Louise Marie d’Orléans la fille de Louis Philippe. La monarchie belge est donc en grande partie issue de la monarchie de juillet et son chef le roi des Belges, porte le même titre que Louis Philippe qui était roi des Français.
D’autre monarchies constitutionnelles nées au XIX ème siècle ont opté pour la même dénomination, on disait ainsi en Grèce « roi des Hellènes » et en Bulgarie « roi des Bulgares. »
Le peuple souverain.
Le roi des Belges, comme autrefois le roi des Français, est un roi constitutionnel qui tient son pouvoir d’une révolution populaire. Lors de sa prestation de serment le roi jure fidélité à la constitution et aux lois du peuple belge, source de son pouvoir. Comme l’a rappelé Albert II lors du discours annonçant son abdication le 3 juillet 2013, en Belgique seul le peuple est souverain.
« Le rôle du roi des Belges et sa légitimité est de se mettre au service de la démocratie et de ses concitoyens, seuls titulaires de la souveraineté. »
Il s‘agit donc bien et c’est très important, d’un ROI DES BELGES, et non de Belgique.