Si beaucoup s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de créer un état fédéral d’Afrique noire comme l’a préconisé toute sa vie Cheikh Anta Diop, certains pensent que la mosaïque linguistique actuelle du continent n’est pas favorable à l’émergence de l’élément clé d’un Etat digne de ce nom, à savoir une langue. Les langues européennes n’étant pas des langues africaines, elles n’ont pas vocation à jouer un quelconque rôle majeur dans l’avenir du continent et elles sont appelées à prendre la place qui leur est due, à savoir celles de langues étrangères. Quelle architecture linguistique faut-il donc pour l’Etat fédéral d’Afrique noire ?
Une langue par territoire ou état fédéré
Les états africains actuels ont été dessinés à la règle par les colons,sans tenir compte des
frontières des anciens royaumes africains, ni de l’unité de peuples qui se sont retrouvés séparés par des lignes arbitraires. C’est ainsi que l’empire du Mwene Mutapa est éclaté entre le Zimbabwe, le Mozambique, le Botswana et l’Afrique du Sud. Que l’empire du Kanem Bornou est éclaté entre le Cameroun, le Nigéria, le Tchad et le Niger. Ou que le peuple Yoruba est désormais fait de nigérians et de béninois. Il faudra donc réfléchir au préalable à la valadité et à une possible redéfinition des frontières héritées de la colonisation pour construire les différents états de l’Etat fédéral. Si par contre on tient compte des frontières coloniales, contrairement à ce qu’on dit, il y a des langues qui s’imposent comme on le verra.
- – Le Wolof au Sénégal est de toute évidence la langue du pays. Elle est parlée dans tous les milieux, dans les médias.
- – Le Haoussa au Niger, où la majorité de la population appartient à ce peuple.
- – Le Sangho en Centrafrique qui est déjà la langue nationale.
- – Le Peul au Cameroun qui est parlé dans toute la moitié nord du pays.
- – Le Kikongo en Angola, où se trouvait la capitale de l’ancien empire Kongo.
- – Le Tswana au Botswana, le nom du pays signifiant lui-même « le peuple Tswana »
- – Le Kinyarwanda au Rwanda etc…
En réalité une analyse objective de la situation linguistique de chaque pays avec les frontières coloniales permet presque partout de mettre en avant une langue par rapport aux autres. On peut donc, procédant ainsi et à travers un comité de reflexion composé de personnes qui mettent l’Afrique avant toutes leurs préoccupations et qui sont comme le disait Cheikh Anta Diop, dépourvus de tout chauvinisme déguisé, doter chaque territoire d’une langue quelque soit les frontières choisies.
Une langue de gouvernement pour toute l’Afrique
Au dessus de ces langues, il doit il y en avoir une qui serait la langue du gouvernement fédéral et la langue parlée par tous les africains. Alors de quelle langue s’agit-il ? J’ai personnellement identifié cinq langues à vocation continentale, il s’agit du Mandingue, du Haoussa, du Lingala, du Peul et du Swahili. Cette sélection je l’ai faite sur le caractère transnational de ces langues, leurs présences dans les moyens de communication moderne, et le grand nombre de locuteurs qui les parlent.
Le Mandingue ou groupe de langue mandés, est parlé par près de 10 millions de personnes. Il se retrouve au Mali, en Guinée, en Guinée Bissau, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Gambie, au Burkina Faso. Il est la langue nationale du Mali (Bambara) et est véhiculée dans les médias.
Le Haoussa est parlé dans une bonne partie de l’Afrique de l’ouest, en particulier au Nigeria et au Niger. Il est la langue nationale du Niger, il serait parlé par 50 millions de personnes. L’histoire générale de l’Afrique écrit par l’Unesco, a été traduite dans cette langue.
Le Lingala est parlé dans les deux Congo, il est véhiculé dans les médias. Il est parlé par près de 10 millions de personnes. Wikipedia parle de 36 000 000 de personnes.
Le Peul est la langue la plus rependue d’Afrique de l’Ouest, avec 20 millions de locuteurs répartis dans une vingtaine de pays. S’il est la langue du nord du Cameroun, il n’est à ma connaissance utilisé dans les médias nulle part. L’histoire générale de l’Afrique a également été traduite dans cette langue.
Le Swahili est parlé dans toute l’Afrique de l’Est. On le retrouve en Tanzanie, au Kenya, en RDC, en Ouganda, au Rwanda, au Burundi, aux Comores, en Somalie, au Mozambique, à Madagascar et en Zambie. Il est utilisé quotidiennement par 100 millions de personnes. C’est la seule langue noire qui soit langue de travail de l’union africaine. Elle est la langue officielle de la Tanzanie et une des deux langues officielles (avec l’anglais) du Kenya. Elle a tous les attributs d’une langue internationale.
On le voit, quand on passe en revue les langues qui ont vocation à devenir langue de gouvernement, le Swahili se dégage très nettement comme premier choix. Le problème avec cette langue ce sont tous les emprunts arabes présents dans le vocabulaire. Il faudra donc si on veut la définir comme langue continentale, mettre les linguistes au travail pour la rendre complètement africaine de nouveau.
Conclusion
Concrètement, cela voudrait dire en somme, si on tient compte des frontières actuelles, que le jeune enfant sérère du Sénégal parlerait sérère à la maison et aurait une éducation en wolof et en swahili. Que le jeune somali aurait une éducation en somali et en swahili. Que le jeune malgache aurait une éducation en malgache et en swahili. Que le jeune bamiléké du Cameroun parlerait sa langue à la maison, et aurait une éducation en peul et en swahili.
Les langues de gouvernement de l’état fédéré d’Angola seraient le kikongo et le swahili mais les représentants de l’Angola au parlement fédéral s’exprimeraient en swahili. Les langues de gouvernement de l’état fédéré d’Ethiopie seraient l’Amharique et le Swahili et les représentants éthiopiens au parlement fédéral s’exprimeraient en Swahili.
Tous les peuples d’Afrique noire se comprendraient de cette façon à travers une seule langue, tout en respectant autant que possible la spécificité linguistique de chaque peuple. Ceci facilitera qui plus est les relations internationales, car tout étranger aura juste besoin d’apprendre une langue pour venir en Afrique.
Hotep !
Par : African History-Histoire Africaine
Source : Linguamon www10.gencat.net
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