USA évaluent leur nouvelle stratégie face à la Russie et à la Chine
Les États-Unis évaluent leur nouvelle stratégie face à la Russie et à la Chine
Alors que l’autorité à Washington n’a jamais été aussi fracturée et incohérente, Alfredo Jalife observe les positions d’Henry Kissinger et de la Rand Corporation. Le stratège mythique des États-Unis déplore un monde qui n’est plus gouverné par des États souverains, tandis que le groupe de réflexion du complexe militaro-industriel envisage comment Washington peut dominer le chaos global.
Les États-Unis seraient-ils la zone fractale à l’intérieur du chaos global ? L’exploration stratégique de Rand est très ambitieuse. Dans un premier volume il aborde les élections états-uniennes dans un monde plein de turbulences ; l’article est de l’ambassadeur James Dobbins. D’autres volumes suivront, centrés sur la défense, la stratégie économique internationale, l’anticipation pour des stratégies basées sur la surprise, le meilleur usage de l’espionnage, la réforme du système de prise de décisions en matière de sécurité nationale et le maniement des relations complexes des États-Unis avec leurs alliés et partenaires.Parmi les trouvailles principales, il y a l’obsession de la Russie comme « État agresseur ».Au lieu d’accepter la nouvelle réalité, le fait que la Russie est une superpuissance indispensable au nouvel ordre global, les experts de la Rand préfèrent revenir à leurs postures nostalgiques de la Guerre froide, pire encore, à l’intolérable humiliation de la Russie, comme pendant la courte étape de l’unipolarité états-unienne, quand l’Ours russe ne traçait pas encore les nouvelles lignes rouges du XXIème siècle.La Rand est nuancée :
la Russie se conduit mal, mais pas autant qu’à l’échelle de l’URSS de jadis ; et elle conclut que la Chine est devenue plus répressive à l’intérieur et plus sûre d’elle à l’étranger, sans prendre en compte les facteurs exogènes et endogènes.Au sujet d’al-Qaïda, du changement climatique et d’Ebola, il n’y a que des variations par rapport aux déclarations d’Obama.Le fond qui préoccupe la Rand, c’est le cyber espace, qui apparaît comme un nouveau champ de bataille entre les forces de l’ordre et du désordre.Il faut sous-entendre que les forces de l’ordre sont représentées par les États-Unis et son ordre unipolaire caduc, tandis que les forces du désordre sont symbolisées par la Chine et la Russie alors qu’elles aspirent à un nouvel ordre global multipolaire et plus équitable.
La Rand se complaît dans le chaos : les dernières années nous rappellent que la stabilité n’est pas l’état naturel en matière de relations internationales, la paix ne se perpétue pas d’elle-même, et des régions entières peuvent tomber brusquement dans l’anarchie.Autrement dit, sans la direction unipolaire états-unienne, c’est l’anarchie.La Rand raille ceux qui, selon elle, ont exagéré le désastre, qui parlent d’ordre international désintégré et d’évanouissement de la capacité états-unienne à diriger le monde.Au plan économique, elle se demande si, dans le cas où le TPP et le TTIP aboutiraient, il faut inclure ou exclure la Chine.La Chine est pour elle le dilemme de Hamlet ; rivaliser avec elle ou lui faire une place dans les nouvelles structures financières multilatérales (la nouvelle banque chinoise AIIB).Sur la Russie, on se demande jusqu’où il faut l’isoler et la pénaliser, dans la mesure où on a besoin de sa coopération dans d’autres domaines, et s’il faut déployer ou non des forces supplémentaires des États-Unis tout près des pays baltes pour dissuader ou défaire une initiative russe contre les alliés de l’Otan.La Rand insiste sur la viabilité d’une Ukraine unie mais neutre.Les recommandations de la Rand :
que les États-Unis continuent de prendre le commandement des opérations pour soutenir et étendre les règles de base de l’ordre international, et qu’ils fassent la promotion de nouvelles normes dans les domaines où elles n’existent pas, comme le maniement de la cybernétique et du climat.
Malgré le chaos global, et particulièrement au Proche Orient, l’intervention de la Russie dans les États voisins et la présence chinoise dans la Mer du Sud, le changement climatique et le déclin de la prestance militaire des États-Unis, la Rand considère que le monde n’est pas en train de s’écrouler, et que ces difficultés ne sont pas hors d’atteinte de l’habileté des USA pour manœuvrer. Car il y a déjà eu des changements pires dans l’équilibre global du pouvoir, selon elle.Les choses sont donc claires pour les États-Unis, qui doivent continuer à assurer le commandement, mais la Rand ne s’exprime pas sur le rôle à venir de la Russie, de la Chine, et de ce qui restera de l’Europe.À mon avis, le chaos global qui règne est dû au déclin des États-Unis, concomitant des agissements décevants de l’UE, qui n’a pas su imposer son autonomie tant souhaitée, et à « l’association stratégique » entre la Russie et les États-Unis.Peut-être que l’erreur principale de l’UE a été de s’aligner en toute pusillanimité sur l’unilatéralisme insoutenable des États-Unis, une superpuissance sur le déclin, dans la mesure où elle affronte la Russie de façon insensée, alors qu’il s’agit de la plus grande superpuissance nucléaire euro-asiatique.La principale erreur géostratégique des États Unis, qui n’ont pas su s’adapter à la nouvelle réalité du nouvel ordre tripolaire, est d’avoir poussé la Russie dans les bras de la Chine, au moment où l’UE souffre d’une détérioration politique profonde, qui peut l’amener à imploser.
Traduction
Maria Poumier
Maria Poumier
Source
La Jornada (Mexique)
La Jornada (Mexique)
AMMAFRICA WORLD
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