Devoir de mémoire:Histoire du Royaume Kongo et le conflit avec le Portugal
A) les Kongos et les Portugais
S'étendant sur une large portion du Sud- Ouest de l'Afrique, ses frontières couvraient les pays actuels du Congo et de son alter ego Zaïrois, de l'Angola, d'une faible partie du Mozambique et du Gabon soit environ plus de 300 000 Km2 de terres contrôlées par un souverain chrétien, le Mani Kongo (ou MweneKongo).
Dès le VIIème siècle, l'Empire du Kongo est déjà connu du monde occidental. Mais c'est avec le Quattrocento, qu'il va prendre une dimension internationale. Les Portugais conduit par l'explorateur Diego Cao rencontrent pour la première fois le souverain du Kongo en 1482 non sans prendre quelques aristocrates ou membres de la famille royale en otages pour les ramener comme preuve de leur découverte à la cour du Portugal. Arrivés à Lisbonne, ceux-ci sont exhibés à la cour royale et placés dans des couvents ou durant 8 ans, ils apprendront à lire et parler le portugais, les maths, la théologie.
Pour les portugais restés en Afrique, le Mani (Mwene) Kongo les autorise à s'établir sur les côtes maritimes, d'y ouvrir une ambassade et même de professer à qui le voulait, leur religion chrétienne. D'ailleurs Nzinga Nkuwu, Souverain tout puissant des Kongos*, succombera lui même aux sirènes du catholicisme portugais et se fera baptiser le 3 Mai 1491 sous le nom de Jean Ier. Ancien gouverneur de la province septentrionale de Nsundi et de Nzaza Vumbi, il était arrivé au pouvoir par un coup d'état
La Reine, quant à elle, dut attendre un mois avec son fils Mpanzu A Nzinga pour se faire baptiser respectivement conjointement sous le nom de Dona Eléonore pour la Reine et sous le nom d'Alphonse pour le Prince héritier. Même la capitale Mbali fut renommée en un flamboyant San Salvador et on dessina un blason digne des meilleures monarchies d'Europe pour le souverain. L'arrivée le 29 Mars 1491 de missionnaires à Mpinda fut organisée de façon grandiose par la monarchie Kongo. Le Mani (Roi) Soyo avait fait déployer un parterre d'honneur de 3000 guerriers traditionnels pour accueillir le chef de cette expédition portugaise, Dom Ruy De Sousa. La conversion le 3 Avril 1491 sous le nom de Manuel du Soyo avait impressionné Nzinga Nkuwu qui avait mandé les portugais en sa capitale.
L'histoire du Kongo était dès lors en marche. Le souverain Nzinga Jean ne souhaitait faire que du commerce agricole avec les portugais et ne voulait aucunement soutenir quelconques ventes d'esclaves sur son territoire. Les relations entre les portugais et la monarchie Kongo se ternirent très vite. Les missionnaires furent arrêtés et massacrés, les écoles brûlées. Le fils du Mani Kongo, Mpanzu A Nzinga, qui avaient les faveurs du conseil royal (la monarchie Kongo était élective mais au sein des membres de la dynastie régnante) ne cachait pas sa volonté d'en finir avec les portugais. La crise s'amplifia entre les portugais et la cour royale au fur et à mesure des tentatives des marchands d'esclaves de s'emparer de villages pour les besoins de leur commerce du bois d'ébène. En 1499, l'île de Sao Tomé (fief héréditaire donné au Gouverneur Fernando De Mello en 1486) devint le théâtre et la scène de complots anti- Kongos par certains marchands d'esclaves forçant la couronne portugaise à intervenir et destituer le fils du gouverneur.
Jean Ier était désormais moins sensibles aux discours des religieux. Comment leur bible pouvait-elle interdire la polygamie, institution sociale répandue dans tout le royaume et garant des alliances avec les royaumes mineurs. Cette question divisa profondément la cour mais Jean décéda sans avoir régler la question
* Le terme significatif du mot Kongo varie selon diverses sources. Pour certaines, il pourrait signifier " allié à la panthère " ou serait simplement une arme de jet appelée Kong Kong dont se servait les habitants de la future Angola. Il est a noté que si le terme de Kng est devenu générique pour désigner le royaume du même nom, seuls les habitants de la capitale Mpemba s'en réservaient l'usage (Esi-Kongo).
B) Le Mani Kongo Alphonse Ier
Mpanzu monta sur le trône en 1506 (ou 07 ?) mais il n'eut que quelques heures pour en profiter. Le jour des festivités de son accession au trône, il fut assassiné. Son frère Nzinga Mbemba dit Alphonse Ier prit immédiatement le pouvoir sans consulter le conseil ce qui laisse suggérer qu'un complot avait été organisé entre le prince et les portugais. Âgé de 51 ans, le nouveau Mani Kongo ne faisait pas l'unanimité. Son frère Kitima, qui ulcéré par ce crime avait renoncé à la religion chrétienne, prit les armes. Il assiégea la capitale mais fut rapidement battu par le souverain Alphonse. La légende raconte que le frère rebelle fut pris d'une peur panique en apercevant dans le ciel, l'apparition de Saint Jacques… Et delà fut dessiné le blason qui allait être celui de la famille royale jusqu'en 1860.
Quoiqu'il en soit, le Roi " par la grâce de Dieu, Roi de Kongo, Loango, Ka-Kongo et de Ngoyo, d'en de ça et d'au-delà du Zaïre, Seigneur des Ambundus…. " Alphonse Ier pouvait s'installer tranquillement sur le trône et d'être le premier roi africain reconnu par une cour européenne. Il entreprit de christianiser tout son empire, calqua son état sur celui du Portugal (et ce jusqu'aux divers impôts existants), ouvrit une école qui compta 400 étudiants et en échange de plus de missionnaires sur son royaume, il fit éduquer son fils Henri à la cour du Portugal, envoya des Ambassadeurs à Rome en 1513. Henri fut même nommé Evêque d'Utique en 1517, il occupa aussi la charge de gouverneur de Mpanza jusqu'à sa mort en 1531 (ou 1539). Le commerce des esclaves put prendre son essor au sein de l'Empire ; les vassaux du souverain Kongo y voyant un commerce lucratif se détournèrent progressivement de lui pour rejoindre les protecteurs portugais (l'ethnie Téké avait été définitivement soumise par Alphonse Ier qui menait des troupes armées de fusils, armes peu connues alors en Afrique). Les Portugais se servaient parmi les prisonniers du Mani Kongo pour leur commerce d'esclaves mais ne dédaignaient pas de se servir aussi dans les villages de l'Empire voir parmi la noblesse elle -même. Lorsque Alphonse Ier apprit cela, il s'empressa d'écrire à son homologue portugais, lui demandant expressément de mettre fin à ces pratiques. La fin de sa vie fut marquée par une série de complots organisés tant par les portugais (1526, tentative d'assassinat à Pâques 1539 qui fit un mort et deux blessés..) qui lui reprochait de ne plus s'intéresser au catholicisme tant par les membres de son propre clan qui voulaient s'en débarrasser. Complot auquel il succomba tragiquement
C) Le Manikongo Pierre Ier
. En 1543, son fils Pierre Ier lui succéda dans une atmosphère lourde et menaçante de guerre civile. D'ailleurs la cour royale du Portugal ne mentionnera pas sa mort dans les annales de son histoire. Durant deux ans, Pierre Ier dut lutter contre sa propre cour qui ne cachait pas sa volonté de le déposer au profit de l'un de ses fils Diégo (Nkumbi Mpudi) ou François (Mzinga Mbemba) qui revendiquaient également le trône. En effet, malgré le modernisme européen introduit dans le royaume, les notables et aristocrates voulaient que le principe coutumier continu de prévaloir sur la succession héréditaire mise en place par Alphonse au Kongo. Pierre Ier voyant le pouvoir lui échapper, vaincu par les troupes de son neveu Jacques se réfugia dans l'église principale de la capitale. Son fils Diégo qui se faisait couronner respecta le caractère sacré de l'asile de l'église et laissa tranquille son père qui se réfugia dans l'île de Sao Tomé. Une accalmie car le Mani Kongo Pierre Ier fut finalement assassiné la même année de sa déposition alors qu'il tentait de reprendre le pouvoir, implorant le Saint Siège et le Portugal à l'aide, en vain.. Le fils de Pierre Ier, François se déclara à son tour Mani Kongo mais il n'eut qu'un règne éphémère et c'est son cousin Jacques qui prit à son tour le titre royal. Diégo Ier mit rapidement fin à cette anarchie de souverains.
L'assassinat de Pierre provoqua une succession de conflits internes au sein de la cour royale, laissa le champ libre aux portugais de continuer leur commerce des esclaves sans aucune opposition. Diego quant à lui tolère le christianisme du moment que cela sert ses intérêts. En 1546, il envoie un créole comme Ambassadeur au Portugal avec pour mission de ramener quelques ecclésiastiques mais deux ans plus tard il dénonce comme comploteurs ces mêmes prêtres qui sévissent dans le royaume. Il est vrai que nombre d'entre eux avaient écris au Roi Jean III du Portugal pour qu'il destitue le souverain Kongo trop indépendant à leurs yeux. Diego finit par tous les expulser. Les franciscains qui seront présents dans le pays peineront en 1557 à rédiger en Kikongo la bible. Diego Ier meurt le 4 Novembre 1561 et comme à l'accoutumée, la succession sera rude.
D) Guerre civile au Kongo.
Le prétendant au trône est assassiné. Alphonse II placé par les portugais comme Mani héréditaire ne régna à peine une année avant d'être destitué par un soulèvement populaire. D'ailleurs son origine filiale est l'objet de tous les soupçons. Fils de la sœur de Diégo, voir peut être même issu d'un inceste, il ne fut pas reconnu par ses contemporains qui ne voyaient en lui que le fantoche des portugais. Des émeutes éclatèrent, de nombreux portugais furent assassinés tout comme le Roi. Bernard Ier dont le lignage est tout aussi incertain lui succède et dirigera l'Empire jusqu'en 1566, date à laquelle il meurt lors d'un conflit ethnique avec les Ba Tekés et les Yakas. Son successeur Henri II dut lui aussi faire face à un soulèvement organisé un après son accession au trône par son gendre et cousin, Nimi A lukeni Lua Mvemba. Henri II fut assassiné en 1568 et Nimi fut couronné sous le nom d'Alvaro Ier, inaugurant le règne d'une nouvelle branche de la famille royale dite des Kwilu.
Loin d'être un remède à la crise du royaume, le règne d'une vingtaine d'années d'Alvaro Ier (dont ont dit qu'il était le petit fils d'Alphonse Ier par sa sœur qui épousa son cousin Henri Ier) fut une catastrophe pour l'Empire.. Le nouveau roi qui avait été prompt à saisir le trône de son cousin avec son armée se trouva vite mis en déroute par l'ennemi. Les Yakas (Jagas) s'offrirent même le luxe de s'emparer de la capitale (1569) et de la brûler, sa population massacrée. Réfugiés dans les montagnes avec sa cour, le Roi va vite crier famine. Les esclaves seront tués, dépecés afin de survivre, les enfants vendus aux portugais qui profitaient de la crise pour accentuer le commerce des esclaves. Même les nobles se vendaient entre eux.
Menacé par les invasions des Yakas, Mani Kongo envoya une ambassade auprès de Sébastien Ier du Portugal pour lui implorer de l'aide. Le souverain portugais envoya un corps armé de 600 hommes rétablir le souverain Kongo dans ses prérogatives au bout d'un an de combats. Le gouverneur Francisco Gouveia Sottomaior lui fit signer un accord de vassalité avant de l'emmener rejoindre les troupes royalistes à Luanda, quartier-général des portugais et qui se trouvait hors du royaume. Un souverain atteint d'hydropisie. Alvaro voulut en récompense donner son Empire au souverain du Portugal qui le refusa mais lui demanda en échange l'octroi des mines d'or du pays. Le Mani Kongo peu reconnaissant au final donna de fausses données aux portugais qui se perdirent en route. Curieusement, c'est un prêtre portugais qui avait conseillé le souverain de cacher ses ressources naturelles à son alter ego occidental. Puis Alvaro fit assassiner le gouverneur et nia totalement avoir signé quelconque accord de vassalité. Rejoignant ses troupes, il fut bientôt assez en nombre pour menacer directement ses alliés.
Alvaro Ier renoua bientôt l'alliance avec les Portugais qui en profitèrent pour rétablir l'autorité du clergé sur le pays quelque peu malmené par les guerres de succession. Puisqu'ils ne pouvaient s'approprier la souveraineté du Kongo, les Portugais mirent en place la colonie de Luanda dans le Sud du royaume. Puis le Mani Kongo dut s'occuper de repousser les Yakas qui venaient d'envahir le pays avant de limoger quelques princes rebelles qui lui causaient bien des soucis.
L'évangélisation du pays se fit difficile sous le règne d'Alvaro Ier. Le Portugal tardait à envoyer des missionnaires dans le pays refroidit par la générosité du Mani Kongo. Et c'est finalement l'Espagne qui au XVIème siècle venait d'annexer le Portugal répondit à ses attentes malgré quelques difficultés logistiques. Alvaro entreprit de moderniser son pays à l'instar du style de vie des cours européennes en vigueur à ce siècle. Des comtés, des duchés et des marquisats furent crées dans tout l'Empire. Une cathédrale fut construite à San Salvador.
En Mars 1587, Alvaro rendit l'âme dans un pays ravagé. Son fils du même nom lui succéda. Alvaro II Nkanga Nimi fut très vite en butte avec les ambitions de son frère et de sa soeur. Les partisans des deux prétendants s'affrontèrent au sein de la capitale, fragilisant les frontières de l'Empire. Il dut même reconnaître l'indépendance du Comte Miguel de Soyo au sein du royaume. Alvaro II finit par s'affirmer et pour récompenser les nobles qui l'avaient soutenu, créa l'ordre du Christ malgré les plaintes de plagiat du Portugal auprès du Pape.
Le Pape…. Alvaro lui envoie un ambassadeur au Vatican pour y plaider sa cause et obtenir une pleine reconnaissance. L'Ambassadeur désigné atteint Rome le 3 Janvier 1608 après presque 4 ans de voyage et y délivre son message : Le souverain réclamait les mêmes privilèges que les autres rois chrétiens du monde, demandait que l'évêque du Kongo reste dans les limites de son autorité. Qu'il ne soit pas portugais. Car si il l'était, il devrait s'aligner sur les positions du Kongo. Epuisé, il meurt 24 heures après son arrivée. Mais l'histoire l'aura reconnu comme le premier ambassadeur africain au Vatican.
E) L'anarchie
Le Mbemba (Duc) Antoine Da Silva décida qu'il était temps de mettre fin au règne d'Alvaro II. En 1614 avec son armée, il le renversa au profit de Bernard II (son fils) puis un an plus tard (Août), il le remplaça par Alvaro III (frère de Bernard II). Antoine Da Silva fut le véritable maître du royaume jusqu'à sa mort en 1620. Alvaro III s'entoura de ses partisans afin de se protéger des visées expansionnistes du gouverneur de la colonie portugaise de Luanda désormais appelée Angola. En effet depuis 1617, celui-ci envoyait ses mercenaires opérer des rafles dans les villages Kongos au mépris des accords signés entre les deux monarchies. Les tensions s'accrurent à la mort d'Alvaro III le 4 Mai 1622. Le nouveau souverain désigné par les grands électeurs du royaume (l'héritier Ambroise jugé trop jeune avait été écarté), le Mbemba (Duc) Pierre II dia Nkanya Ya MVikade la lignée royale Nsundi, se plaisait à cacher tous les esclaves en fuite d'Angola. Le gouverneur d'Angola envahit immédiatement le sud du royaume en représailles.
Les armées portugaises déferlent sur le royaume. Elles rencontrent les soldats de Pierre II à Mbanda Kasi. La défaite est cinglante pour les kongos face aux portugais alliés à d'autres tribus africaines. Furieux Pierre II réagit promptement en faisant exécuter 4 gouverneurs qui avaient refusés d'engager leurs troupes aux côtés de celles du Mani Kongo. Prenant peur, toute l kongo s'arma alors que Pierre Ii déclarait ni plus ni moins la guerre au Portugal tout entier. Leurs soldats finalement battus à Mbanda Kasi, les marchands portugais installés au sein du royaume qui avaient tout naturellement supportés cette invasion vont désormais la dénoncer, craignant pour leurs vies. Pierre II écrit des lettres de protestations au Pape et au Roi d'Espagne. Des émeutes anti- portugaises éclatent à travers tout le royaume. Soucieux de préserver son commerce, Pierre II met fin à ces émeutes. Héros pour les uns, Pierre II devient le " Roi des Portugais " pour ses opposants.
En Angola, les portugais s'étaient sont soulevés contre leur gouverneur (Joao Correia de Sousa) avec l'aide des jésuites et c'est un Evêque qui assurera l'intérim de la colonie. De lui, Pierre II écrivait : " Il n'a aucune noblesse, ni de coeur ni de manière "
Source:Histoiredelafrique
AMMAFRICA WORLD
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