L'INDEPENDANCE TRANQUILLE DU SENEGAL:4 AVRIL 1960
L'INDEPENDANCE TRANQUILLE DU SENEGAL:4 AVRIL 1960
Le 4 avril 1960, par un accord avec le gouvernement du général de Gaulle,Léopold Sédar Senghor obtient l’indépendance de la Fédération du Mali, qui réunit le Sénégal et le Soudan français, deux colonies de l’Afrique occidentale française (AOF) .
L’indépendance est effective le 20 juin suivant. Mais dès le 20 août, le Sénégal se retire de la fédération. Cinq jours plus tard, Léopold Sédar Senghor devient le Président de la nouvelle République, avec une Constitution calquée sur celle de la Ve République.
Grand comme le tiers de la France (196.000 km2), le Sénégal compte 13 millions d’habitants en 2011 (2,5 millions à l’indépendance, un demi-siècle plus tôt). Bordé à l’Est et au Nord par le fleuve Sénégal, à l’ouest par l’Océan atlantique, c’est un pays très plat, avec un climat sec et par endroits semi-désertique.
Il est traversé en son milieu par un fleuve côtier, la Gambie, dont la vallée, colonisée par les Britanniques, constitue aujourd’hui un petit État anglophone indépendant. Cela a pour effet d’entraver les communications entre Dakar et le sud du Sénégal, la Casamance.
Le Sénégal est la plus ancienne de toutes les colonies françaises d’Afrique noire et reste fidèle à la langue de Molière, principal facteur d’unité et d’ouverture sur le reste du monde. Son régime démocratique s’est maintenu envers et contre tout sous l’autorité de seulement trois présidents en un demi-siècle : les socialistes Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, le libéral Abdoulaye Wade.
La corruption et la pauvreté n’en sont pas moins extrêmes et le pays a eu le douteux privilège de tomber dans la catégorie des PMA (pays les moins avancés).
L’histoire ancienne du Sénégal demeure mal connue en l’absence de documents écrits. Jusqu’à l’époque coloniale, le territoire n’a pas d’unité politique.
Sur les rives du fleuve Sénégal se rencontrent au premier millénaire de notre ère les Maures ou Berbères, nomades du Sahel, et les Noirs de la savane, Ouolofs et Sérères.
Les terres humides de la Casamance, au sud du fleuve Gambie, sont cultivées par d’autres populations noires, les Diolas. Plus à l’ouest et jusque dans le massif du Fouta Djalon, dans l’actuelle Guinée, on rencontre des populations au teint cuivré, les Toucouleurs et les Peuls.
Le nom des Toucouleurs dérive d’un très ancien royaume, le Tekrour, converti à l’islam sans doute dès avant l’An Mil. Ce royaume est contemporain d’un autre royaume sahélien, le Ghana.
En 1048, sur une île du fleuve Sénégal, des musulmans maures cèdent à l’appel d’un prédicateur et se lancent dans la guerre sainte. Sous le nom d’Almoravides, ils vont détruire le royaume du Ghana mais aussi conquérir le Maroc, remonter jusqu’en Espagne et repousser les chrétiens en guerre contre les royaumes musulmans d’al-Andalous. C’est le premier contact direct entre le Sénégal et l’Europe !
Au sud du fleuve Sénégal, au Moyen Âge, le Tekrour passe sous la suzeraineté du Mali, nouvel empire sahélien établi dans le bassin du Niger. Il laisse la place à un nouvel État, le Fouta, lequel éclate en plusieurs petits États.
L’arrivée des premiers Européens sur le littoral sénégalais remonte à la Renaissance. Il s’agit de pêcheurs et de marchands originaires du Portugal ou encore de Normandie (Dieppe).
Désireux d’atteindre l’Asie des épices en contournant l’Afrique, les Portugais s’installent en 1444 sur l’île de Gorée, en face de la presqu’île du Cap-Vert et de l’actuelle ville de Dakar. Ils établissent aussi un comptoir un peu plus au sud, sur la Petite-Côte, à Rufisque.
Au XVIIe siècle, c’est la traite des esclaves qui attire les Européens dans les parages. Les Hollandais s’emparent de Gorée en 1617. Les Français ne sont pas en reste. Des bourgeois de Rouen et Dieppe créent en 1624 la Compagnie de Sénégal et de Gambie, qui se fait accorder par Richelieu un monopole sur la traite des esclaves.
Le comptoir de Saint-Louis (ou Fort-Saint-Louis), ainsi nommé en l’honneur du roi Louis XIV, est fondé en 1659 par un agent de la Compagnie. Il va rester possession française pendant trois siècles, jusqu’à l’indépendance du pays. Ses habitants, métissés et très divers, adressent des cahiers de doléances aux états généraux de 1789.
Dès le XVIe siècle, pour se consoler de l’absence de leur épouse, les négociants portugais de Rufisque se mettent en ménage avec de jeunes Africaines. Ces dames donnent le jour à une population métissée originale, de religion catholique et de langue portugaise, les Signares (déformation de Senhoras, dames en portugais).
Endogame, cette population constitue au XVIIIe siècle la bourgeoisie locale de Rufisque mais aussi de Gorée puis de Saint-Louis, au nord. Parmi ses rejetons les plus célèbres, notons le philosophe Gaston Berger, né à Saint-Louis-du-Sénégal, et son fils, le chorégraphe Maurice Béjard.
En 1677, les Français occupent Gorée et plus tard Rufisque. Sous la direction de laCompagnie des Indes orientales, qui a pris le relais de la précédente compagnie, la traite bat son plein avec un maximum de 2000 esclaves par an convoyés de Saint-Louis aux Antilles.
Le souvenir de ce «commerce infâme» est entretenu à Gorée, dans la maison d'une ancienne Signare, rebaptisée Maison des esclaves, bien que l'île elle-même n'ait jamais servi de base de départ pour les navires négriers.
Mais les Anglais se tiennent à l’affût et, plusieurs fois au cours du XVIIIe siècle, s’emparent des comptoirs sénégalais. La France les recouvre définitivement au Congrès de Vienne en 1815 mais n’en prend possession qu’en 1817. La frégate La Méduse, envoyée dans ce but à Saint-Louis en 1816, fait naufrage en route avec le retentissement artistique que l’on sait.
Suite à l’abolition de la traite et de l’esclavage, les commerçants de Saint-Louis se tournent vers le trafic de la gomme arabique. Extraite de la sève d’acacia et très prisée par l’industrie chimique, elle leur est livrée par les populations de l’intérieur, Ouolofs, Maures et Toucouleurs.
Mais ce commerce ne va pas sans inconvénients : l’insécurité est grande et les Maures prélèvent un tribut sur les livraisons.
Les commerçants font pression sur le gouvernement français pour sécuriser le territoire. Leurs réclamations sont entendues par les hommes politiques et les chefs militaires désireux de constituer un nouvel empire colonial après la perte du premier (Saint-Domingue, Nouvelle-France, Louisiane, Indes…). D’aucuns voient même dans le Sénégal un substitut à l’ancienne colonie de plantation de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) mais leurs tentatives d’y créer des plantations vont régulièrement échouer.
Sous le règne de Napoléon III, le gouverneur Louis Faidherbe réalise le souhait des commerçants de Saint-Louis.
Il soumet les Ouolofs et repousse les Maures ainsi que le chef toucouleur El-Hadj Omar. Il constitue également le corps des tirailleurs sénégalais, sur le modèle des zouaves algériens. Il va s’illustrer dans la colonisation de l’Afrique noire, sous la IIIe République mais aussi dans les deux guerres mondiales.
Une fois la sécurité assurée, Faidherbe constitue autour de Saint-Louis la première colonie française d’Afrique noire et d’emblée, se soucie d’éduquer dans la langue française les enfants des chefs et princes locaux.
Le gouverneur donne à la colonie un nouveau port, Dakar, qui ne tarde pas à supplanter Saint-Louis. Dakar devient la capitale du Sénégal puis, en 1904, de l’Afrique occidentale française. C’est aujourd’hui une mégapole de 4 millions d’habitants qui concentre l’essentiel des maigres ressources du pays.
Faidherbe introduit aussi avec succès un oléagineux d’origine mexicaine, l’arachide. Cultivées par les petits paysans locaux, les cacahuètes sont exportées vers la métropole et transformées en huile alimentaire. Elles deviennent rapidement la première exportation du pays.
Sous la IIIe République, des gouverneurs tel Joseph Gallieni poursuivent l’œuvre de Faidherbe, au nom de la «mission civilisatrice» de la France, exaltée par le ministreJules Ferry. Dakar devient la base de départ de la conquête de l’Afrique occidentale, essentiellement le Sahel et le bassin du haut Niger.
En 1916, privilège exceptionnel : en vertu de l’ancienneté de leurs liens avec la métropole, les habitants des «quatre communes» de Saint-Louis, Rufisque, Gorée et Dakar obtiennent la citoyenneté française.
Au tournant du XXe siècle, le Sénégal, création artificielle divisée en cercles administratifs, commence à ressembler à un État. Il réunit des populations qui, si diverses soient-elles, prennent l’habitude de cohabiter en paix.
Les Diolas et les Sérères se montrent ouverts à la prédication chrétienne. Mais la grande majorité des animistes se rallie peu à peu à l’islam, un islam assez particulier qui accorde aux femmes une place active dans la vie publique et économique.
Vers 1886, le marabout Amadou Bamba fonde la confrérie islamique des Mourides.
Une grande partie des Ouolofs se rallient à elle avec ferveur.
Tout musulmans qu’ils soient, ils se tournent non plus vers La Mecque, la ville du prophète Mahomet (Mamadou en ouolof), mais vers Touba, la ville sainte du mouridisme, qui abrite le tombeau du vénéré marabout, à l’est de Dakar.
Depuis l’indépendance, la confrérie s’est considérablement enrichie en développant la monoculture de l’arachide, au risque d’épuiser les sols, et en s’attribuant le monopole de sa commercialisation.
Cela lui vaut un poids écrasant dans la vie du pays.
Produit exemplaire de la colonisation et premier Africain à obtenir l’agrégation (grammaire), Léopold Sédar Senghor met la culture française au service de l’émancipation de son pays et de l’Afrique. Avec le Martiniquais Aimé Césaire et quelques autres intellectuels, il invente en 1932 le concept de «négritude», exalte les cultures africaines et l’Art nègre, et revendique le droit à l’indépendance pour les peuples colonisés.
Après la Seconde Guerre mondiale, le poète est élu député et participe à des gouvernements de la IVe République. Quand le général de Gaulle prend le pouvoir à Paris, il négocie avec lui l’indépendance des colonies africaines.
Un demi-siècle d’indépendance
Deux ans après l’indépendance, Mamadou Dia, rival malheureux du président Senghor, tente un coup d’État et se voit condamné à la prison à vie. Adossé à la protection militaire de la France, le Sénégal ne connaîtra dès lors plus d’autre tentative de coup d’État.
En 1981, après vingt années de pouvoir, Léopold Senghor se retire à Normandie, dans la région de sa deuxième épouse, et transmet le pouvoir à son Premier ministre Abdou Diouf. Celui-ci tente en 1982 de constituer une confédération avec la Gambie, micro-État anglophone enclavé dans le Sénégal mais l’union se rompt dès 1989.
La même année, la tension monte entre le Sénégal et son voisin du nord, la Mauritanie. Des commerçants mauritaniens, à Dakar, sont attaqués et pour beaucoup tués. Même chose en Mauritanie pour les résidents sénégalais. On compte des milliers de victimes et de réfugiés.
Usé et malade, Abdou Diouf ne s’accroche pas davantage que son prédécesseur en 2000, quand les élections présidentielles consacrent la victoire de l’éternel opposant, Abdoulaye Wade (65 ans environ), un Ouolof de la confrérie des Mourides.
Le 26 septembre 2002, le mandat de Wade est affecté par le drame du Joola. Ce navire qui fait la navette entre Dakar et la Casamance, sombre avec près de 2000 personnes. L’impéritie des pouvoirs publics est mal ressentie, en particulier par les Diolas de Casamance, qui ont le sentiment d’être délaissés et connaissent une rébellion séparatiste.
C’est le début de désamour entre le vieux président et son peuple. Ce désamour est accentué par l’appauvrissement constant du pays, dont les principales ressources résident dans l’aide internationale et les transferts des émigrants.
Il est accentué par le népotisme du président, lequel, à la différence de ses deux prédécesseurs, ne répartit pas les fruits de la corruption entre les représentants de chaque ethnie mais les réserve à la sienne propre et à sa famille.
AMIS D'HERODOTE
SOURCE:herodote.net
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