LA DIASPORA CONGOLAISE DE HARLEM SE MOBILISE
A Harlem, l'Amérique se mobilise pour le Congo
Depuis les Etats-Unis, la diaspora congolaise a initié un mouvement pour la paix que rien ne semble arrêter. Au coeur du quartier noir de New York, on se mobilise pour la RDC qui souffre de la guerre.
A Harlem, New York, 5 mai 2012. REUTERS/Eduardo Munoz
Pour la quatrième année consécutive, Harlem, le quartier noir de New York, va vivre à l'heure du Congo-Kinshasa.
Né en 2008, le mouvement de la Congo Week a pris naissance dans une université américaine.
A l'origine se trouve un groupe d'étudiants de l'Université A&T de Caroline du Nord dont fait partie le jeune Kambalé Musavuli. Aujourd'hui trentenaire, ce réfugié congolais est arrivé aux Etats-Unis en 1998, alors qu'il était âgé de 17 ans, avant une énième guerre dans son pays, la République démocratique du Congo.
Comme beaucoup d'étudiants de la célèbre université où dans les années 60 des noirs américains se sont révoltés pour avoir les mêmes droits que les autres américains et ont initié le mouvement appelé Sitting, Kambalé Musavuli est un activiste.
Avec ses camarades de classe, il s'est mobilisé parce qu'il n'acceptait pas que les massacres au Congo restent sous silence. Ensemble, ils créent un évenement local, d'abord dans leur université, puis avec des universités partenaires et dans plusieurs langues (en anglais, espagnol et français).
En cinq ans leur projet s'internationalise, grâce surtout au concours de l'organisation Friends of Congo.
«J'ai contacté le directeur, et j'ai été ému de rencontrer un Jamaïcain mieux informé que moi sur l'histoire de mon pays», avoue Kambalé.
Une reconnaissance internationale
L'ingénieur en génie civil se félicite de voir combien le mouvement prend de l'ampleur.
Aujourd'hui, plus d'une vingtaine de grandes villes se mobilisent, et la Congo Week est célébrée de New York à Paris, en passant par Ottawa, Accra, Johannesburg, Tokyo, Buenos Aires, Kinsangani ou Goma.
«Quand le Japon a voulu rentrer dans le programme Friends of Congo, je l'ai remercié chaleureusement parce qu'une partie des composantes de la bombe Nagasaki a été fabriquée avec l'uranium du Congo, alors je trouve leur aide encore plus belle», confie Kambalé.
Le Congolais cite l'emblématique Patrice Lumumba qui était, selon lui, visionnaire lorsqu'il disait à ses ressortissants:
«Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de Congolais.»
Et Kambalé d'ajouter:
«Le Congolais ne peut pas faire tout le travail seul. Ici la communauté noire a lutté pour la fin de l'apartheid, de la même manière je suis sûr qu'il y a des noirs américains qui veulent qu'on arrive à la paix au Congo.»
Paris a cette année une première édition qui se déroule à la «Maison de l'Afrique».
Elle a été organisée par ceux que Kambalé appelle «des sentinelles».
«Des bénévoles se mobilisent pour la Congo Week française, ils sont congolais, mais aussi européens».
Sensibiliser à travers l'art
L'événement Congo in Harlem est, avant tout, marqué par les projections de films sur le Congo, réalisés par des Congolais, ou par des amoureux du Congo et de l'Afrique. La programmation est très riche.
La salle des festivités choisie porte le nom de son fondateur, Albert Manfield, qui est l'auteur d'une centaine de films documentaires. Le cinéma est situé dans le quartier historique d'Harlem à la 125e, à l'angle de l'avenue Malcom X.
Pour accéder à la salle, chaque personne est libre de donner ce qu'il veut, à partir de 10 dollars, et les plus démunis peuvent assister aux séances même sans s'acquitter des droits d'entrée.
Certains films sont introduits par des concerts.
Au programme:
Une semaine de rencontres, de débats, de conférences, de projections de films pour dénoncer un conflit méconnu du plus grand nombre.
Depuis plus de 16 ans, la République démocratique du Congo est secouée par des guerres à répétition à l'est du pays.
Un rappeur engagé a fait spécialement le voyage de Kisangani pour venir faire prendre conscience de ce qui se passe dans son pays.
Il scande par exemple, «faudra sortir de l'ombre ce qu'ils concoctent dans le noir pour leur compte».
Le public venu voir Kony 2012, le premier film du programme de la Congo week, est très éclectique.
Seul une poignée de Congolais parmi les hôtes présents pour voir le film coup de poing.
«Moi je suis là pour apprendre d'avantage sur le Congo et l'Ouganda», explique Michèle, une Américaine d'origine irlandaise, étudiante en sociologie de 21 ans.
Sorti le 5 mars dernier, le film documentaire réalisé par Jason Russel, interroge sur la façon appropriée de parler de l'Afrique.
Comment est-ce qu'un film comme celui-ci véhicule quelque chose de négatif ou positif? Linda, Franco-Américaine, d'origine ivoirienne présente à la projection donne un avis mitigé:
«C'est intéressant de comprendre pourquoi la vidéo a été créée, et de pointer les différentes failles, ainsi que les améliorations qu'on peut faire. Pourquoi pendant toutes ces années on cherche à poursuivre un seul homme, alors que l'Ouganda et la communauté internationale ont forcément le moyen de le traquer et arrêter Kony?»
Qui a vu Kony 2012?
Si le film témoigne des horreurs à la solde du criminel de guerre ougandais, d'autres n'oublient pas de rappeler que cela s'est répercuté également sur le Congo.
«Kony a aussi commis et commet des crimes dans la province orientale de la RDC, il ne faut pas l'oublier», exhorte Bukeni T. Waruzi.
Ce film documentaire a d'ailleurs été vu par plus d'un million d'internautes en l'espace d'une semaine.
D'autres messages sont portés par de jeunes cinéastes congolais comme Dieudonné Hamadi de Kisangani venu défendre Atalaku, un film documentaire sur les élections de 2011.
Un film d'animation humoristique de Jean Michel Kibushi viendra égayer le sérieux de la Congo week.
Si les différents événements proposés mobilisent les troupes, en RDC l'engouement n'est pas encore au rendez-vous.
«C'est vrai que Friends of Congo est une bonne initiative, mais je pense que les compatriotes au Congo ne sont pas très intéressés par ce qui se passe aux Etats-Unis, car ils doivent considérer que ce qui se fait ici est destiné à la communauté internationale, et pas nécessairement pour eux restés au pays, d'autant que l'information propagée ici, ils la connaissent déjà, ils seraient peut être plus attentifs si un message spécifique leur est adressé», éclaire Bukeni qui était également conférencier à l'ouverture de la Congo week à New York.
Et d'ajouter:
«Au Congo beaucoup vont vous dire j'ai entendu parlé de Kony 2012, mais rares sont ceux qui l'auront vu.»
Il avoue cependant que la mobilisation internationale reste parfaite.
A l'entrée et à la sortie des événements des cartes postales sont distribuées, elles portent la photo d'Hillary Clinton, et la légende suivante «Faites quelque chose pour le Congo».
Pour le directeur de Friends of Congo, Maurice Carney qui est Jamaïcain, le message a faire passer aux Congolais est qu'ils ne sont pas seuls.
«Ensemble il faut trouver des solutions pour que le silence cesse, fasse aux massacres au Congo.»
Lumumba, une figure exemplaire mais controversée
Pour récolter les fonds nécessaires aux fonctionnements de l'organisation, le directeur de Friends of Congo, Maurice Carney, compte surtout sur le peuple.
A chaque événement ont une quête est faite, «c'est surtout le public qui donne le plus», explique t-il.
Le personnage Lumumba qui est cher à l'ensemble de l'équipe pose également problème.
«Un donateur était sur le point de faire un don de 10.000 dollars, puis dès qu'il a vu Lumumba dans nos tracts il a déchiré son chèque en disant qu'il ne donnerait pas d'argent à une organisation communiste», rapporte Maurice Carey.
Ce dernier semble refuser de changer son discours.
«Même plus de cinquante après son assassinat, ses idées font peur aux gens même jusqu'aujourd'hui, les journaux américains disent par exemple qu'il était un dictateur alors qu'il a été élu démocratiquement par son peuple. Son principe d'autosatisfaction fait peur pour les intérêts occidentaux», poursuit l'homme jamaïcain.
Ce dernier fait partie de ces noirs américains qui veulent se rapprocher d'un des 54 pays africains.
«J'ai choisi d'être un ami et un frère du Congo car c'est le poumon de l'Afrique, même Malcom X avait de l'admiration pour Lumumba et le Congo.»
Son rêve et sa vision de l'Afrique réside en grande partie dans les résultats d'études scientifiques, qui expliquent que le Congo a les ressources naturelles pouvant permettre de fournir toute l'Afrique en électricité, ainsi que le sud de l'Europe et le Moyen-Orient.
«Tout le monde le sait, en RDC, il y a l'or, le cuivre, le diamant. Si les Congolais contrôlaient leurs ressources, ça pourrait changer l'Afrique tout entière.»
En attendant de pouvoir changer les choses, la Congo Week propose une «Journée sans portable».
Pour protester contre le financement du conflit par les trafics de minerais destinés à la fabrication de nos mobiles, la Congo Week appelle à éteindre son téléphone toute la journée et à laisser un message sur son répondeur qui explique les raisons du téléphone éteint.
Ekia Badou
SLATEAFRIQUE
AMMAFRICA WORLD
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