LES EXPLORATEURS DE L'AFRIQUE
16 novembre 1805
Mungo Park disparaît en Afrique
Du 16 novembre 1805 sont datées les dernières notes de voyage de Mungo Park.
Cet Écossais tôt disparu est le premier Européen à visiter l'Afrique en qualité d'explorateur et d'anthropologue. De lui nous tenons l'essentiel de nos connaissances sur les sociétés noires d'avant la colonisation.
Les rares voyageurs qui l'ont précédé, comme Anselme d'Isalguier, originaire de Toulouse, et Léon l'Africain, originaire de Grenade, n'ont pas influé sur la perception qu'avaient les Européens de l'Afrique. À la fin du XVIIIe siècle, en 1788, un premier aventurier, l'Écossais James Bruce, part en Abyssinie (l'Éthiopie actuelle) à la recherche des mythiques sources du Nil. Mais à son retour, il ne suscite qu'indifférence.
Du XVe au XVIIIe siècles, les Européens, à commencer par les Portugais, s'en tiennent à des établissements côtiers où ils troquaient leurs marchandises contre de l'ivoire et des esclaves avec les chefs de l'intérieur. La difficulté d'accostage des navires, l'insalubrité des côtes infestées de moustiques et la pauvreté d'ensemble du continent les dissuadent de s'aventurer plus avant.
L'Afrique noire est le dernier continent à avoir été pénétré par les Européens, ceux-ci ayant été longtemps rebutés par les fièvres.
Après les pionniers du début du XIXe siècle et la conférence de géographie de Bruxelles (1876) viendront les aventuriers et les conquérants au service des États européens...
Mungo Park naît à Foulshiels (Selkirkshire, Écosse) le 20 septembre 1771.
Jeune chirurgien, il est engagé sur leWorcester pour un premier voyage qui le mène à Sumatra. Il en tire une description qui lui vaut d'être engagé par l'African Association pour reconnaître la région du Niger, en Afrique occidentale. C'est ainsi qu'à 24 ans, en 1795, il part tout seul en mission en Afrique.
Il remonte le fleuve Gambie, au milieu du Sénégal actuel, jusqu'à l'ultime poste britannique, à 200 miles en amont. De là, il s'engage vers l'intérieur seulement accompagné de deux serviteurs noirs. Les péripéties foisonnent. Ainsi est-il capturé par un chef maure et réussit-il à s'enfuir au bout de quatre mois.
Le 21 juillet 1796, il atteint le fleuve Niger à Segou. Pour le retour, il suit une route plus au sud. Malade, il doit à la bienveillance d'un chef noir de pouvoir se rétablir pendant sept longs mois. Enfin, le 22 décembre 1797, le voilà de retour en Grande-Bretagne après un crochet par... l'Amérique (dans le commerce triangulaire, aucun navire ne revenait directement d'Afrique en Europe).
Le récit de son expédition, sous le titre : Voyage à l'intérieur de l'Afrique, lui vaut une immense popularité.
L'explorateur peut dès lors songer à se marier. Il s'établit avec sa femme dans son village natal. Mais le démon de l'aventure le reprend quand, à l'automne 1803, le gouvernement l'invite à repartir pour le Niger, cette fois à la tête d'une imposante expédition.
Il a soin cette fois-ci d'apprendre l'arabe.
L'expédition quitte le port de Portsmouth pour la Gambie le 31 janvier 1805. Mais, trop lourde et encombrée, elle n'atteint le Niger qu'en août de la même année. Plusieurs Européens ont déjà succombé aux fièvres ou à la dysenterie.
Mungo Park décide alors de descendre le cours du fleuve avec un bateau. Celui-ci, construit tant bien que mal avec les moyens locaux, est baptisé «Joliba», nom indigène du Niger.
Avant de larguer les amarres, le jeune Écossais confie à Isaac, un guide mandingue (tribu locale), des lettres pour l'Angleterre et au Colonial Office où il précise ses intentions : «J'irai vers l'Est avec la ferme résolution de découvrir l'embouchure du Niger ou de périr... Bien que tous les Européens qui m'accompagnent soient déjà morts ou sur le point de mourir et que je sois moi-même à moitié mort, je persévèrerai et si je ne réussis pas, au moins mourrai-je dans le Niger»...
L'explorateur écossais disparaît peu après avec les derniers survivants de son équipe dans un naufrage sur le Niger. Ainsi s'achève l'épopée du premier Européen qui ait réussi à pénétrer dans l'intérieur du continent noir.
De son premier voyage, Mungo Park a rapporté de précieuses indications sur les sociétés d'Afrique occidentale. Ainsi souligne-t-il dans son récit la diffusion rapide d'un islam abâtardi dans toute la région du Sahel (le Mali actuel). Il note aussi la haine des Noirs pour les Maures (lui-même ne porte pas ces derniers dans son coeur et leur reproche leur cruauté et leurs menteries). Elle perdure dans l'actuel conflit entre Touareg nomades et Noirs du Mali.
Il souligne la fréquence des guerres. Celles-ci sont de deux types. D'une part des guerres formelles à l'européenne, d'autre part des rezzou ou coups de main ayant pour objectif principal la vengeance et la quête d'esclaves.
Résultat des guerres, les famines et les disettes sont fréquentes et parfois si dramatiques que des hommes libres n'hésitent pas à se vendre eux-mêmes comme esclaves ou à vendre leurs propres enfants. Il arrive, raconte Mungo Park, que des négriers européens intallés sur la côte reçoivent de telles propositions !
L'explorateur souligne l'importance de l'esclavage, profondément enraciné dans les structures sociales africaines. Parmi les esclaves, il y a ceux qui le sont par naissance. Ceux-là, les plus dociles, sont plus volontiers revendus aux Européens. Il y a aussi ceux qui le sont devenus par le fait d'une guerre ou de leur insolvabilité.
Mungo Park apporte aussi des informations de première main sur les sociétés rurales. Il décrit des savanes arborées et des paysages aux collines verdoyantes. Mais partout sévit la menace des bêtes fauves et des lions, dont les villageois se protègent par des clôtures.
L'Écossais déplore les cases enfumées, les Africains ignorant les cheminées qui permettent d'économiser du combustible et d'évacuer la fumée. Il note qu'une contrée, à l'ouest de la Gambie, pratique la fumure et utilise le fumier des bêtes pour fertiliser les sols ; elle dispose aussi d'une petite sidérurgie.
En sus des esclaves, l'Afrique occidentale exporte pour l'essentiel de la poudre d'or et de l'ivoire. Les Noirs achètent aux Européens de leur côté du rhum, des fusils, de la poudre... Ils achètent par ailleurs aux Maures du sel gemme.
«Colonialiste» avant l'heure, Mungo Park regrette que les Européens de la côte ne se soucient pas de répondre à la curiosité des Africains ni de leur enseigner leur langue et leur foi.
Notons que sur les rives de Gambie, il s'écoule plusieurs mois sans que passe un seul navire négrier. Quand, au terme de son premier voyage, Mungo Park en trouve enfin un, celui-ci l'amène aux Antilles en 25 jours. Sur le navire sont embarqués 130 esclaves, dont 25 qui furent naguère libres, les autres étant des esclaves de naissance. Le voyage, périlleux, se solde par 20 à 30 décès (esclaves et marins).
Toutes ces indications figurent dans les traductions du Voyage à l'intérieur de l'Afrique(nombreuses éditions de poche).
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