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TRADITION ARISTIQUE UNIQUE

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Triomple de la mode précoloniale

l'Art Vestimentaire d'Afrique Précoloniale 

L’Imitation Occupe Quelle place dans l’Art ? En Europe, Au XVII ème siècle, chaque famille noble avait son artiste attitré. Le peintre n’était qu’un artisan auquel on passait la commande de portraits, un tâcheron dont les œuvres étaient jugées à son aptitude à copier des sujets réels. Un bon portrait devait être conforme à l’original, sans toutefois en accentuer trop les défauts. Dans ce contexte, l’idée que l’art se doit d’imiter la Nature va plutôt de soi. La figuration de la Nature est un passage obligé pour l’art. Ne trouve-t-on pas dans la sculpture grecque des moulages de taureau où il semble bien que les « artistes », se sont contentés de jeter un animal dans de l’argile pour faire le moule ? Mais qu’est-ce que le résultat de ce travail, si ce n’est de l’imitation pure et simple ?

Notre idée postmoderne de l’art met tellement en avant le caractère original, personnel et subjectif de l’œuvre d’art, qu’il nous répugne de penser que l’art doive se contenter de copier des sujets naturels. D’ailleurs, le goût ambiant se détourne d'emblée de ce qui est figuratif et réaliste et privilégie dans l’art justement ce que l’on ne trouve pas dans la nature. Le sens commun postmoderne a plutôt tendance à voir dans l’art une sorte de décoration originale. Seulement, même ainsi, on ne se débarrasse pas si aisément de l’idée de l’imitation. Elle subsiste encore comme imitation de l’art par l’art. Après tout, à y regarder de plus près, les artistes se copient très souvent les uns les autres.

Il semble difficile d’évacuer entièrement la notion d’imitation de la création artistique. La justification de l’imitation n’est pas simple. Toute la question est de savoir quelle place occupe l’imitation dans l’art ? L’imitation dans l’art pose déjà problème en tant qu’imitation de la Nature. Le reproche des modernes aux anciens a souvent été formulé ainsi : à quoi bon copier à tour de bras la Nature, comme tant de sculpteurs et de peintres l’ont fait ?

TRADITION ARISTIQUE UNIQUE

En afrique, c'était au temps où le Nganga, le grand féticheur, fixait sur des statuettes des matériaux de toutes sortes pour en faire des objets de culte animiste.  Les marchands et voyageurs qui pour la première fois se rendirent en Afrique noire au XVlIème siècle, découvrirent d'étranges statuettes aux visages crispés ou douloureux, stupéfaits ou surpris complètement intériorises, quelques-unes donnant l'impression que le mouvement de vie s'était brusquement arrêté. Découvertes d'autant plus hallucinantes qu'elles ne ressemblaient à non de ce qu'on pouvait voir ailleurs, à aucune esthétique connue comme si elles avaient surgi du néant.

C’est sans doute cette impréssion de jamais vu et la forte expressivité de ces idoles qui ont troublé jusqu'au plus profond d'eux-mêmes ces marchands en règle avec leur conscience, si l'on peut dire. Les adjectifs ne manquent pas pour décrire ces statues d'un autre âge. Il est évident, au premier coup d’œil qu’il ne s'agit pas là de pièces decoratives. La violence des traits de ces formes sculptées dans le bois ou le fer crée chez celui qui les regarde avec l'angoisse. Une angoisse qui peut aller jusqu’à la peur, à croire que dans la confrontation entre l’objet et le spectateur, ce soit l'objet qui prend le dessus, gouverne le spectateur, prend en quelque sorte Possession de lui on retrouve des renets de cette idée de possession dans un des meilleurs textes de l'écrivain Jean Genêt : L'atelier d'Alberto Giacometli.

Figés de stupeur devant ces créations violentes, ces totems magiques, certains collectionneurs, par la suite, cachèrent ces statues quelque part dans leur cave ou les dépouillèrent de leurs inquiétants oripeaux. Ces éléments qui leurs paraissaient surajoutés, au masque, à la tête ou à la statuette d'allure pygmée, furent bizarrement enlevés afin de les rendre acceptables, c'est-à-dire de les intégrer dans une collection. Miroirs, peaux, plumes furent arrachés du corps des idoles.

Or ce sont justement ces éléments essentiels que le nganga le grand féticheur, fixait sur ces étranges objets pour parachever l'oeuvre du sculpteur. Tout ce matériel perdu aujourd'hui appartenant à ces objets de culte, servait en fait a les imprégner d'une force magique, a les doter d'une vie propre. Longtemps on a refusé d'évoquer ces objets africains qui, avant de devenir des objets d'art aux yeux des Occidentaux, s'intégraient à la vie des peuples qui les fabriquaient et les gardaient jalousement. Beaucoup furent brûlés par les missionnaires qui avaient peut-être senti, leur pouvoir incantatoire. Ces têtes aux lignes abstraites étaient destinées à capter la force vitale des ancêtres au bénéfice du membre du groupe. Il s'agissait de tisser un lien entre le monde des vivants et cet autre monde qui est celui des morts.

Un auteur, dans ses livres fondamentaux, écrit qu'aux époques des grands sacrifices organisés par l’intermédiaire des divins, des objets sont fichés dans le sol afin d'être en règle avec les puissances de l'au-delà. Ce lien avec l'au-delà se retrouve tout au long de l’histoire africaine et même précédemment dans la vieille Egypte avec Le livre des morts des anciens Egyptiens, incantations aux rythmes musicaux solennels et graves permettant au défunt de diriger sa vie posthume. Ce qui confère aux obets cultuels africains du Musée Dapper un côté à la fois brut et très pensé, lointain et mystérieux, c'est qu'on les imagine façonnés par la foudre, par une puissance exceptionnelle. Il n'est pas facile d'assigner un rôle particulier à ces statuettes au regard fixe ou aux yeux vides. Elles appartiennent dirait-on à d’autres royaumes.

Dans un livre profond et intelligent paru ces jours-ci aux éditions Payot, intitulé : Logiques métisses. Anthropologie de l'identité en Afrique et ailleurs, l'auteur écrit par exemple,  à propos du culte des ancêtres politiques,  que « les fétiches royaux se nommaient Nangoloko et Makungoba et qu'ils étaient situés dans les villages importants de la zone centrale du royaume. Mais ce que l'on sait moins, c’est que ces fétiches ou leurs surgeons se trouvaient également dans les provinces périphériques, celles qui n'étaient soumises que de façon très proche du village ». Le rôle joué par ces objets n'a rien de commun avec celui qu'on assigne aux  monuments. Ce sont des objets de pouvoir destinés à asseoir l'autorité d'un chef. Les marchands qui ont négocié ces statues, qui les ont embarqués en Europe sans « mode d'emploi », sans écrits les authentifiant ou spécifiant leur origine, les ont considérés comme des reliquats de peuples primitifs sans histoire aucune. A les examiner maintenant au Musée Dapper, fragments chargés d'histoire, arrachés à des civilisations indéchiffrables, on ressent presque physiquement leur puissance d'envoûtément.

 

La Force Dynamique de la Création. 

 

 

On se fait la réflexion que si l’art africain a été pour un ensemble de peintres et de sculpteurs un levain (Picasso, Germaine Richier, Brancusi, quelques autres encore) il aura manqué à ces artistes la flamme qui marque la création d'une force dynamique. Objets d'art, certes, mais sans vie, à l'exemple de ces grands coquillages vides aux couleurs pâles. Statuettes d'ancêtres au regard ébloui par un ciel incandescent, du Zaïre ou du Congo, masques mortuaires du Libéria, statues Nkisi au regard scrutateur à l'image des statues de l'Ile de Pâques contemplant la vastitude, statuettes Nkisi-Nkonde cernées de clous, « tireurs de langue » ou singes accroupis, tous portent en eux le foyer rouge d'une histoire qui nous est dérobée, statuettes prêtes à dire le mot définitif, apparitions nocturnes pour exprimer la parole suprême. Quant aux figures du Gabon ou du Mali, elles possèdent cette intériorité propre aux masques africains.

S'il fallait à tout prix leur trouver un prolongement aujourd'hui ce serait sans doute dans la forme d'un certain jazz, celui des grands saxos de l'époque Parker, Lucky Thompson, Coltrane. Puissants, agressifs, vivants, creusant une mélodie jusqu'à la racine, ramassés à l'intérieur du motif (l'aspect extérieur n'étant que la mélodie) ces saxophonistes expriment joie et douleur mêlées. Ces variations à nulles autres pareilles sont peut-être l'ultime aboutissement de ces masques à la fois tragiques, clos sur eux-mêmes, distillant une douce ironie.

 

On imagine les multiples réflexions que pourront se faire les visiteurs devant cette richesse inestimable d'une quarantaine d'objets africains empruntés aux principaux musées d'Europe. Signalons pour finir l'album publié par la Fondation Dapper : Objets Interdits, reproduisant tous les objets exposés. Les photos sont superbes. On lira aussi les présentations « De la curiosité à l'art », « De l'indicible à l'œuvre », d'une très grande qualité. On trouvera également dans l'album la Description de l'Afrique d'O. Dapper, fac-similé de l'édition française de 1686, imprimée à Amsterdam. Mais au fait qui était Olfert Dapper ? Un humaniste hollandais qui fit œuvre utile pour l'histoire de l'Afrique tout en demeurant parfaitement neutre à l'égard des pays concernés.

On puisera dans Description de l'Afrique de précieux renseignements introuvables ailleurs. Olfert Dapper a eu accès à des témoignages oraux et à des manuscrits aujourd'hui perdus, en particulier pour le Congo avec le Loango. Expressions inquiètes ou expressions d'extase, les statuettes exposées à la curiosité du public sont comme autant de pièges pour l'autre. On s'y sent happé, on y tombe, on veut  s’en déprendre.

 

Ceux qui ont possédé ces statuettes l'ont compris d'où les oubliettes dans lesquelles elles ont été précipitées par leurs propriétaires. On songe alors à cette phrase de Georges Bataille : « J'écris pour qui, entrant dans mon livre, y tomberait comme dans un trou, n'en sortirait plus ». Cette idée de capture fut peut-être la fonction première de ces extraordinaires sculptures.



22/12/2011
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