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NORD-KIVU:A "KITSHANGA",LES PROSTITUEES MINEURES NE SE CACHENT PAS!

Publié: 9 sept 2012
Nord Kivu – A Kitshanga, Les Prostituées Mineures Ne Se Cachent Pas

A Kitshanga la prostitution se porte bien, comme dans d’autres cités du Nord-Kivu, surtout celle des mineures, interdite et ailleurs réprimée qui se fait ici au grand jour. En cause, l’ambiance délétère d’une cité-carrefour où se mêlent pauvreté, surpopulation liée aux réfugiés et méfiance ethnique.

 

Tambour X, une boîte de nuit branchée de Kitshanga à 85 km au nord-ouest de Goma au Nord Kivu, est remplie de monde, et l’afflux ne cesse pas. Sous la lumière intermittente des projecteurs, des filles légèrement vêtues dansent de façon suggestive. Parmi elles, des mineures. L’alcool coule à flots, et les clients, agents humanitaires, commerçants, passagers en transit et transporteurs, choisissent parmi les filles, au vu et au su de tous. “L’essentiel est que le client paie mes services”, se défend Irène*, 17 ans, qui se fait payer au moins 5$ la passe, depuis 2009.

 

Voilà déjà trois ans que la loi portant protection de l’enfance a été promulguée en RD Congo. Dans ses articles 169 et suivants, cette loi prohibe toute relation sexuelle entre un adulte et un enfant (c’est-à-dire âgé de moins de 18 ans). Mais depuis l’accord de paix de 2009 qui a permis aux organisations humanitaires d’œuvrer dans des zones auparavant contrôlées par la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), des mineures congolaises et rwandaises débarquent à Kitshanga et rivalisent avec leurs aînées pour monnayer leurs charmes. Dans cette cité de passage, où les étrangers sont présents, l’argument économique est ce qui pousse les femmes, mêmes mineures, à se prostituer. Irène, elle, est venue en RD Congo pour fuir le renforcement de la législation luttant contre la prostitution au Rwanda. D’abord à Goma, puis ici.

 

“Ici, ‘aller à Kitshanga’ (expression qui signifie ‘faire l’amour’, NDLR) se fait sans complication”, se réjouit-elle.

NO MAN'S LAND

Kitshanga, ex-fief du CNDP et premier quartier général des rebelles du M23, est une ville rongée par la suspicion. À cheval entre deux territoires, elle est habitée par trois communautés, qui viennent, en gros, du sud pour les Hunde, du nord, dans le Masisi pour les Hutu, et de l’est, dans le Rutshuru, pour les Tutsi. Kitshanga, de fait centre d’accueil pour ceux, nombreux, fuyant les exactions des Maï-Maï, FDLR ou APCLS, connaît ainsi pauvreté et surpopulation. Et chacun arrive ici avec ses préjugés contre d’autres ethnies, perçues comme hostiles selon l’expérience vécue dans son milieu d’origine. Ce brassage de population ne se fait donc pas sans heurts, et, trop souvent, les situations sociales sont “lues” à travers le prisme ethnique.

 

Se mêler des affaires des “autres” est ainsi mal vu, et la répression de la prostitution des mineures, notamment, en pâtit. “Imaginez qu’un officier de police judiciaire de la communauté X soit sur le point d’envoyer un pédophile de la communauté Y en prison. Le problème restera-t-il circonscrit comme uniquement lié à la prostitution ?”, s’interroge un OPJ, qui avoue son souci principal en la matière : que les clients payent afin qu’il n’y ait pas de vagues.

 

“Car dans le cas contraire, ce sont les filles elles-mêmes qui essaieraient de porter plainte, et pour viol cette fois”,

 

ajoute-t-il, détournant ainsi cette loi et s’en servant comme d’une protection contre l’escroquerie…

MINEURES PEU PROTEGEES:

A titre de comparaison, à Kanyabayonga, Kiwanja, Masisi-centre, mais aussi Minova, Nyanzale et Rutshuru-centre, humanitaires, commerçants et voyageurs en transit sont aussi présents. Or la prostitution des mineurs ne s’y fait pas au grand jour. Sans doute parce que, au-delà de la prostitution, les mineurs, en application de la loi, sont relativement mieux protégés à la fois de l’exploitation et des agressions sexuelles :

 

“Même concernant les arrangements à l’amiable (interdits par la loi, NDLR) sur les viols, explique Basile Bashimbe, de la Commission diocésaine Justice et Paix de Goma, Kitshanga est un endroit où l’on s’en félicite toujours. Ce qui n’est plus le cas ailleurs, où ils se font toujours, mais en catimini de peur des dénonciations.”

 

Dénonciations qui deviennent dans ce cas elles-mêmes un fonds de commerce, car on peut faire acheter son silence.

 

Mais à Kitshanga, le business de la prostitution se conjugue avec l’insécurité. “Ici, il vaut mieux consommer et payer sans causer de problème, sinon on risque la mort”, explique un habitué.

 

“On peut laisser sa peau pour 5 ou 10$”, ajoute un autre.

 

Car tout dépend du récit rapporté à celui chargé de régler les comptes. Mais, bien entendu, ces clients prudents, mais surtout peu regardants, sont les premiers à encourager la prostitution des mineures…

 

 

TAYLOR TOEKA KAKALA/IS/SGL

Lecongolais.cd



10/09/2012
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