AMMAFRICA WORLD

AMMAFRICA WORLD

XIe-XXIe SIECLES: MILLE ANS D'HISTOIRE BELGE

XIe-XXIe siècles

Mille ans d'Histoire belge

La Belgique, État improbable, n'en finit pas de s'interroger sur son identité, son passé, son présent et son avenir.

Curieux État il est vrai, guère plus étendu que la Bretagne (30.000 km2) mais trois fois plus peuplé (10 millions d'habitants), né en 1830 de la scission des Pays-Bas.

À défaut d'une d'une langue commune, les Belges partagent un art de vivre original, tissé d'humour et d'épicurisme. Au carrefour de toutes les cultures ouest-européennes, ils ont en commun la bande dessinée et le football, la bière et le cyclisme, les Brueghel, Paul Rubens et René Magritte, Hans Memling et Charles Quint... ce qui n'est pas rien !

Alban Dignat.
La Belgique à travers les âges

 


Les Belges sont cités pour la première fois dans le compte-rendu de Jules César sur La Guerre des Gaules. Depuis cette date, il y a 2000 ans, ils ont connu bien des avatars sans jamais perdre leur spécificité : germaniques par un bout, romans par l'autre. En 1830 naît la Belgique sur un air d'opéra...

Désordres féodaux

Les Belges (comme les Gaulois) sont cités pour la première fois dans La Guerre des Gaules. L'auteur de ce chef-d'oeuvre littéraire, qui n'est autre que Jules César, souligne la vigueur avec laquelle ces guerriers des régions situées entre la Seine et la Meuse s'opposent à ses légions.

Établi dans la région de Tournai, le peuple franc fonde un premier grand État sur les ruines de l'empire romain, le «Regnum francorum» ou Royaume des Francs. La France et l'Allemagne en sont issus.

 

Au Moyen Âge, la Belgique, qui n'est encore qu'un concept géographique et non national, est divisée entre d'innombrables seigneuries plutôt prospères et dynamiques, plus ou moins indépendantes : comté de Flandre, duchés de Brabant et de Hainaut, évêché de Liège...

- Conformément au traité de Verdun (843), les comtés de Flandre, de Boulogne et d'Artois, à l'ouest, font allégeance aux rois capétiens, mais avec réticence car ils tiennent à commercer librement avec les Anglais, ennemis traditionnels des Capétiens. Le comte de Flandre figure au premier rang des ennemis de Philippe Auguste à la bataille de Bouvines (1214).

Avec la bataille de Courtrai, le roi Philippe IV le Bel tente de remettre les Flamands dans le droit chemin mais il doit y renoncer... Il faudra attendre Louis XIV et le traité d'Aix-la-Chapelle de 1668 pour que la Flandre méridionale, autour de Lille, Boulogne et Arras, entre dans le giron français !

- À l'est de l'Escaut, on quitte le domaine capétien pour entrer dans le duché de Basse-Lorraine. Il fait partie du Saint Empire romain germanique et s'étend jusqu'au Rhin.

En 1339, profitant de la guerre entre France et Angleterre, la Flandre, le Hainaut et le Brabant-Limbourg se lient par un pacte pour consolider leur indépendance. Ainsi s'efface la frontière de l'Escaut.

Charles Quint réunit les Dix-Sept Provinces

En 1369, Marguerite de Male, comtesse de Flandre, épouse le duc de Bourgogne Philippe le Hardi. Leur petit-fils Philippe le Bon acquiert le comté de Namur, le duché de Brabant-Limbourg, puis les comtés de Hainaut, Zélande, Hollande et Frise, et jusqu'à l'évêché de Liège, jusque-là indépendant.

Liège fait principauté à part

Liège, au confluent de la Meuse et de l'Ourthe, occupe une place à part dans l'histoire de la Belgique. Cette ville de culture doit sa prospérité à la fondation d'un évêché vers 720, à l'époque des premiers Pippinides ou Carolingiens.

Les évêques successifs protègent leur indépendance face aux empereurs allemands mais, dès le XIIIe siècle, doivent céder aux bourgeois de leur ville la gestion communale. Les milices communales sont défaites en 1408 à Othée par les troupes de l'évêque et de son beau-frère, le duc de Bourgogne Jean sans Peur. En 1468, abandonnés par le roi de France Louis XI, les Liégeois voient leur ville rasée puis annexée par le duc Charles le Téméraire. La principauté ecclésiastique recouvrera toutefois son indépendance en 1492, pour trois siècles, jusqu'à l'arrivée des révolutionnaires français !

Ainsi les Pays-Bas et la Belgique se trouvent-ils pour la première fois unis sous la férule d'un même souverain, le duc de Bourgogne. Pour le meilleur comme en témoigne la floraison de grands artistes : Hans Memling, Roger de la Pasture, Jan van Eick, Claus Slutter...

Après la mort tragique de Charles le Téméraire, cet héritage fabuleux passe à Maximilien 1er de Habsbourg, époux de Marie de Bourgogne, fille unique du dernier duc de Bourgogne.

Le petit-fils de Maximilien, l'empereur Charles Quintn'aura de cesse de consolider ses possessions occidentales. De 1521 à 1549, il acquiert Tournai, la seigneurie de Frise, la principauté d'Utrecht, la seigneurie de Groningue et la Gueldre (nord des Pays-Bas actuels).

Par le traité de Madrid (1526) et la paix de Cambrai (1529) avec François 1er, il rompt les liens féodaux entre ses possessions et la dynastie capétienne.

Né près de Gand et de culture française, Charles Quint est attaché à ses «Dix-Sept Provinces» des Pays-Bas plus qu'à aucune autre de ses immenses possessions. À ce titre, il peut être considéré comme le premier souverain belge !

Il organise les Dix-Sept Provinces («mes pays d'en bas» comme il les appelle) sous la forme d'un cercle de Bourgogne, une administration centralisée et efficace qu'il confie à sa tante Marguerite d'Autriche puis à sa soeur Marie de Bourgogne. Il se montre toutefois respectueux des libertés locales.

Plus prospères qu'aucune autre région d'Europe grâce à l'industrie du drap, au commerce, à la pêche, à l'agriculture... les Dix-Sept Provinces connaissent une très grande effervescence intellectuelle et culturelle.

Ainsi accueillent-elles avec ferveur l'imprimerie et la Réforme protestante. Il s'ensuit des persécutions et des déchirements qui ternissent la fin du règne de Charles Quint et le règne de son fils et successeur, le roi d'Espagne Philippe II.

À la fin du XVIe siècle, la religion protestante (version calviniste) s'impose dans les provinces du Nord tandis que le Sud (la Belgique et le Nord de la France actuelles) reste bon gré mal gré fidèle au catholicisme et à l'Espagne. C'est la scission. Le Nord calviniste devient indépendant sous le nom de Provinces-Unies.

Au sud, les Jésuites assurent le triomphe de la Contre-Réforme catholique. Malgré les conditions douloureuses de leur naissance et leur implication dans les guerres européennes, les Pays-Bas espagnols (l'actuelle Belgique) s'épanouissent sous la gestion quelque peu débonnaire des Habsbourg d'Espagne puis d'Autriche. On conserve le souvenir de leur plus prestigieux enfant, le peintre baroque Pierre Paul Rubens.

Champ de bataille européen

Par les traités d'Utrecht (1713) et de Rastatt (1714), les Pays-Bas espagnols tombent dans l'escarcelle des Habsbourg d'Autriche.

La révolution brabançonne, ébauche d'une Nation

Mécontents de la politique centralisatrice et antireligieuse de l'empereur Joseph II, les Pays-Bas autrichiens se soulèvent en 1789, l'année même de la Révolution française.

Connu sous le nom de «Révolution brabançonne», parce que né au Brabant, la province de Bruxelles, ce mouvement patriote aboutit le 10 janvier 1790 à la proclamation des États belgiques unis !

Dès la fin de l'année 1790, Léopold II, successeur de Joseph II sur le trône de Vienne, profite des divisions entre les patriotes belges pour rétablir son autorité sur le pays. Il abolit par précaution les réformes de son maladroit prédécesseur.

En 1792, les révolutionnaires français, en guerre contre Vienne, n'ont qu'une hâte, c'est d'occuper les Pays-Bas autrichiens, menaçants car très proches de Paris.

Pour la maîtrise d'Anvers, Bruxelles, Liège et la Belgique, Anglais et Français vont se faire la guerre jusqu'à la défaite totale des seconds, en 1815, à Waterloo (en Belgique !).

Les Anglais obtiennent la création d'un État-tampon au nord de la France, le royaume des Pays-Bas. Mais cette construction artificielle, dans laquelle les Bruxellois et wallons se sentent humiliés, ne dure guère. Elle aboutit à la nouvellescission de 1830 et à la naissance de la Belgique moderne.

Celle-ci, dirigée par un roi et une bourgeoisie très francophiles, magnifiée par d'illustres écrivains de langue français (y compris ceux d'origine flamande : Émile Verhaeren, Maurice Maeterlinck, Charles de Coster... Jacques Brel), va laisser croire au monde entier qu'elle est elle-même à dominante francophone (heureusement, notons-le, c'est en français qu'elle va administrer et éduquer sa colonie du Congo !)

Tensions communautaires

En 1914 comme en 1940, le malheureux pays retrouve sa vocation de champ de bataille de l'Europe. En lot de consolation, après la Seconde Guerre mondiale, sa capitale Bruxelles a l'honneur d'accueillir le siège de l'OTAN et mieux encore les principales institutions européennes.

C'est seulement en 1932 que la question linguistique, sous-jacente, surgit dans le débat politique, sous la pression des Flamands majoritaires, avec la reconnaissance officielle de deux zones linguistiques : au nord, le flamand, au sud, le français ; la capitale Bruxelles gardant un statut bilingue.

La question royale

Considérée à tort par beaucoup comme une relique médiévale, la monarchie demeure depuis les origines le principal facteur d'unité de la Belgique. Léopold 1er (roi des Belges de 1831 à 1865) oriente sans réticence la Belgique vers un régime parlementaire.

Son fils et successeur Léopold II (1835-1909) favorise l'industrialisation et finance de ses deniers l'expansion ultramarine et la conquête du Congo, au demeurant très critiquée.

Albert 1er (1909-1934) suscite l'admiration par son engagement personnel pendant la Grande Guerre sur le front de l'Yser. Son successeur Léopold III (1934-1951) a une attitude beaucoup plus équivoque après l'invasion allemande de 1940. Il demeure en Belgique, en résidence surveillée, contre l'avis de son gouvernement, réfugié à Londres.

La question royale divise le pays à la Libération : appelés à se prononcer par référendum en mars 1950 sur le retour du roi sur le trône, les Flamands répondent Oui à 70% et les Wallons Non à 57% ! Léopold III met tout le monde d'accord en abdiquant au profit de son fils. Baudouin 1er monte sur le trône le 16 juillet 1951, à 20 ans. Son frère lui a succédé à sa mort, le 31 juillet 1993, sous le nom d'Albert II.

Dans les années 1950, les différentes régions sont frappées par de douloureuses crises économiques et, pour y faire face, le gouvernement promulgue en novembre 1960 une «Loi unique» qui confère aux régions la responsabilité des politiques économiques.

C'est l'amorce d'un fédéralisme qui ne va dès lors cesser d'étendre ses prérogatives aux dépens de l'État central.

Les tensions entre Wallons francophones et Flamands s'exacerbent. Les extrémistes flamands craignent en particulier que le domaine francophone ne s'étende aux dépens de la Flandre. Pour tenter de calmer le jeu, le gouvernement fige la frontière linguistique par la loi du 8 novembre 1962.

L'année suivante est établi le principe de l'unilinguisme des régions. Il s'ensuit des contestations interminables, comme à propos de la section francophone de l'Université catholique de Louvain, en Flandre, qui est finalement transférée dans le Brabant wallon.

En 1970, la Constitution reconnaît trois communautés culturelles : francophone, néerlandophone et germanophone, ainsi que trois Régions : Flandre, Wallonie et Bruxelles-Capitale. La Belgique devient proprement fédérale en 1993 et depuis lors, les compétences des régions ne cessent de s'étendre aux dépens de l'État central.

À la fin du XXe siècle, le déclin démographique, industriel et économique des cités francophones (Liège, Namur, Charleroi...) et le dynamisme de la Flandre ajoutent des clivages sociaux aux clivages linguistiques.

La Belgique est au sixième rang des pays les plus riches du monde avec un PIB/habitant (2006) d'environ 28.000 euros en moyenne mais de 56.000 à Bruxelles, 28.000 en Flandre et «seulement» 20.000 en Wallonie.

Les prospères Flamands accusent ad nauseam les Wallons de leur coûter trop cher en dépenses sociales et indemnités de chômage. De linguistiques, les revendications de la majorité flamande sont ainsi devenues proprement nationales et laissent planer l'éventualité d'une Flandre indépendante, lointaine héritière du comté de Flandre...

 

Le mythe linguistique

Les nationalistes flamingants ont converti au début du XXe siècle des revendications sociales en revendications linguistiques. La haine pour la bourgeoisie francophone s'est muée en haine des francophones tout court.

 

La ligne de partage antique entre parlers romans et parlers germaniques traverse la Belgique comme elle a traversé aussi la France, avec d'un côté des patois de «thiois» (du flamand diets qui signifie «peuple» ; d'où dutch en anglais pour hollandais), de l'autre des patois romans. Au début du XXe siècle, en Belgique comme en France, toutes les élites parlents français tandis que la paysannerie s'en tient à ses patois.

 

En 1927, Reimond Sanders inventera dans son roman Aan de Vlaamschen Yserla fable selon laquelle les poilus flamands auraient été massacrés pendant la Grande Guerre faute de comprendre les ordres donnés en français par leurs officiers. Mais la même question se posait pour les poilus bretons, alsaciens, corses, auvergnats etc.

 

Le clivage linguistique apparaît en définitive moins un motif qu'un prétexte à la division belge.

 

Source:Herodote

 


14/12/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 1507 autres membres