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Devoir de mémoire:2 Août 1998 la genèse des guerres d'agressions en Rép.Démocratique du Congo

(Vidéo) La guerre d'agression : dimanche 2 août 1998–dimanche 2 août 2015, 17 ans déjà ..

Tout a commencé au mois de juillet 1998 lorsque le Président Laurent-Désiré Kabila limoge son chef d'Etat-major James Kabarebe, certains ministres d'origine tutsi et décrète l'expulsion des troupes rwandaises stationnées en RDC depuis 1997... 

 

Le 17 juillet, Kabila commence par se séparer de son chef d’état-major James Kabarebe, un Rwandais, allié de la première heure, pour le remplacer par un ancien tigre katangais, Célestin Kifwa. Le 28 juillet, il met officiellement fin à la présence des militaires rwandais au sein des Forces armées congolaises ainsi qu’à celle des autres étrangers présents dans l’armée. Il les remplace en grande partie par d’anciens officiers des FAZ (Forces armées zaïroises), provoquant ainsi un autre type de mécontentement. Les mesures prises en ce mois de juillet indiquent clairement que le Mzee, le « vieux », le « sage » comme on l'appelle familièrement retourne à ses premières amours et revoit ses alliances stratégiques pour se débarrasser de ses alliés. Les alliés de circonstances se séparent dans le déchirement. La rupture est idéologique et se manifeste sur certains points. 

 

Sur le plan international, Laurent-Désiré Kabila s'inscrit en faux par rapport à l'image d'ancien révolutionnaire malléable et manipulable à merci que lui prêtaient ses parrains. Il ressuscite ses vieux réflexes de marxiste convaincu et le nationalisme congolais prôné par Lumumba. Peu après sa prise de pouvoir, c'est vers la Chine, le Cuba et la Libye qu'il se tourne, prenant à contre pied le projet américain... A l'échelon sous-régional, Laurent Kabila se révèle beaucoup plus attaché à des idéaux nationalistes. Il rejette la tutelle que lui imposent ses voisins et cède aux revendications de la population congolaise qui s'insurge contre la présence de cadres rwandais et ougandais à la tête de l'armée, de la police ou de la diplomatie. Le divorce est consommé !

 

Le dimanche 2 août 1998, les 10 ème et 12 ème brigades des Forces armées congolaises (FAC) entrent en rébellion, à Goma et à Bukavu, sous les ordres du commandant Jean-Pierre Ondekane, un ancien des Forces armées zaïroises (FAZ), formé à l’EFO (Ecole de formation des officiers de Kananga) anciennement sous le contrôle des coopérants militaires belges. Le même jour, son adjoint Sylvain Mbuki, le commandant du 10 ème bataillon de l’armée congolaise basée à Goma, qui, le premier, lance un appel à l’insurrection. La radio aurait diffusé pendant plusieurs heures son communiqué : « Les provinces du Nord et du Sud-Kivu sont entrées dans une rébellion ouverte contre le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila. Nous, l’armée de la République démocratique du Congo, avons pris la décision de démettre du pouvoir le Président Laurent Désiré Kabila...»...

  

Cette déclaration faite par un Congolais de souche n’explique pas que la guerre est congolo-congolaise, mais une machination des acteurs internes. Pour l’Ouganda et le Rwanda, Laurent-Désiré Kabila a manifesté une dose d’ingratitude vis-à-vis d’eux. Tout a été programmé par l’ancien chef d’Etat-major des armées congolaises James Kabarebe. Les troupes du Rwanda et de l’Ouganda s’infiltrent à Goma et surtout à Baraka où quelque deux mille militaires auraient débarqué par bateaux rapides. Pendant ce temps, les troupes ougandaises contrôlent les territoires de Beni et de Lubero. Donc, ce 2 août 1998, les troupes régulières du Rwanda et de l'Ouganda, avec la bienveillance du Burundi ont envahi et occupé le territoire de la République démocratique du Congo, violant ainsi son intégrité territoriale et sa souveraineté... 

 

Dans le même temps que se déroulaient ces événements à l'Est de la RDC, à Kinshasa la capitale, un millier de soldats rwandais qui s'étaient soustraits à l'opération de rapatriement décrétée par le gouvernement congolais, appuyés par des éléments dits « Banyamulenge » ont pris d'assaut les camps militaires Kokolo et Tshatshi. Cette émeute, rapidement réprimée, fait place à une chasse impitoyable aux Tutsis. Beaucoup seront emprisonnés et même tués. Les démons de l’ethnisme ressurgissent... De même dans la province de Kisangani. Dans la nuit du 2 au 3 août 1998, un autre groupe de militaires rwandais qui attendaient leur rapatriement pour Kigali, attaque la garnison de la ville de Kisangani... Le 3 août 1998 vers 16 heures, 38 officiers et une centaines de soldats des Forces armées congolaises surpris et désarmés par les militaires rwandais sous la supervision du commandant rwandais Ruvusha (code Double Six Charly), proche du général James Kabarabe, seront assassinés à l'aéroport de Kavumu... 

 

Après cette victoire rapide des agresseurs à l’Est, un pont aérien sera organisé jusqu’à Kitona dans la province du Bas-Congo, à plus de 2.000 kilomètres du Kivu. Ainsi, le 4 août 1998, trois avions appartenant à des compagnies Congo Airlines (CAL), Lignes aériennes congolaises (LAC) et Blues Airlines aurait été détournés à Goma par des militaires rwandais sur ordre du commandant James Kabarebe. Ce dernier prendra place avec plus de 800 militaires dans ces avions et atterrissent sans coup férir à la base militaire de Kitona (à l'Ouest) où ces soldats rwandais et ougandais se rejoindront aux 8.000 soldats de l’ancienne armée zaïroise (FAZ) en rééducation. Très vite, les rebelles (!) prennent possession du complexe hydro-électrique d'Inga et le port de Matadi. Stratégiquement, ils savaient que pour envahir le Congo, il faut prendre Kinshasa, et Kinshasa est approvisionnée depuis Matadi et Inga. Il suffit donc de couper le cordon ombilical, le chemin de fer, la route, le pipe-line venant de Matadi ainsi que la ligne d’électricité venant d’Inga. Un pont aérien est organisé entre Goma et Kitona et amène des hommes et du matériel, dont des troupes ougandaises et rwandaises. Deux navires américains stationnés au large de Banana se soient occupés du monitoring du pont aérien. Les rebelles « agresseurs » s’emparent rapidement de tout le Mayombe en prenant Banana, Kitona, Muanda et Boma. Matadi tombera le 9 août, interrompant ainsi l’approvisionnement de Kinshasa ; le barrage d’Inga tombera dans les mains des rebelles parmi lesquels un bataillon ougandais deux jours plus tard, privant Kinshasa d’électricité, avec toutes les conséquences que cela entraîne. 

 

La situation devient critique pour Kabila. Mais celui-ci va astucieusement faire jouer la fibre nationaliste. Mobutu avait réussi à créer un esprit nationaliste parmi la population, c’est Kabila qui l’exploitera, en brandissant le spectre de l’invasion extérieure et de la partition du pays. Il avait perdu une partie de sa popularité envers la population qui le considérait comme une marionnette aux ordres des étrangers ; il devait se refaire une légitimité politique. Il va faire coup double. Il brandit le spectre du complot extérieur, déclare vouloir mener une guerre populaire et porter le combat jusqu’au Rwanda (la guerre retournera d'où elle est venue !), s’il le faut. La population chatouillée dans ses sentiments les plus vifs oubliera vite les griefs qu’elle porte contre son président et se rangera à ses côtés. La méthode est bien connue. Nombre de Kinois, dont beaucoup de jeunes s’engageront pour défendre le pays. Mais surtout et grâce aux nouveaux alliés des forces gouvernementales, Angolais et Zimbabwéens, la capitale (Kinshasa) ne tombera pas entre les mains des rebelles... 

 

Le 20 août, les premières troupes du Zimbabwe débarquent à Kinshasa, environ 400 hommes. La Namibie fournit 21 tonnes d’armes. Le 22 août, de puissantes colonnes blindées angolaises, au départ de l’enclave de Cabinda, font irruption dans le Bas-Congo et s’emparent directement de la base de Kitona. 

 

A Kinshasa, de nombreux chasseurs angolais ont atterri pour prêter main forte. On sait que l’intention première de l’Angola est de détruire l’Unita basée au Congo. L’entrée en ligne de l’armée angolaise, la plus puissante de la région, est un coup dur pour la rébellion qui perd à la fois sa tête de pont et sa ligne de communication et de ravitaillement. L’aviation angolaise oblige les rebelles à décrocher de Moanda et de Banana. Il ne reste plus à ces derniers qu’une seule solution : la fuite en avant et la prise de Kinshasa. L’entrée en ligne de l’Angola aura renversé la donne militaire. Les rebelles disposaient à l’Ouest de 11.000 hommes (2.500 Banyamulenge, Rwandais et Ougandais, 7.000 anciens des FAZ, et 1.500 de l’ancienne DSP), face aux 6.000 soldats de Kabila. Mais d’ores et déjà, on se rend compte que les jours de la rébellion sont comptés dans le Bas-Congo, face à la puissante armée angolaise. 

 

A Kinshasa, la chasse aux Tutsi et aux espions s’intensifie et la poche rebelle à l’Ouest est réduite, les derniers infiltrés dans la capitale étant soit faits prisonniers, soit mis à mort par « la défense populaire », ceci en direct devant les cameras de télévision... 

 

Après l’échec du raid sur Kitona, la rebellion annonce officiellement dans une déclaration politique qu’adoptent les fondateurs, la création du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), et fixe au 1er septembre la création du mouvement. En réalité, le RCD a été constitué au Rwanda dès le début du mois d'août lors d’une réunion à huis clos qui sera gardée secrète. Selon Wamba Dia Wamba, c’est le commandant rwandais Dan qui, avec d’autres, fut chargé de recruter des Congolais et de les réunir à Kabunga au Rwanda.  Cette rébellion s’était déjà dotée d’une direction politique et militaire depuis la ville de Goma en date du 16 août 1998. On retrouve dans cette direction politique Ernest Wamba dia Wamba (Président), Arthur Zahidi Ngoma(1er vice-Président). Ensuite, Moïse Nyarugabo, Lunda Bululu, Kalala Shambuyi, Tambwe Mwamba, Bizima Kahara (Bizimana Karamuhento), Mbusa Nyamwisi, Déogracias Bugera, Joseph Mudumbi, Dr. Gertrude Mpala, E. Kamanzi, Emungu Ehumba, Ngangura Kasole, Dr. Emile Ilunga, Jacques Matanda, Daniel Mayele, José Endundo, Tryphon Kin Kiey Mulumba, Lambert Mende Omalanga...

Côté militaire, Jean-Pierre Ondekane (chef d'Etat-major général et commandant en chef des opérations), Bob Ngoy Kalubi (chef d'Etat-major général adjoint et commandant second), Sylvain Mbuki (chef de renseignements militaires), Hugo Ibos Ilongo (commandant du secteur Nord), Henri Alli Pepe Bontamba (commandant de brigade Goma), Malangi Tshapul (chef de l'administration de l'armée), G. Bin Musafiri Kale (chef du G5), Nessy Mbienga (chef de la sécurité présidentielle), Kepapol Kitoko (officier de renseignement et sécurité militaire au Nord-Kivu)... 

 

Le 12 août 1998, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) adopte une déclaration politique rédigée à Kabunga dans la banlieue de Kigali et signée par 26 personnalités rebelles. Ce sont ces signataires qui constituent les véritables membres fondateurs du mouvement. Comme objectifs apparent : 

1°. Mettre fin à toute forme de dictature, par l’instauration d’un Etat de droit et d’une bonne gouvernance ; 

2°. Construire un Etat uni, démocratique et prospère en sauvegardant la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale et l’identité citoyenne pour tous ; 

3°. Promouvoir le processus de réconciliation, de démocratisation et de reconstruction nationale ; 

4°. Combattre le tribalisme, l’« ethnicisme », le népotisme, la corruption, la concussion, l’arbitraire, l’impunité généralisée ; 

5°. Promouvoir l’auto-organisation des paysans, des travailleurs, des femmes et des jeunes pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux ; 

6°. Promouvoir le bien-être social du peuple congolais par des mesures spécifiques notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’emploi ; 

7°. Construire une économie intégrée par une gestion rigoureuse et responsable en partant des secteurs prioritaires en vue d’éradiquer la misère du peuple et de poser les bases du développement économique du pays...

 

Ainsi, pour la deuxième fois en deux ans, l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi s'investissent pour intégrer par la force la RDC dans le giron de leur zone d'influence. Les armées rwandaise, burundaise et ougandaise s'installent durablement sur le territoire de la RDC, alimentant des zones locales de non-droit par la création de milices ethniques ou de rebellions nationales qui leurs vouent une allégeance sans faille. L'opinion découvre une organisation militaire para étatique, certains parleront même d'une armée sans frontière bien décidée à s'imposer par la force sur l'espace des Grands Lacs africains, s'ensuivirent les massacres les plus odieux et des viols, comme les massacres de Kasika I et II. Les massacres dans cette contrée ont été révélés à l'opinion internationale pour la première fois par une agence de presse de renommée internationale (MISNA), d' obédience catholique, et à ce titre, crédible. Les faits se déroulent le 23 août 1998 à Kasika, soit 3 semaines après le déclenchement de la guerre d' agression, et le 24 août à Kilungutwe au fin fond des collines, où la presse écrite, la radio et la télévision, ne sauraient facilement accéder... 

 

C'est le dimanche 23 août 1998, à Kasika, jour de célébration des cultes, et le lundi 24 août 1998, jour du marché qui regroupe à Kilungutwe généralement plus de trois mille personnes provenant aussi bien de Kasika que des localités environnantes, où bivouaquent les soldats rwandais venus de Kamituga, que le drame commence. Soudain, la population civile se retrouve encerclée par ces soldats qui entrent dans les habitations, maison par maison, égorgeant hommes, femmes et enfants sans pitié. Dans certaines maisons, il est question d'y entrer pour vérifier et achever ceux qui n'étaient pas totalement morts. A défaut, des familles entières sont surprises par le feu sur leurs cases. Ceux des villageois qui n'étaient pas dans leurs maisons ne sont pas plus chanceux non plus. C'est ainsi que le drame de la famille régnante et des religieux se déroule dans l'Eglise 11 (Paroisse de Kasika), en pleine célébration eucharistique. Le Chef coutumier Muzeba III, de son vrai nom Naluindi François, est ligoté et assassiné par machette, son cœur extrait, la tête coupée. Son épouse n'aura pas un traitement de faveur. Elle est éventrée et le fœtus extrait de son sein pour être découpé en morceau. L'Abbé économe de la Paroisse de Kasika, Stanislas Wabula Kombe, des religieux et religieuses catholiques connaîtront le même sort. Les uns à coup de baïonnettes, les autres à coup de machettes enfoncées dans les ventres et dans les têtes, ils seront tous tués. Les massacres se poursuivront dans la journée du 24 août 1998 sur les infortunés des villages voisins qui venaient innocemment au marché de Kilungutwe, ne sachant pas que la localité avait été envahie. Ceux des paysans qui se trouvaient dans les périphéries du village ne seront pas non plus épargnés. Ainsi, arrivés à Chibeke, à 5 km de Burhuza et à 50 km de Kasika, dans l'après-midi du lundi 24 août 1998, le commando rwandais se déploiera dans la plantation Chibeke, il tuera le gérant de cette plantation du nom de Salu avec sa vieille sentinelle. Le décompte provisoire révélé par les témoignages des rescapés religieux, confirmé par les sources indépendantes telle que le CICR, fera état au bout de l'opération, de 1.200 tués, sans compter ceux dont les cadavres seront retrouvés plus tard, au fur et à mesure des recherches, dans les buissons. Le rapport du CADDHOM mentionne également que plus de 1.200 victimes Banyindu périssent du 23 au 24 août 1998... 

 

On ne saurait, en outre, douter de ce qui doit advenir lorsque des femmes, source de la vie, sont systématiquement violées par des hommes de troupes identifiés au départ séropositifs, et qu'elles sont massacrées sans pitié, à défaut d'être enterrées vivantes.

 

Il a fallu attendre trois mois après le déclenchement des hostilités pour voir le Rwanda reconnaître la présence de ses forces armées sur le territoire congolais. La déclaration en avait été faite le 6 novembre 1998, par l'ancien vice-président et actuel président du Rwanda, Paul Kagame, lors de sa rencontre avec l'ancien président de la République d'Afrique du Sud, Nelson Mandela, à Pretoria. Cette présence n'a pas néanmoins commencé au mois de novembre. La succession logique de certains faits politiques peuvent attester d'une manière presque indéniable et irréfutable que cette présence remonte effectivement à la date du 2 août 1998, bien avant la création du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) en tant que mouvement politico-militaire...

 

Quant à l'Ouganda, dès le début du conflit armé, il intervient en RDC à côté du Rwanda. Mais, très vite, une divergence d'intérêts divise les deux alliés et l'Ouganda finit par aider à la mise en place d'un autre mouvement rebelle congolais de son obédience, à savoir le Mouvement de libération du Congo (MLC), à partir du 10 novembre 1998, dans la province de l'Equateur. C'est dans cette province que l'Ouganda avait désormais concentré ses forces militaires en plus d'une partie du Nord-Kivu et de la Province orientale.

On constate alors que le reste de mouvements rebelles congolais, ainsi que le sont le RCD et le MLC, ont été mis en place pendant que l'invasion était déjà en cours...

 

Vidéos Archives:

 

Michel Mara Basaula Divididi

Consultant et Analyste politique

 

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02/08/2015
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