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L'UNION AFRICAINE CONFIRME L'ELECTION D'ALLASSANE OUATTARA!

 
 
Achille Mbembé est-il légitime pour défendre l'Afrique des peuples ?:
 
DOSSIER CÔTE IVOIRE:
J’ai été saisi d’une forte migraine en lisant l’interview accordée par Antoine de Padoue du « Réseau Nerrati-Press » à l’historien camerounais Achille Mbembé.
 

J’ai été saisi d’une forte migraine en lisant l’interview accordée par Antoine de Padoue du « Réseau Nerrati-Press » à l’historien camerounais Achille Mbembé. 

Je vous propose de relire l’interview que le même Achille Mbembé accorda à RFI (poste colonial de son vrai nom) le 25 mars 2011 sur l’agression dont était victime la Côte d’ivoire libre et qui l’a placée sous occupation depuis le 11 avril 2011.

Dans ce travail, je voudrai appliquer une des recommandations de ce dernier qui appelle à une constitution d’une contre-élite africaine « porteuse d’un projet de transformation radicale du continent, parce que l’Afrique a besoin d’une transformation radicale. ».

L’urgence pour l’avènement d‘une « contre-élite » africaine passe par la démystification et la mise hors jeu des imposteurs qui trustent, depuis la fin des années cinquante, la scène épistémologique africaine avec des discours dont l’objectif n’est nullement la libération et la construction de la fédération africaine, mais de maintenir comme les élites politiques, des positions de prébendes. Tel est le cas quand on fait une analyse des deux interviews d’Achille Mbembè qui se présente volontiers comme un penseur de la postcolonie. 

Après la lecture de ces deux interviews, je ferrai plus tard une analyse pour justifier ma thèse selon laquelle l’historien camerounais Achille Mbembé est un imposteur et à ce titre, il devient urgent de le mettre en face de ses contradictions. 

Cette interview est intitulée « Il n’y a ni ange ni démon dans la crise ivoirienne » 


RFI : L’Union africaine a confirmé sa position quant à la reconnaissance d’Alassane Ouattara comme seul président de Côte d’Ivoire. Est-ce qu’il vous semble encore envisageable que Laurent Gbagbo se plie à cette décision ?


Achille Mbembé : Tout dépend de monsieur Gbagbo. Pour le moment, il est tout à fait clair que l’Union africaine s’est rangée à la position qui donnait Ouattara vainqueur lors de la présidentielle. Monsieur Gbagbo aurait intérêt à s’aligner sur ces positions de l’Union africaine. Est-ce qu’il le fera ou non ? Je crois que c’est à lui de répondre à cette question.

 

On vous a entendu assez critique sur la position de la communauté internationale, que vous jugiez quasi-néocoloniale. A vous entendre, vous avez changé de position...


Ce que je préconisais, et cela va dans le droit fil de ce que beaucoup d'entre nous qui vivons et travaillons en Afrique pensons, c'était que la solution au problème ivoirien devait être africaine. L’Union africaine vient de prendre sa décision. L’Union africaine, si l’on s’en tient à un certain nombre de précédents, ne dispose pas toujours des moyens nécessaires à l’application des politiques qu’elle définit. Ceci dit, l’Afrique dispose tout de même d’un capital de gestion des conflits qui n’est pas si médiocre que cela. Mais tout dépend, bien entendu, des deux adversaires qui sont opposés et qui s’opposent toujours en Côte d’Ivoire : le camp de Gbagbo et celui de Ouattara.


Je ne pense pas que la démocratie en Afrique doit, pour autant, être une affaire de diktat venu de l‘étranger. Je crois que la démocratie prendra racine en Afrique grâce à une modification substantielle des rapports de force entre l’Etat et la société et entre les différentes classes sociales qui sont en train de se cristalliser dans le continent. Ceci évidemment est une vue de long terme qui n’élimine pas entretemps l’apparition de luttes politiques parfois meurtrières, comme on le voit en Côte d’Ivoire.


Si le président sortant, Laurent Gbagbo, refuse de se plier aux injonctions de l’Union africaine, quelles sont les solutions, selon vous, pour sortir de la crise? 


Je pense personnellement que l’affrontement militaire ou l’usage de la force dans les relations internationales ou dans les rapports entre Etats, ou à l’intérieur des Etats, que cet usage de la force est toujours le symbole d’un déficit d’imagination morale.

Ceci dit, l’usage de la force est légitime, à mon avis, en cas de génocide où, comme on le voit en ce moment en Libye, dans des cas où l’Etat ou le régime en place retourne ses armes contre un peuple désarmé. Dans ces conditions, je suis pour l’usage de la force.  Et c’est donc à inventer les voies d’une imagination morale vigoureuse que les circonstances dans le continent nous appellent, notamment en référence aux contentieux électoraux.


Mais dans le cas ivoirien, la force pour vous est-elle légitime ou non ?


La force serait légitime au cas où une des parties serait engagée dans une entreprise génocidaire ou dans le cas où l’une des parties se livrerait effectivement à un massacre à une échelle élevée de civils.


Mais pour l’heure, faut-il utiliser la force en Côte d'Ivoire ?


Je ne pense pas qu’on puisse instaurer la démocratie en Afrique ou ailleurs à coups de canon.


Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est donc face à deux personnalités qui se considèrent comme président légitime de leur pays et très peu de portes de sortie. Est-ce que vous pensez que l’un ou l’autre peut encore espérer diriger toute la Côte d’Ivoire ?


Mais ils sont très mal partis. Monsieur Gbagbo, très clairement, ne peut pas gouverner contre - appelons-la ainsi - la communauté internationale. Il lui reste très peu d’alliés à la fois sur le continent et, davantage encore, hors du continent. Il est mis dans des conditions telles qu'il serait raisonnable, à l’heure où l’on parle, qu’il s’en aille.


Mais en même temps, il y a une partie de la population qui refuse clairement qu’il s’en aille...


Ce qui veut dire précisément que monsieur Ouattara, dans le cas où effectivement il prend les rênes de l’Etat, ne pourra pas gouverner contre une grande partie de la population ivoirienne qui a soutenu monsieur Gbagbo. Et donc le jeu politique en Côte d’Ivoire, comme d’ailleurs dans les autres pays africains, ne peut pas être un jeu à somme nulle. Et donc ce qu’il nous faut réinventer, c’est à la fois les formes de la représentation et, bien entendu, une éthique de gouvernement qui favorise l’alternance sans que celle-ci nécessite nécessairement un bain de sang.


Il me semble que le besoin, la nécessité d’une réflexion en profondeur sur les formes que pourrait prendre la démocratie dans des conditions africaines contemporaines, cette nécessité ne s’est jamais faite ressentir autant que maintenant. Le problème, c’est que pressés par la lutte pour le pouvoir, il y a très peu d’acteurs qui sont prêts, à la fois au sein des régimes établis et au sein des mouvements d’opposition, à entreprendre ce travail en profondeur.


Mais concrètement, dans la situation présente, quelle forme prendrait ce travail en profondeur ?


Le problème, c’est que maintenant nous avons affaire à une lutte de nègres dans un tunnel et que toutes les énergies sont prises effectivement par cette lutte à mort, et que personne ne réfléchit sur le long terme.


Aujourd’hui, on est dans une situation de guerre civile larvée. Il y a des combats à Abidjan, dans certains quartiers. Il y a des combats dans l’ouest. Est-ce que vous êtes pour un renforcement du mandat de l’Onuci (Mission des Nations unies sur place) pour éventuellement s’interposer dans ces combats ?


Oui, je suis d’avis que tout doit être fait pour éviter une nouvelle guerre en Côte d’Ivoire. Je suis d’avis qu’un des problèmes majeurs auquel nous faisons face sur le continent dans bien des pays, c’est effectivement le problème de la guerre et de la paix. C’est le défi de pacifier le politique, de démilitariser le politique. Et la Côte d’Ivoire en ce moment en est un exemple. Mais il y a d’autres exemples, si l’on y prend garde, ce qui se passe en Côte d’Ivoire se passera également ailleurs. Et donc oui, je suis pour la mise en place de tous les moyens possibles pour éviter que l’engrenage militaire ne prenne une forme paroxystique.


Est-ce que ce n'est pas compliqué, dans la mesure où du côté du camp Gbagbo, on considère maintenant l’ONU comme alliée objective du président reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara. Est-ce que ça ne rend pas ce rôle difficile ?


Il faut garder langue avec Gbagbo et son camp parce que, comme on vient de le dire, au-delà de la personne de monsieur Gbagbo, il y a quand même, si on se fie aux résultats des dernières élections tels que reconnus par l'ONU et l'UA, plus de 40% des Ivoiriens qui sont derrière lui. Et donc toute solution au drame ivoirien doit faire place à cet autre partie de la nation ivoirienne.


Et c’est à ce niveau qu’il faut faire preuve d’ouverture, de créativité et d’inventivité institutionnelle. Tant que les élections en Afrique prennent la forme d’un jeu à somme nulle, personne ne voudra quitter le pouvoir. C’est cette logique qu’il faut briser. En plus de repenser de manière fondamentale, et l’économie et l’architecture et la politique des élections. Il n’est pas normal, par exemple, que l’on tienne des élections dans un pays où une partie du territoire est occupée par des bandes armées. Mais cela, il est facile de le dire maintenant, il aurait fallu le dire avant.


Une question toute simple : est-ce qu’au fond, ces élections dans lesquelles se sont investis très fortement un certain nombre de pays et surtout des organisations comme les Nations unies, est-ce que ce n’était pas aussi un échec pour la communauté internationale, l’échec d’élections pacifiées en Côte d’Ivoire ?


Mais c'est un immense échec. Ce que l’on appelle la communauté internationale a une grosse part de responsabilité dans ce qui se passe dans ce pays. Le dire ne signifie pas que l’on adhère aux thèses anti-impérialistes assez faciles que l’on entend depuis Abidjan. L’analyse du processus électoral en Côte d’Ivoire, analyse faite par des groupes comme International Crisis Group ont mis en évidence les énormes difficultés à la fois matérielles, institutionnelles, économiques, politiques et bureaucratiques qui ont émaillé l’ensemble du processus. Il faudrait que l’on tire des leçons de ces difficultés pour mettre en place une architecture différente. Je vous assure que tant que cela n’est pas fait, si l’on organisait une autre élection en Côte d’Ivoire aujourd’hui dans les mêmes conditions, il est fort probable qu’une telle élection produirait les mêmes effets que ceux auxquels on assiste en ce moment.


Pour vous, est-ce que c’est Laurent Gbagbo qui est le principal responsable de tout cela ?


Il faut justement sortir de ce manichéisme. La situation en Côte d’Ivoire, comme dans tous les autres pays en crise en Afrique et ailleurs, n’est jamais telle qu’il y ait d’un côté un démon et de l’autre des anges. C’est toujours un peu plus compliqué que cela. Bien évidemment, un voleur de bœufs n’a pas la même responsabilité qu’un voleur de poules. Mais les deux sont responsables quand même, à divers degrés, d’un crime. Un crime, c’est quand même toujours un processus qui oppose des sujets à d’autres sujets et jamais des sujets à des objets passifs.


Si l’on veut sortir du cul-de-sac actuel, il faut effectivement sortir du cercle qui oppose d’un côté un démon et de l’autre un ange. Ce qui signifie qu’il y a d’énormes compromis qui devraient être faits. Je parle de cette façon parce que j’ai passé trop de temps en Afrique du Sud. Après tout, l’Afrique du Sud sous l’Apartheid était l’archétype de cette espèce de vision manichéenne des bons et des méchants.


On ne pouvait pas trouver mieux. Or, ils ont réussi à négocier leurs différences sur une base qui a permis quand même l’instauration dans ce pays d’un des régimes les plus démocratiques du continent. Et cela on peut le faire ailleurs au Soudan, au Congo, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun.


Justement, de quelle manière on pourrait le faire en Côte d’Ivoire ? Au Soudan, on l’a fait, mais après des années de guerre, en Afrique du Sud après des années d’Apartheid. Est-ce qu’en Côte d’Ivoire, il faudra attendre des dizaines de milliers de morts pour en arriver là ?


Non il ne faut pas. S’il y a quelque chose à retenir des guerres en Afrique, c’est que ce sont, en général, des guerres contre des civils. C’est très rarement des guerres qui opposent une armée à une autre. Ce sont des guerres où les civils sont les principales victimes.

Et donc, il ne viendrait à l’idée de personne de cautionner une nouvelle guerre en Côte d’Ivoire, comme dans d’autres pays du continent. Il faut donc tout faire pour sortir de la logique de guerre et rentrer dans une logique de refonte de la nation qui est une logique de long terme, où effectivement tout le monde a une voix. Pour le moment, la Côte d’Ivoire ne dispose pas des institutions qui permettent à tous d’avoir droit au chapitre, d’avoir une voix. Elle n’est pas la seule dans ce cas.


Faute de rentrer dans cette logique de la réconciliation, il ne reste que deux solutions : soit la guerre, soit la partition. Et la partition, on l’a vu au Soudan et les deux d’ailleurs peuvent aller de pair. Mais c’est aux Ivoiriens et notamment à monsieur Gbagbo et à monsieur Alassane Ouattara et à leurs affidés de faire ces choix.


Pour vous, la partition est une des solutions de sortie de crise ?


Non je ne pense pas que ce soit une solution. Je ne pense pas que l’Afrique ait besoin de nouveaux micro-Etats, d’une poussière d’Etats, qui ne pèsent d’aucun poids sur l’échiquier mondial. Et donc je suis contre les scissions, les partitions et les autres formes de balkanisation.

Je suis pour que l’Afrique redevienne son centre propre, sa force propre. Et pour que cela arrive, il faudrait qu’elle s’ouvre à elle-même, que l’on abolisse les frontières héritées de la colonisation et que l’on crée un vaste espace de mouvements ouvert au monde et à tous ceux qui veulent faire de ce « bout de monde » un exemple de construction humaine.

Quand vous dites qu’il faut absolument qu’on empêche la guerre en Côte d’Ivoire, concrètement, de quelle manière ?

Il faudrait d’une part renforcer la présence de l’ONU en Côte d’Ivoire à travers l'arrivée de nouvelles troupes. Il faudrait parallèlement davantage internationaliser cette présence de l’ONU. Il faudrait qu’il y ait davantage de représentants du continent et d’autres pays d’Asie ou d’ailleurs.


Deuxièmement, il faut mettre en place assez rapidement une série d’enquêtes qui viseraient à traduire devant la Cour pénale internationale de La Haye la plupart des acteurs des deux côtés qui s’avèreraient responsables de crimes contre l’humanité. Il faudrait recalibrer les sanctions économiques de telle manière que l’ensemble de la population ivoirienne ne soit pas pénalisée, mais que soient pénalisés ceux qui sont responsables de la crise actuelle.

Donc voilà un certain nombre de pas qui, à mon avis, auraient pour objectif d’obliger monsieur Gbagbo à respecter ce qui maintenant a été ratifié par les Africains eux-mêmes. Et monsieur Ouattara doit s’engager à gouverner avec ceux qui n’ont pas voté pour lui et donc à opérer une refonte des institutions ivoiriennes, une refonte qui permette d’inclure tout le monde.


Certains évoquent la solution du troisième homme...Qu'en pensez-vous ?


Mais on l’a dit depuis très longtemps. On a dit depuis longtemps que la Côte d’Ivoire devrait, si elle veut ouvrir pour elle-même les portes du futur, se passer de monsieur Gbagbo, de monsieur Ouattara, de monsieur Guillaume Soro, de monsieur Bédié, et bien sûr de leur clique…Tous ces gens qui ont conduit le pays à la catastrophe. Mais qui va opérer cette décapitation généralisée ? Je n’en sais rien, je pense que c’est au peuple ivoirien de le faire. La démocratie ne s’obtiendra pas en Côte d’Ivoire par procuration malheureusement.

Les Pavillons-sous-Bois, le 23 août 2012


Batouri NGOFFI
Formateur Consulatant
Analyste des médias.
Source : www.saftv.org



24/08/2012
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