AMMAFRICA WORLD

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CONFERENCE SUR ORIGINE AFRICAINE: DES BEAUX ARTS;DE L'ARCHITECTURE ET DE L'URBANISME

CONFERENCE SUR L'ORIGINE AFRICAINE
DES BEAUX-ARTS, DE L'ARCHITECTURE ET DE L’URBANISME.

 

Pascal Kossivi ADJAMAGBO Artiste, Ingénieur des Ponts et
Chaussées, Agrégé et Docteur d'Etat en Mathématiques, Enseignant-chercheur à
l'Université Paris 6 adja@math.jussieu.fr
Lieu : grande salle de conférence
Ecole Africaine des Métiers de l'Architecture et de l'Urbanisme
Lomé, le 14 juillet 2007

1. Introduction

L'histoire est une des disciplines intellectuelles où la tentation de la
construction et de l'instrumentalisation idéologique est le plus souvent plus
forte que le souci la rigueur, la recherche de la vérité, et même l'exigence de
l'honnêteté intellectuelle et de l'honnêteté tout court. Ce constat est d'autant
plus frappant pour un vrai mathématicien dont la tradition intellectuelle lui
impose de ne pas se contenter de dire des choses justes, mais de justifier ce
qu'il dit par des « pièces à conviction » liées par une argumentation, comme
un avocat qui plaide une cause juste en ne se contentant pas d'affirmer la
justesse de sa cause, mais s'évertue à convaincre le juge par des « pièces à
conviction » présentées à la faveur d'une argumentation adéquate, comme je
m'efforce de l'inculquer aux étudiants de l'Université Paris 6 dont j'ai la
charge de la formation en mathématique, et à qui je ne me contente pas de
faire acquérir des connaissances, mais à qui je m'efforce de transmettre une
vraie tradition intellectuelle, conformément à la formule de Platon dans son
livre Théétète : « l'opinion vraie, étayée par le raisonnement, c'est cela la
science, tandis que l'opinion dépourvue de raisonnement est en dehors de
toute science ».

C'est cette tentation de la construction et de l'instrumentalisation idéologique
en histoire que dénonce en ces termes Jean-françois Champollion avec une
rare honnêteté intellectuelle mais avec toute son autorité incomparable de
Père de l'Egyptologie : « Voilà une des mille et une preuves démonstratives
contre l'opinion de ceux qui s'obstineraient encore à supposer que l'art
égyptien gagna quelque perfection par l'établissement des Grecs en Égypte.
Je le répète encore : l'art égyptien ne doit qu'à lui-même tout ce qu'il a
produit de grand, de pur et de beau, n'en déplaise aux savants qui se font
une religion de croire fermement à la génération spontanée des arts en
Grèce, il est évident pour moi, comme pour tout ceux qui ont bien vu
l'Égypte ou qui ont une connaissance réelle des monuments égyptiens
existants en Europe, que les arts ont commencé en Grèce par une imitation
servile des arts de l'Égypte, beaucoup plus avancés qu'on ne le croit
vulgairement, à l'époque où les colonies égyptiennes furent en contact avec
les sauvages habitants de l'Attique ou du Péloponèse. La vielle Égypte
enseigna les arts à la Grèce, celle-ci leur donna le développement le plus
sublime, mais, sans l'Égypte, la Grèce ne serait probablement pas devenue la
terre classique des beaux-arts. Voilà ma profession de foi tout entière sur
cette grande question. Je trace ces lignes presqu'en face des bas-reliefs que
les Égyptiens ont exécutés, avec la plus grande finesse de travail, 1700 ans
avant l'ère chrétienne. Que faisaient les Grecs alors ….. ? » (extrait tiré de
l'ouvrage : L'Égypte de Jean-François Champollion, lettres & journaux de
voyage (1828-1829), photographies de Hervé Champollion (1988-1989) et
préface de Christiane Ziegler, Création Jean-Paul Mengès, Paris, (1990), p.
304).
Dans sa leçon inaugurale au Collège de France le 10 mai 1831, le Père de
l'Egyptologie proclame de nouveau sa profession de foi sur cette question en
déclarant : « L 'interprétation des monuments de l'Egypte mettra encore
mieux en évidence l'origine égyptienne des sciences et des principales
doctrines philosophiques de la Grèce ; l'école platonicienne n'est que
l'égyptianisme, sorti des sanctuaires de Saïs ; et la vieille secte
pythagoricienne propagea des théories psychologiques qui sont développées
dans les peintures et dans les légendes sacrées des tombeaux des rois de
Thèbes, au fond de la vallée déserte de Biban-el-Molouk. »
Près de deux siècles après ces déclarations fracassantes du Père de
l'Egyptologie contre cette tentation de la construction et de
l'instrumentalisation idéologie en histoire, notamment en histoire des beauxarts
et de l'architecture, tout se passe comme si Jean-François Champollion
avait crié dans le désert et que les historiens n'ont rien changé à leur
mauvaise habitude qui se confond souvent avec leur mauvaise foi, comme le
prouve la pièce à conviction constituée par un pavé de plus de mille pages,
publié chez l'éditeur des arts ayant pignon sur rue Taschen, sous le titre « La
sculpture de l'antiquité aux XXe siècle », sous la direction de Georges Duby
et Jean-Luc Daval.

Cette pièce à conviction n'est que l'infime partie visible de l'iceberg de la
construction et de l'instrumentalisation idéologique en histoire. La plus
grande partie de cet iceberg qui reste immergée est constituée par le
véritable lavage de cerveau des générations d'étudiants depuis des siècles
dans les institutions académiques prestigieuses ou miteuses et des
générations de profanes depuis aussi longtemps par les canaux des médias
de masse, et ce dans le monde entier, y compris en Afrique même dont
l'Egypte est une partie intégrante, et non du proche Orient comme souvent
perçu de nos jours et depuis les siècles de l'occupation arabe de l'Egypte, au
sujet duquel l'erreur de l'anachronisme est entretenue par son nom officiel
actuel « République Arabe Egyptienne », alors que l'Egypte des Pharaons n'a
rien à voir, comme nous le verrons tout à l'heure, ni avec les arabes, ni avec
les romains, ni avec les grecques, ni avec les perses, les occupants
successifs de l'Egypte des Pharaons.

Aussi, s'impose-t-il plus que jamais de faire entendre « la voix du maître »
Champollion à la raison des enseignants, des étudiants et des profanes en
histoire des beaux-arts, de l'architecture et de l'urbanisme, conformément à
la tradition mathématique, par les « pièces à conviction » et l'argumentation.
Aussi, l'objet de cette conférence est de présenter une synthèse et un
panorama de telles « pièces à conviction » et d'une telle argumentation
justifiant l'affirmation du Père de l'Egyptologie et prouvant par ricochet et de
manière irréfutable « l'origine africaine des beaux-arts et de l'architecture » ,
tout en permettant ainsi aux enseignants et aux étudiants en beaux-arts et
en architecture d'éviter le ridicule de ne pas savoir d'où viennent leurs
disciplines, à défaut de savoir où elles vont, selon les conseils de la sagesse
africaine : « si tu ne sais pas où tu vas, sache au moins d'où tu viens ».
Commençons par justifier le « raisonnement par ricochet » qui nous permet
de passer de « l'origine égyptienne des sciences et des principales doctrines
philosophiques de la Grèce », selon l'expression du Père de l'égyptologie, à
« l'origine africaine des beaux-arts, de l'architecture et de l'urbanisme », et
qui consiste en « l'africanité et la négritude de l'Egypte ancienne ».

2. Sur l'africanité et la négritude de l'Egypte ancienne

Rappelons qu'il s'agit d'une question scientifique, liée à la culture et au taux
de mélanine dans la peau, résoluble par les moyens des diverses disciplines
scientifiques, pour la résolution de laquelle l'Unesco a organisé le fameux
« Colloque du Caire » du 28 au 31 janvier 1974, à la demande de
l'égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop, ardent défenseur de la thèse de
l'africanité et de la négritude de l'Egypte ancienne, dont l'ouvrage majeur
« Nations Nègres et Culture » était publié depuis 1954, et dont l'Université
de Dakar porte actuellement le nom. Ce dernier était motivé pour un tel
colloque et une telle confrontation avec les plus éminents parmi ses pairs
égyptologues du monde entier, par « le souci de rigueur, la recherche de
vérité et l'exigence de l'honnêteté intellectuelle et de l'honnêteté tout court »
qui manquent tant à beaucoup des historiens, comme nous l'avions déploré.
Ce colloque réunissait en effet une vingtaine des plus éminents égyptologues
du monde entier dont seulement deux défenseurs de la thèse en question, à
savoir Cheikh Anta Diop et son disciple Théophile Obenga, et tous
disposaient de deux années pour se préparer à la confrontation des idées.
Compte tenu de ce délai de préparation, la déclaration suivante de la
« conclusion générale sur le colloque » est fort éloquente sur l'issue de la
confrontation : « la très minutieuse préparation des interventions des
professeurs Cheikh Anta Diop et Obenga n'a pas eu, malgré les précisions
contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l'Unesco, une
contrepartie toujours égale. Il s'en est suivi un réel déséquilibre dans les
discussions ».
La « conclusion générale du Colloque » continue en déplorant « l'insuffisance
des exigences méthodologiques jusqu'ici utilisées dans la recherche
égyptologique » et en se félicitant « des exemples de méthodologie nouvelle
qui permettent de faire progresser, de manière plus scientifique, la question
proposée à l'intention du colloque ». Sachant ces « exemples de
méthodologie nouvelle » ont été apportés uniquement par Cheikh Anta Diop
et Théophile Obenga, ces dernières citations signifient que la rigueur et
l'innovation scientifique étaient du coté des défenseurs de l'africanité et de la
négritude de l'Egypte ancienne et « l'insuffisance des exigences
méthodologiques jusqu'ici utilisées dans la recherche égyptologique » était
du coté des détracteurs de cette thèse.

Une des recommandations du Colloque demandait « que les autorités
égyptiennes facilitent, dans la mesure du possible, les enquêtes à
entreprendre sur les vestiges de peau examinables ». Sachant que cette
demande a été formulée pour confirmer ou infirmer les conclusions des
analyses de peaux de momies égyptiennes par Cheikh Anta Diop et qui
apportaient de l'eau à son moulin, « le silence étourdissant » des autorités
égyptiennes sur cette recommandation parle plus fort que tout aveu de leur
part sur les conclusions des analyses demandées et qui ont bien été faites
mais dont les conclusions sont tenues secrètes. Comment en effet expliquer
que l'on dispose de l'arme absolue pour détruire une thèse combattue et que
l'on refuse de l'utiliser, si ce n'est par la détermination farouche à ne pas
confirmer cette thèse par la publication des conclusions de l'analyse de
peaux ?

A la suite de la confrontation de ce colloque, Cheikh Anta Diop a publié dans
le premier chapitre du second volume de « Histoire Générale de l'Afrique »
de l'Unesco une synthèse limpide de ses arguments rigoureux et irréfutables
en faveur de la négritude des anciens égyptiens et dont je recommande
vivement la lecture aux personnes intéressées.
Parmi ces arguments, signalons que les anciens égyptiens se désignaient
eux-mêmes par le mot « les noirs », écrit en écriture hiéroglyphique avec le
signe du bout de charbon, pour bien signifier qu'ils parlaient de « noir
charbon », suivi du signe d'un demi cercle signifiant un collectif et du signe
déterminatif non prononcé de peuples, représenté par le dessin s'un homme,
suivi d'une femme et des trois tirets horizontaux du pluriel. Ils désignaient
leur pays, « Le Pays Noir », comme nous disons de nos jours « L'Afrique
Noire », par le même mot, où le déterminatif de peuple est remplacé par
celui de cité, représenté par une croix entourée d'un petit cercle. Ce
déterminatif interdit formellement de traduire le mot en question par « terre
noire », en référence à la couleur noire du limon du Nil, comme la plupart
des idéologues qui se disent égyptologues continuent à le traduire de nos
jours, en inondant internet de cette tromperie qui est en fait une véritable
escroquerie intellectuelle et une véritable hérésie grammaticale dont les
auteurs eux-mêmes sont conscients.

Par manque de temps, permettez-moi de me contenter de passer en revue
une galerie de dieux et de pharaons. Plus que de long discours, ce passage
en revue vous convaincra de l'africanité et de la négritude des anciens
égyptiens.

Faisons un « arrêt sur image » sur le fameux « Sphinx du plateau de
Guizeh » représentant le Pharaon Kephren qui a fait bâtir le second des trois
grandes pyramides du plateau du Guizeh, pour nous attarder sur « la pièce à
conviction » cruciale constituée par le témoignage fort édifiant d'un savant
français Volney (1757-1820), de la même rare honnêteté intellectuelle que
Jean-François Champollion, qui, s'étant rendu en Egypte entre 1783 et 1785,
c'est-à-dire en pleine période de traite négrière, à une date où le nez épaté
et typiquement négroïde du « Sphinx du plateau de Guizeh » n'avait pas
encore été mutilé, fit les constatations suivantes sur les Coptes de l'Egypte
d'alors, les autochtones du pays qui subissent l'occupation arabes depuis
près d'un millénaire et demi et qui sont les descendants métissés des
égyptiens anciens : « tous ont le visage bouffi, l'oeil gonflé, le nez écrasé, la
lèvre grosse : en un mot, un vrai visage de mulâtre. J'étais tenté de
l'attribuer au climat, lorsque, ayant visité le Sphinx, son aspect me donna le
mot de l'énigme. En voyant cette tête caractérisée de Nègre dans tous ses
traits, je me rappelai le passage remarquable d'Hérodote, où il dit : pour
moi, j'estime que les Colches sont une colonie des Egyptiens, parce que,
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comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus : c'est-à-dire que les
anciens Egyptiens étaient de vrais Nègres de l'espèce de tous les naturels
d'Afrique ; et dès lors, on explique comment leur sang , allié depuis plusieurs
siècles à celui des Romains et des Grecs, a dû perdre l'intensité de sa
première couleur, en conservant cependant l'empreinte de son moule
originel. On peut même donner à cette observation une étendue très
générale et poser en principe que la physionomie est une sorte de monument
propre, en bien des cas, à contester éclaircir les témoignages sur les origines
des peuples ». Après avoir illustré cette proposition en citant le cas des
Normands qui, 900 ans après la conquête de la Normandie, ressemblent
encore aux Danois, Volney ajoute : « Mais en revenant à l'Egypte, le fait
qu'elle rend à l'histoire offre bien de réflexions à la philosophie. Quel sujet de
méditation, de voir la barbarie et l'ignorance actuelle des Coptes issus de
l'alliance du génie profond des Egyptiens et l'esprit brillant des Grecs, de
penser que cette race d'hommes noirs, aujourd'hui notre esclave et l'objet de
notre mépris, est celle-là même à qui nous devons nos arts, nos sciences et
jusqu'à l'usage de la parole, d'imaginer, enfin, que c'est au milieu des
peuples qui se disent les plus amis de la liberté, de l'humanité, que l'on a
sanctionné le plus barbare des esclavages et mis en problème si les hommes
noirs ont une intelligence de l'espèce de celle des hommes blancs ! »
(extraits de Voyage en Syrie et en Egypte, par M.C.F. Volney, Paris, 1787,
Tome I, p. 74 à 77, cité dans le chapitre 1 du volume II de « Histoire
Générale de l'Afrique » de l'Unesco ).
3. De la germination de l'art en Afrique du Sud à l'éclosion des
beaux-arts en Egypte
L'attestation la plus ancienne et la plus sûre dans l'histoire de l'humanité des
objets d'art et donc de l'art est celle des « plus anciens bijoux du monde »,
datant de 75 000 ans avant JC, à une période où les pieds d'aucun homme
moderne, l'Homo Sapiens, n'aient encore foulé le sol de l'Asie continentale et
de l'Europe, et dont la découverte en Afrique du Sud à Blombos a fait l'objet
de deux récentes publications dans le célèbre journal « Science » du 16 avril
2004 qui depuis ont fait coulé beaucoup d'ancre, faisant reculer de 35 000
ans les plus anciennes attestation connues de l'art, sachant l'art rupestre de
la grotte de Lascaux en France datent seulement de 15 000 avant JC, celui
de la grotte de Pech-Merle en France de 20 000 avant JC, et celui la grotte
de Castillo en Espagne de 40 000 ans avant JC.
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Ces « bijoux de Blombos » font donc de l'Afrique « le berceau des arts et des
sciences », puisque c'est également à Blombos que furent découvertes les
« figures géométriques » datant de 77 000 avant JC et publiées dans le
journal Science du 15 février 2002.

Après la lente germination des arts commencée à Blombos il y 77 000 ans en
la même terre africaine où naquit l'homme moderne il y 200 000 ans, c'est
tout naturellement en terre africaine en Haute-Egypte qu'éclosent de toutes
leurs pétales les beaux-arts au sens noble du terme, pendant la période dite
de Nagada de 4 800 à 3 100 avant JC, à une date où nulle part ailleurs dans
le monde, l'art n'a atteint une finesse comparable. Les oeuvres les plus
remarquables de cette période et datant de la fin de cette période dite de
Nagada III, de 3 300 à 3 100 avant JC, sont la manche en ivoire d'un
couteau en silex dont une face finement sculptée représente une chasse aux
lions dominée par un dompteur de lions ; la « palette de Narmer », qui est
un concentré de la plupart des principes de l'art égyptien, réunissant la
technique du bas-relief, la disposition en registres, la hiérarchisation virtuelle
visuelle des personnages, la figuration humaine, le thème du roi triomphant
de ses ennemis ; et enfin la « palette au taureau », représentant sur ses
deux faces le roi sous la forme d'un taureau écrasant un ennemi.
Cette période dite de Nagada, longue de presque deux millénaires, qui a vu
l'invention en Egypte l'écriture dont le stade achevé est attesté à Abydos
3 400 avant JC, et qui a donc fait commencer l'Histoire en Egypte et non à
Sumer comme on l'a longtemps cru, peut donc être considérée comme la
période de l'éclosion des beaux-arts en Egypte, en Afrique et dans le monde,
tout autant que la période de l'invention de l'écriture et de la naissance de
l'Histoire. A ce titre, elle est donc une des périodes les plus fécondes de
l'histoire de l'humanité.

Sur le modèle des théories religieuses égyptiennes de la création où le
monde fut conçu par le Créateur avant d'être créé conformément à sa
conception, la spécificité la plus remarquable des beaux-arts, de
l'architecture et de l'urbanisme égyptien est que la réalisation d'une oeuvre
n'est pas laissée à la fantaisie de l'artiste, mais que toute oeuvre est conçue
avec précision et minutie, avec le concours des mathématiques, avec un plan
dûment préparé, avant d'être réalisée avec autant de précision et de minutie,
et le concours des mathématiques, conformément à son plan.
Les mathématiques égyptiennes étaient l'expression intellectuelle du principe
organisationnel universel de la civilisation égyptienne appelé « Maât » et
signifiant à la fois le bien, la vérité, la justice, la justesse, l'exactitude, la
rigueur, l'ordre cosmique et social, l'harmonie, la beauté, la grâce, la
simplicité. Tous les raisonnements mathématiques portaient la signature de

ce principe, car ils se terminaient par la formule « cela est conforme à
Maât », d'où dérive la formule moderne CQFD, « ce qu'il fallait démontrer ».
De la même manière, nous pouvons dire que l'art égyptien était conçu
comme l'expression esthétique de Maât, qui était parfois représenté par une
femme avec un outil de sculpture. La perfection d'une oeuvre d'art était
conçue comme « la conformité à Maât », tout comme une oeuvre
mathématique.

C'est pourquoi les artistes égyptiens ont inventé dès la fin de la période de
Nagada la « méthodes des quadrillages » encore appelée la « méthode des
carreaux » qui permet de reproduire et d'agrandir une figure « quadrillée »
dans le plan ou dans l'espace avec la précision et la perfection
mathématique, ce qui était indispensable pour réaliser des fresques ou des
statues géantes en respectant les proportions.

Des peintures et sculptures égyptiennes inachevées ont conservé leur
quadrillage, attestant ainsi concrètement cette méthode qu'appliquaient leurs
auteurs. Comme l'a écrit un contemporain, Marcelle Baud, « des milliers
d'années plus tard, nous avons en effet compris et, des cubistes aux ultramodernes,
les artistes actuels cherchent ces mêmes règles que les Egyptiens
avaient trouvées et formulées dès la plus haute antiquité et qui les
différentiaient totalement des écoles d'art de tous les autres pays ». (Le
caractère du dessin en Egypte ancienne, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1978, p.
90).

« Une pièce à conviction authentique » témoignant de ces règles basées sur
les mathématiques et un sens très poussé de l'observation et de la fidélité au
réel est l'inscription suivante gravée depuis près de 4 000 ans au début du
« Moyen Empire » sur « la Stèle d'Iri-irou-sen », en provenance d'Abydos et
actuellement au Musé du Louvre, cité et commenté avec éloquence par
Théophile Obenga de la page 499 à 501 de « La philosophie africaine de la
période pharaonique » : « Je suis vraiment un artiste. Je connais les parties
de ce qui est transformable et les estimations du juste calcul, je sais faire
sortir et entrer, si bien que les contours apparaissent et qu'un corps trouve
sa juste forme. Je sais rendre le mouvement d'un homme qui se déplace
aussi bien que d'une femme qui vient, l'attitude d'un oiseau pris au piège,
l'élan de celui qui assomme un prisonnier isolé, lorsque l'oeil regarde son visà-
vis et que le visage de l'ennemi est défiguré par la peur ; je sais rendre le
lever de bras de celui qui extermine un hippopotame autant que l'allure de
celui qui court ».

C'est également de ces règles fécondes et efficaces de l'art égyptien qu'avait
déjà témoigné avec pertinence l'auteur grec du premier siècle avant JC
Diodore de Sicile en ces termes dans Bibliothèque Historique, Livre 1 : « Les

sculpteurs les plus célèbres de l'antiquité, Téléclès et Théodoros, fils de
Rhoikos, auteurs de la statue de l'Apollon Pythien à Samos, ont séjourné en
Egypte. La moitié de la statue d'Apollon, raconte-t-on, fut réalisée à Samos,
et l'autre à Ephèse par son frère Théodoros. Lorsqu'on assembla les deux
parties, elles s'adaptèrent si bien à l'autre qu'on avait l'impression d'avoir
affaire à une statue faite par un seul sculpteur. Cette façon de sculpter
n'était toutefois pas du tout utilisée chez les Grecs ; les Egyptiens en
revanche l'ont portée à un haut degré de perfection. En effet, ils n'évaluent
pas à l'oeil, comme les Grecs, les dimensions des statues, mais après avoir
dégrossi le bloc de pierre, ils déterminent aussitôt les dimensions qui
s'imposent pour chaque partie de la statue, de la plus petite à la plus grande.
On divisait la hauteur totale du corps en 21 parties et 1/4, à partir desquelles
on fixait les dimensions de chaque membre. Alors que les artistes ne
s'étaient mis d'accord que sur la hauteur totale de la statue, ils exécutaient
chacun séparément leur travail d'une façon si parfaitement homogène que
l'on s'étonne de ce singulier savoir faire ».

Nous avons au passage sous la plume du grec Diodore de Sicile la
confirmation de « la profession de foi » de Jean-françois Champollion sur la
formation en Egypte même des sculpteurs grecs les plus renommés dont les
premières statuts appelés « Kouros » sont des copies conformes de statues
égyptiennes, comme le prouvent les images ci-contre.
Faisons un « arrêt sur image » sur « le kourous du Pirée », du nom du port
d'Athènes, en bronze, et daté environ de 520 avant JC. Grandeur nature, la
tête un peu inclinée, avançant légèrement le pied droit, les deux bras bien
écartés du corps, tenant à l'origine à la main un arc, qui est avec le serpent
et la lyre un des attributs caractéristiques du dieu grec de la beauté, de la
lumière, des arts et de la divination, Apollon dit Pythien, en référence au
serpent python encore objet de culte au sud du Togo et du Bénin, ce kourous
représentait donc Apollon Pythien. Il est logique de conjecturer qu'il est la
copie ou qu'il est inspiré de la fameuse statue d'Apollon Pythien de Samos
sculptée par les frères Téléclès et Théodoros, fils de Rhikos, dont la
réalisation devait daté environ de 560 avant JC et qui devait se trouver dans
le sanctuaire d'Héra à Samos dont la construction est justement attribuée à
Rhoikos et Théodoros par l'historien de l'art J. G. Pedley dans « Art et
archéologie de la Grèce » où on lit à la page 155 « les plus anciens temples
incontestablement ioniques furent érigés en Asie Mineure, à Ephèse et à
Didymes, ainsi qu'au sanctuaire d'Héra à Samos. Sur l'île de Samos, un
nouveau temple de dimension gigantesques - 50 mètres de large sur près de
100 mètre de long – fut construit par les architectes Rhoikos et Théodoros.
Commencé après 575 avant JC, il fut achevé vers 560 avant JC ».

Mais il faut se garder de penser que la sculpture égyptienne ne représente
les personnes que dans une position figée, avec les bras collés au corps,
comme le démentent la célèbre statue du « scribe assis en tailleur » en
provenance de Saqqara, datant de l'Ancien Empire (2 735 – 2 195 avant JC)
et actuellement au Louvre, et la statue moins connue de la « porteuse sur la
tête » comme on en rencontre encore de nos jours dans toute l'Afrique Noire
et uniquement en Afrique Noire. Cette dernière statue, en provenance de la
tombe de Mékétrê et datant du début du Moyen Empire (2 160 – 1 785 avant
JC), se trouve actuellement au musée du Caire.
Poursuivons ce survol des beaux-arts égyptiens par quelques images de
peintures égyptiennes qui illustrent la modernité étonnante de l'Egypte
ancienne.
A la fin de cet aperçu de la peinture égyptienne, faisons un « arrêt sur
image » sur la peinture célèbre du dieu Horus conduisant les peuples du
monde représentés par quatre hommes et dont Jean-françois Champollion
écrivit le commentaire pathétique suivant dans sa 13-me lettre à son frère
Champollion-Figeac, citée par Cheick Anta Diop dans le premier tome de
« Nations Nègres et Cultures » : « Les hommes, guidés par le Pasteur des
peuples, Horus, appartiennent à quatre familles bien distinctes … le dernier a
la teinte de peau que nous nommons couleur de chair, ou peau blanche de la
nuance la plus délicate, le nez droit ou légèrement voussé, les yeux bleus,
barbe blonde ou rousse, taille haute et très élancé, vêtu de peau de boeuf
conservant encore son poil, véritable sauvage tatoué sur diverses parties du
corps… J'ai honte de le dire, puisque notre race est la dernière et la plus
sauvage de la série, les Européens, à ces époques reculées, il faut être juste,
ne faisaient pas une trop belle figure dans ce monde. Il faut entendre ici tous
les peuples de race blonde et à peau blanche habitant non seulement
l'Europe, mais encore l'Asie, leur point de départ…Leur vue a toutefois
quelque chose de flatteur et de consolant, puisqu'elle nous fait bien apprécier
le chemin que nous avons parcouru depuis ».
Permettez-moi d'ajouter à la conclusion de cette partie consacrée aux beauxarts
que pour moi, l'objet d'art le plus flamboyant de l'histoire universelle de
l'art est le masque en or de Toutankhamon à coté duquel le masque grec en
or d'Agamemnon ressemble à une oeuvre de forgeron, au socle d'une daba
en or !

4. Sur l'invention de l'architecture en pierre de taille en Egypte
La longueur et la fécondité de la période de Nagada a permis aux
constructeurs égyptiens d'acquérir une grande maîtrise et une grande
habilité de la brique cuite et une familiarité avec diverses espèces de pierres.

C'est ainsi qu'ils commencèrent par exemple à utiliser du granit lourd dès la
fin de cette période pour le sol de certaines tombes à Abydos et le calcaire
pour les murs de certaines tombes dès l'époque Thinite correspondant aux
deux premières dynastie, entre 3 100 et 2 700.
Ces expériences architecturales les a préparés à opérer la plus grande
révolution dans l'histoire de l'architecture, à savoir l'invention de
l'architecture entièrement en pierre taillée à l'occasion de la construction du
domaine de la pyramide à degré de Saqqarah, constituant le grand complexe
funéraire du Pharaon Djeser, de la troisième dynastie, de 2680 à 2660 avant
JC.
La conception et la réalisation de ce complexe sont attribuées à Imhotep, à
la fois vizir, architecte, médecin, grand prêtre et philosophe qui peut donc
être considéré comme le Père de l'architecture en pierre de taille et le plus
grand architecte de l'histoire. Il fut divinisé tant en Egypte même qu'en
Grèce où il le fut sous le nom du dieu « Esculape » à qui Socrate a tenu à
rendre un dernier hommage avant de boire la ciguë.
Les pierres de ce complexe de Saqqarah sont de la taille d'une brique. Tout
se passe comme si elle était une imitation en calcaire de la brique crue,
antérieurement utilisée dans les constructions funéraires. De même,
colonnes engagées et solives du plafond sont des copies en pierre des
faisceaux de plantes et de poutres antérieurement utilisées. Parmi ces trois
types de colonnes, figure déjà le « protodorique », c'est-à-dire le
« prototype » ou modèle de la colonne grecque dite « dorique ». La forme
originale de la pyramide à degré conçue par Imhotep a peut-être été
imaginée par lui comme un escalier monumental permettant au souverain
défunt de quitter la terre et d'accéder au monde divin.

Dans les édifices ultérieurs d'architecture de pierre de taille en Egypte, la
colonne engagée fut libérée et se diversifiera, en s'inspirant de
l'environnement local. C'est ainsi que les architectes égyptiens empruntèrent
l'idée de colonne aux bottes de plantes sauvages comme le roseau et le
papyrus. Ils taillèrent les chapiteaux des colonnes en forme de fleurs de
lotus, de papyrus et de palmier. Les colonnes cannelées et les chapiteaux en
forme de lotus, de papyrus et de palmier ainsi obtenus sont également des
innovations architecturales qui serviront de « modèles » aux diverses
colonnes grecques ou romaines.

L'architecture civile, jusqu'à la conquête romaine, reste fidèle à la brique
crue, qui est employée même pour les palais des Pharaons qui menaient tout
le contraire d'un « train de vie pharaonique », allant jusqu'à participer en
pagne aux multiples travaux communautaires. Les bâtiments annexes du

Ramesseum à Thèbes permettent de se faire une idée des ressources
qu'offre ce matériau. Il permet d'atteindre à un extrême raffinement, comme
en témoigne le palais d'Aménophis IV à Amarna avec ses pavements et ses
plafonds décorés de peintures.

Il semble que ce soient les anciens Soudanais et Egyptiens qui aient inventé
la voûte, qui fut d'abord en brique dès l'époque thinite, avant de devenir en
pierre à partir du Pharaon Khoufou, connu sous le nom grec de Chéops, de
2605 à 2580.

Mais le plus grand mérite et la plus grande gloire de ce Pharaon, c'est d'avoir
fait construire la plus grande des trois pyramide du plateau de Guizeh qui
était resplendissant de beauté avec son revêtement en marbre ou en calcaire
blanc qui fut pillé au fil des siècles, ce qui lui valu de faire partie des sept
merveilles du monde et d'être à coup sûr la plus grande de ces merveilles.
Elle est le symbole par excellence de la civilisation égyptienne, non pas pour
l'intérêt touristique exceptionnel qu'elle a toujours suscité, mais parce qu'elle
est le fruit et le symbole de la démarche qui va de la conception précise et
minutieuse à la réalisation aussi précise et minutieuse, au besoin à l'aide de
prouesse technologique et organisationnel, comme ce fut le cas de sa
construction, conformément aux théories égyptiennes de la création.
Le fait qu'un pyramide lisse à base carrée soit un pur produit de la pensée
mathématique et non la copie d'une forme de la nature, la construction des
corridors ascendants menant à la chambre royale de granit, la présence
d'ouvertures reliées à l'extérieur sur les deux cotés nord et sud de la
chambre royale pour en assurer la ventilation, l'exactitude des proportions,
des mesures et de l'orientation des chambres et des corridors témoignent
avec éloquence d'un haut degré de connaissances théoriques et pratiques
dès une époque si reculée qui force l'admiration.

En effet, comme le commente avec pertinence Cheikh Anta Diop à la page
358 de « Civilisation ou barbarie » : « L'exactitude de l'orientation des
grands monuments architecturaux, des pyramides en particulier, plaide en
faveur de l'existence d'une science astronomique sûre ; en effet, le nombre
de monuments orientés par rapport aux quatre points cardinaux avec une
erreur toujours inférieure à un degré par rapport au vrai nord, élimine toute
notion de hasard. Une méthode d'observation astronomique a sûrement été
utilisée pour déterminer le vrai nord, mais laquelle ? On sait que celle basée
sur les ombres portées les plus courtes n'est pas assez précise. L'idée
d'instruments optiques à lentilles s'impose de plus en plus avec les dernières
découvertes ».

Une autre prouesse architecturale de l'Egypte ancienne qui force l'admiration
est la grande salle dite « hypostyle » du temple de Karnak, vaste comme un
terrain de football, avec ses 102 m sur ses 53 m, recouverte d'une forêt de
122 colonnes en papyrus fermés de 16 m de haut, et de 12 colonnes en
papyrus ouverts hautes comme un immeuble de 10 étages, formant une nef
centrale de 23 m de haut, toute la forêt de colonne soutenant une dalle en
pierre de 2 m d‘épaisseur.

Pour terminer avec le sanctuaire de Karnak, signalons le portail sud du
temple d'Amon-Rê à Karnak, construit en 230 av J.C et annonçant les futurs
arcs de triomphe romains et napoléoniens.

Pour apprécier ces prouesses architecturales à leur vraie valeur, la
comparaison avec l'architecture grecque est utile. Comme l'a écrit à ce sujet
Cheikh Anta Diop dans « L'antiquité africaine par l'image » : « Les Grecs ont
été des sculpteurs de génie, mais de médiocres architectes. Ils n'ont jamais
résolu en vérité un problème difficile d'architecture. Ils n'ont sûrement pas
innové dans ce domaine. On cite le théâtre d'Epidaure, mais ce n'est pas à
proprement parler une oeuvre d'architecture, c'est une série de gradins
incrustés, à ciel ouvert, au flan d'une colline… Le Parthénon, même
entièrement reconstitué ressemble à un hangar et ne soutient pas la
comparaison avec un temple égyptien. Le portique des cariatides de
l'Erechtheion ou le temple d'Athéna Nike sont moins spacieux qu'une salle à
manger, tandis que l'église Notre-Dame de Paris entrerait dans la seule salle
hypostyle du temple de Karnak. Seules compte les proportions dira-t-on.
Mais on a vu ci-dessus que l'art égyptien a transmis la science des
proportions (la section d'or) à l'art grec … Le Parthénon reconstitué : toute
prétention mise à part, ce bâtiment frappe plus par les sculptures qui l'ornent
(frises, défilés des panathénées, etc.) que par son style qui est celui d'un
hangar avec le toit nordique : dimensions : 68 m de long sur 30 m de
large », comme j'en ai personnellement la conviction, que j'aimerais
soumettre à l'appréciation de tous les architectes et enseignants en
architecture présents dans cette auguste assemblée.

Terminons cette visite sélective de l'architecture égyptienne par quelques
images de l'architecture militaire égyptienne, notamment du Chateau fort de
Buhen construit en Haute Nubie, au soudan actuel, par les égyptiens vers
2000 avant J. C., soit 3500 ans avant la construction des premiers châteaux
forts en Europe, et de la forteresse de Shelfak construite en Haute Nubie à la
même époque et aujourd'hui disparu à jamais, submergée comme le site de
Buhen par les eaux criminels du Lac Nasser !!!

5. De la fondation des premières cités au Proche Orient à l'éclosion
de l'urbanisme en Egypte

Alors que la ville la plus ancienne au monde dont l'archéologie atteste les
ruines datant du 8-me millénaire avant JC est la ville de Jéricho, au Proche
Orient, l'une des villes la plus anciennes au monde dont un document écrit
mentionne le fondateur est la ville de Ninive, au Proche Orient. Il se trouve
que ce fondateur de plusieurs villes nommé « Nemrod », présenté également
comme le fondateur de tout un « empire » en Mésopotamie incluant les
célèbres cités de « Babel » et d' « Akkad », est présenté avant tout comme
un africain, plus précisément un soudanais, un fils de « Kush », désignant
dans la Bible le Soudan, et par suite un petit fils de « Cham », désignant
l'ensemble des peuples noirs, parmi lesquels la Bible inclue l'Egypte, appelé
« Miçrayim » dans la Bible, ainsi que La Palestine ancienne, appelée
« Canaan » dans la Bible. « Cham » lui-même est présenté comme un des
trois fils de « Noé » dont la descendance peupla la terre entière connue des
auteur de la Bible et dont les deux autre fils sont « Sem », considéré comme
le Père des Sémites et « Japhet », le Père des Indo-européens. Il est donc
logique de conjecturer que la fondation de Ninive est au moins aussi
ancienne que celle de Jéricho.

Il est en effet écrit au chapitre 10 du livre de La Genèse de la Bible, au
verset 1, puis au versets 6 à 12 : « Voici la descendance des fils de Noé,
Sem, Cham et Japhet, auxquels des fils naquirent après le déluge : …Fils de
Cham : Kush, Miçrayim, Put, Canaan. Fils de Kush : Séba, Havila, Sabta,
Rama, sabteka. Fils de rama : Sheba, dedân. Kush engendra Nemrod, qui fut
le premier potentat sur la terre. C'était un vaillant chasseur devant l'Eternel,
et c'est pourquoi l'on dit : « comme Nemrod, vaillant chasseur de l'Eternel ».
Les soutiens de son empire furent Babel, Erek et Akkad, villes qui sont toutes
au pays de Shinéar. De ce pays sortit Ashshur. Il bâtit la grande ville de
Ninive, Rehobot-Ir, Kalah, et Rèsèn entre Ninive et Kalah ».
Un autre livre de la Bible, celui de Jonas, donne plus de précision sur
l'importante de la ville de Ninive fondée par un africain, au verset 3 de son
chapitre 3 et au verset 11 de son chapitre 4 où il est écrit : « Ninive était une
ville divinement grande. Il fallait trois jours pour la traverser…Ninive, la
grande ville, où il y avait plus de 120 000 habitants ».

Les passages cités du livre de la Genèse nous apprennent au passage que les
fameux cananéens que les Hébreux se vantaient dans la Bible d'avoir
massacrés et exterminés « au nom de Dieu », du moins de leur conception
de Dieu, afin de s'approprier leur terre qu'ils convoitaient comme « la terre
promise », commettant ainsi « le premier génocide de l'histoire » et
introduisant ainsi le « totalitarisme » dans l'histoire, comme l'a écrit la
philosophe juive Simone Weil dans « la pesanteur et la grâce », sont des
noirs tout comme les soudanais et les Egyptiens et que ce sont des noirs,
descendants des soudanais, comme les sumériens, qui fondèrent les
premières cités, les premiers empires et les premières brillantes civilisations
de la Mésopotamie comme la civilisation sumérienne.

Des sources bibliques de l'histoire de l'urbanisme, nous pouvons retenir que
« la pièce à conviction » constituée par la mention de l'origine africaine de la
fondation des premières cités de la Mésopotamie fonde et justifie la thèse de
« l'origine africaine de l'urbanisme », plus précisément la thèse de « l'origine
africaine de la germination de l'urbanisme au Proche Orient selon les sources
écrites bibliques ».

Plus de dix millénaires après, la ville actuelle de Nimrud non loin de Ninive
porte encore le nom glorieux du « premier fondateur connu d'une grande
ville », confirmant ainsi le témoignage biblique à ce sujet et l'antériorité et la
primauté de l'Afrique dans la science de l'urbanisme.

Après une période de germination ayant commencé au moins au 8-me
millénaire avant JC, c'est naturellement au Soudan même et en Hante
Egypte que la science de l'urbanisme a commencé à éclore dès début de la
période de Nagada au 5-me millénaire avant JC pour éclore de toutes ses
pétales à la période du Nouvel Empire, celle des pharaons de la 18-me à la
20-me dynastie, allant de 1543 à 1078 avant JC, notamment le pharaon
Touthmès III, le plus célèbre des pharaons sous le règne duquel l'empire
égyptien s'étendait de la moitié nord du Soudan au sud de la Turquie en
passant par l'ouest de la Mésopotamie, le Liban, la Palestine, l'ouest de la
Jordanie, Gaza, et le Sinaï, le pharaon Akhenaton, le plus mystique des
pharaons dont le nom signifie « celui qui est aimé de Dieu » et le promoteur
de la réforme religieuse où la religion plus spirituelle d'Aton devait rénover le
culte sclérosé d'Amon et qui à cette fin a créé « la ville nouvelle » de
« Akhet-Aton », « l'Horizon d'Aton », nouvelle capitale située au centre de
l'Egypte et siège du pouvoir religieux ôté à Thèbes, et enfin le pharaon
Ramsès II, le pharaon ayant connu le long règne de l'histoire de l'Egypte, un
règne de 67 ans de 1279 à 1212 avant JC, couronné d'éclatante victoires
militaires comme celle de Quadesh et de brillantes oeuvres architecturales
comme l'achèvement de la salle hypostyle du temple de Karnak, la
construction du temple d'Abou Simbel au Soudan et sauvé par l'Unesco des
eaux du « lac Nasser », un véritable « crime contre l'humanité » perpétré par
l'impérialisme arabe contre le « patrimoine de l'humanité » et « la terre
sainte africaine » que représente l'Egypte ancienne, et enfin la construction
de la ville nouvelle de « Pi-Ramsès » mentionnée par la Bible au verset 11du
premier chapitre du livre de « l'Exode ».

En effet, comme le signale l'égyptologue Maurizio Damiano-Appia dans
« L'Egypte, dictionnaire encyclopédique de l'ancienne Egypte et des
civilisations nubiennes », à l'article « urbanisme », p. 267-268 : « Les
centres plus importants faisaient l'objet de plans et de projets depuis la plus
haute antiquité. A l'Epoque Prédynastique, on trouve déjà des
représentations de centres entourés par une enceinte fortifiée. Les angles
des murs (d'enceinte) étaient souvent arrondis et l'ensemble doté de
plusieurs tous, disposés à intervalles réguliers, les travaux nécessitaient de
la coordination et des études préliminaires. Malheureusement, presque tous
les centres habités de l'Egypte ancienne et de la Nubie ont disparu car les
constructions civiles étaient réalisées avec des matériaux périssables comme
les briques d'argile crue, le bois et le roseau. Cependant, quelques centres
ont partiellement subsisté et ont permis de comprendre quel était le plan
d'aménagement urbain des cités égyptiennes à différentes échelles. Le plus
ancien de ces exemples est probablement celui de Giza (Guizeh), où
habitaient les spécialistes qui construisaient les pyramides. Le village est
articulé autour d'un dessin régulier, avec les maisons disposées autour de la
rue principale, d'où partent des voies secondaires… Les « cités des
pyramides » étaient de véritables centres urbains construits à proximité des
monuments de la famille royale pour le culte des défunts. Outre les
demeures des prêtres, il y avait des édifices administratifs, des maisons
d'ouvriers ainsi que des réserves… On retrouve les mêmes types de projets
urbains dans les centres coloniaux nubiens de Bouhen ou de Mirgissa (à côté
des forteresses), mais surtout à Sésébi. De ces différents exemples, nous
pouvons tirer les conclusions suivantes : la science urbanistique, créée par
les Egyptiens, a commencé à se développer dès la Préhistoire (Epoque
prédynastique) ; les Egyptiens ont toujours eu clairement à l'esprit la
nécessité d'une attentive planification pour la réussite de la vie d'une ville ».
Faisons un premier « arrêt sur image » sur « la cité nouvelle de Kahoun »,
en empruntant à R. El-Nadoury et J. Vercoutter leurs commentaires à ce
sujet au chapitre 5 du volume 2 de « Histoire Générale de l'Afrique » : « le
« génie » grec ne semble pas avoir eu la primeur de l' « urbanisme ». Dès -
1895, sous le règne de Sésostris II, nous voyons une agglomération comme
Kahoun entourée d'une enceinte rectangulaire (de 350 sur 400 m). La ville
comporte à la fois des bâtiments administratifs et des habitations. Les
maisons « ouvrières » - on en a fouillé près de 250 – sont construites « en
bloc » le long des rues de 4 m de large, qui donnent dans une artère centrale
de huit mètre de large. Chaque maison occupe une superficie – au sol – de
100 à 125 mètres carrés et comporte une dizaine de pièces de plain-pied.
Dans une autre partie de la ville s'élèvent les demeures des « dirigeants » -
« hôtels » qui peuvent avoir jusqu'à 70 pièces, ou des maisons modestes,
beaucoup plus grandes cependant que les demeures « ouvrières ». Ces
demeurent sont elles aussi disposées le long d'artères rectilignes, parallèles
aux murs d'enceinte. Ces rues sont pourvues en leur centre d'une rigole pour
l'évacuation des eaux ».

Faisons un second « arrêt sur image » sur « la ville nouvelle d'Akhet-Aton »,
en empruntant à A. C. Carpiceci son commentaire à ce sujet à la page 34 de
son livre « Merveilleuse Egypte des Pharaons » : « La reconstruction de la
splendide capitale née en 1376 avant JC par la volonté de d'Akhénaton et qui
disparut (une vingtaine d'années après) avec la mort de son créateur, est
tiré des interminables études que l'on fait depuis le début du siècle sur les
quelques vestiges restés à Tell El Amarna, zone située à environ 20 km
d'Hermopolis, 280 au sud du Caire et 350 au nord de Thèbes. La ville
s'étendait sur près de 15 km, comme une grande bande le long de la rive
orientale du Nil. Dans les montagnes rocheuses en arrière de la ville (c'est-àdire
à l'est et non à l'ouest comme dans les autres villes), on était en train de
créer une longue nécropole. Entre les deux, s'insérait le village des artisans
de la ville des vivants et de celle des morts. L'axe principale était déplacé
vers le Nil et formé d'une grande avenue, de 100 mètre de large, appelée
« la route du roi », axe qui reliait la grande porte du nord à celle du sud. A
800 mètre, presque parallèle, il y avait la « route du Grand-Prêtre » et enfin,
à 400 mètres encore environ,, la « route des artisans ». Pratiquement, la
« route du Grand-Prêtre » divisait la ville en deux grandes bandes ; celle
vers le Nil, dégagée par la « route du roi » et destinée aux résidences du roi,
des fonctionnaires, aux services du port et des dirigeants ; celle vers
l'intérieur à l'est, dégagée par la « route des artisans » destinée à tous les
autres citoyens. Tout autour, au pied de la chaîne rocheuse qui s'étend
comme une grande exèdre en arrière d'Akhet-Aton, il existe encore de
nombreuses stèles de démarcation ».

C'est également au goût et au génie égyptien dès le début du 3-me
millénaire avant JC que l'urbanisme universel doit l'intégration des jardins,
des bassins et des parcs à la conception et à l'aménagement de l'espace
habité, et non au goût ou au génie plus tardif des urbanistes des « jardins
suspendus de Babylone » datant du 6-me siècle avant JC, et encore moins
au goût ou au génie bien plus tardif des urbanistes romains.
En effet, comme l'ont écrit R. El-Nadoury et J. Vercoutter dans leur article
précédemment cité : « Les Egyptiens aimaient les jardins. Pauvres, ils
s'arrangeaient pour faire pousser un ou deux arbres dans l'étroite cour de
leur maison. Riches, leur jardin rivalisait en importance et en luxe avec la
demeure proprement dite. Sous la III-me dynastie (vers – 2 800), un haut
fonctionnaire possède un jardin de plus d'un hectare, avec un bassin qui est
le trait distinctif du jardin égyptien. Celui-ci, en effet, s'ordonne
systématiquement autour du ou des bassins, car il peut y en avoir plusieurs.
Ceux-ci sont à la fois viviers, des réservoirs d'eau pour l'arrosage, et une

source de fraîcheur pour la maison toute proche : c'est près du bassin aussi
que le maître de maison fait souvent construire un léger pavillon de bois
pour venir respirer la fraîcheur vespérale et recevoir ses amis en buvant
frais. Les bassins artificiels peuvent être de grandes dimensions. (Le
Pharaon) Snéfrou (le fondateur de la 4-me dynastie, ayant régné de 2630 à
2 609 avant JC) navigue sur le lac de son palais en compagnie de jeunes
rameuses peu vêtues, et (le Pharaon) Aménophis III (de la glorieuse 18-me
dynastie, celle-là même de Touthmès III, et prédécesseur du Pharaon
Akhenaton, ayant régné de 1 387 à 1 348 avant JC) en fera aménager un
immense dans son palais thébain. Ce goût si égyptien du jardin-parc se
transmettra à Rome ».

En effet d'après le témoignage de « la pièce à conviction » constituée par un
texte hiéroglyphe d'époque précisant les dimensions et les conditions
spectaculaires de construction du lac de plaisance aménagé dans son palais
par le Pharaon Aménophis III par amour pour son épouse soudanaise la reine
Tiyi, rapporté par A. de Buck dans « Egyptian Reading-book, exercices and
Middle Egyptian Texts selected and edited », cité et commenté avec
éloquence par Théophile Obenga de la page 253 à 255 de « La philosophie
africaine de la période pharaonique » : « la onzième année, le troisième mois
de la saison « Akhet », le premier jour, sous la majesté de l'Horus
(Aménophis III). Que vive la Grande Epouse Royale Tiyi ! Sa majesté
ordonna qu'un lac artificiel soit aménagé au bénéfice de la Grande Epouse
Royale Tiyi dans sa ville d'Akhmîn. Sa longueur est de 3 700 coudées (1 935
m), et sa largeur de 600 coudées (313 m). Sa majesté inaugura ce lac
artificiel au troisième mois de la saison « Akhet », au seizième jour. Sa
Majesté fit une promenade dans sa barque sacrée « Aton », qui brille à
l'intérieur de son Palais ».

En faisant construire par son architecte-urbaniste Le Nôtre le parc du
Château de Versailles avec son grand canal et le « Pavillon de la Reine » à
coté de ce bassin, Le « Roi-Soleil » savait-il qu'il ne faisait qu'imiter plus de
4 500 ans après un haut fonctionnaire africain de la 3-me dynastie, ainsi que
les Pharaons Snéfrou et Aménophis III, et qu'il doit son goût de « Roi-
Soleil » au goût et au génie africain, c'est-à-dire de ceux que par son « Code
Noir » honteux, il traite avec moins d'égard que les meubles des
esclavagistes criminels, tout en se faisant appeler « Sa Très Chrétienne
Majesté » ? Quelle ironie tragique de l'histoire !!!

Pour terminer notre promenade dans les jardins du goût et de l'urbanisme
égyptiens, faisons un dernier « arrêt sur image » sur « la fête dans le jardin
de la villa d'un haut fonctionnaire égyptien du Moyen Empire », de 2 160 à
1 785 avant JC, qui pourrait donner au « Roi-Soleil » des leçons de goût et
surtout d'éthique qui auraient pu éviter à son petit-fils Louis XVI de se faire

couper la tête pour déficit d'éthique sociale et politique. A cette fin, nous
emprunterons de nouveau à A. C. Carpiceci son commentaire à ce sujet à la
page 42 de son livre « Merveilleuse Egypte des Pharaons » : « Le fête se
déroule autour du bassin du jardin. Dans le fond apparaît la façade à
portique de la grande maison. A gauche, le pavillon en bois où se tiennent le
maître de maison et son épouse, leurs petits enfants et les conseillers privés.
Sur la rive, deux groupes de jeunes filles se livrent à des danses
acrobatiques rythmées par les battements de mains d'un troisième groupe
aux sons d'un petit orchestre à côté du pavillon. Les différentes scènes sont
tirées des tombeaux de nobles à Thèbes ; celle de la danse des tombeaux de
Saqqara : tombeau de Ank-ma-Hor et de Kagemmi ».

6. Conclusion

En m'excusant auprès de cette auguste assemblée de n'avoir pas eu le
temps de faire plus court, voila dans la limite du temps durant lequel vous
avez eu l'amabilité de m'écouter une sélection et une synthèse des « pièces
à conviction » et de l'argumentation que je tenais à vous exposer avec mes
expériences d'artiste et de mathématicien pour justifier « la profession de
foi » du Père de l'Egyptologie sur « l'origine égyptienne des beaux-arts et de
l'architecture grecque » et ma propre « profession de foi » « sur l'origine
africaine des beaux-arts, de l'architecture et de l'urbanisme ».
J'espère que mon plaidoyer aura convaincu les jurés plus que Racine à qui on
prête la célèbre formule « vous avez beau cherché à me persuader, vous
n'arriverez pas à me convaincre ! »

J'espère notamment que les « pièces à conviction » et l'argumentation
présentées auront efficacement contribué à vous convaincre de l'antériorité
et de la primauté de l'Afrique, non seulement dans la famille de l'humanité
moderne née sur son sol il y a 200 000 ans, mais aussi et surtout dans tous
les domaines fondamentaux de la civilisation moderne universelle née avec
l'invention de l'écriture en terre africaine en Egypte en pleine période de
Nagada il y plus de 5 400 ans comme l'attestent les fouilles d'Abydos, faisant
des africains et de leurs descendants directs non seulement « les aînés de
l'humanité moderne », mais aussi et surtout « les aînés de la civilisation
moderne », dans tous les domaines fondamentaux des lettres, des arts, des
sciences et de la technologie, depuis l'écriture jusqu'aux mathématiques,
jusqu'aux beaux-arts, l'architecture, l'urbanisme et les ouvrages d'art, en
passant par la médecine, la chimie, le droit, la philosophie et j'en passe.
Aussi, en guise de mot de la fin, permettez-moi de formuler le voeu que la
direction de l'Ecole Africaine des Métiers de l'Architecture et de l'Urbanisme,
avec le soutien diplomatique des gouvernements africains dont elle est une
émanation internationale, prenne l'initiative de demander à la direction de
l'UNESCO de parrainer la rédaction et la publication d'une véritable « Histoire
Universelle des Beaux-arts, de l'Architecture et de l'Urbanisme », comme elle
l'a déjà fait avec succès pour l'« Histoire Générale de l'Afrique », avec la
participation active d'experts africains, pour ainsi prouver que la tentation de
la construction et de l'instrumentalisation idéologique en histoire n'est pas
une fatalité, convaincue avec Vaclav Havel que « il n'y a de fatalité que celle
que l'on accepte de subir ».
 


18/04/2012
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