AMMAFRICA WORLD

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DEVOIR DE MEMOIRE RWANDA: LES JUSTES DU RWANDA

 
LES JUSTES  
   

Les justes du Rwanda

 

Ils sont rares, mais ils ont existé, ces Hutus qui ont refusé, en 1994, de se joindre à la meute pour exterminer les Tutsis, et qui ont fait preuve d'humanité en cachant des voisins ou des inconnus. Ils ont posé des actes courageux sans en attendre aucune compensation matérielle ou financière. Leur rendre hommage est une obligation éthique et éducative. Parmi ces Justes, figurent aussi quelques non Rwandais, répertoriés dans un ouvrage de African Rights.


Des personnes de toutes conditions sociales


La lutte contre le génocide—et les attitudes qui aboutirent aux massacres—était solitaire et extrêmement dangereuse. De fait, l’héroïsme se manifesta en des lieux inattendus durant le génocide, et de nombreux paysans ou villageois ordinaires utilisèrent leurs ressources limitées pour aider les autres, tandis que les personnes instruites ou aisées repoussaient les réfugiés.

 

Dans certains foyers, on compte des générations de héros. C’est le cas de Frodouald Karuhije, dont l’histoire figure dans ce livre. Son père sauva la vie d’un Tutsi à Gitarama en 1973, alors qu’il s’y menait une campagne contre les Tutsis instruits, et Karuhije lui-même sauva la vie de la fille de cet homme en 1994. Mais il était toutefois plus fréquent qu’il y eût des conflits au sein des familles, dont certains membres étaient ouvertement en faveur des tueries alors que d’autres tentaient d’empêcher les premiers d’y participer. Par exemple, il y a de nombreux témoignages relatifs à la bravoure d’un prêtre, l’abbé Baudouin Busunyu, dont le propre père, Michel Busunyu, était chef des interahamwe à Karengera, Cyangugu. Les actions de l’abbé Busunyu le distinguent également de celles de plusieurs autres prêtres du Rwanda à l’époque. En effet, nombreux sont ceux qui se tournèrent vers l’Eglise en quête d’assistance au début de la crise, mais tous les membres du clergé ne répondirent pas à cet appel à l’aide et l’on sait que certains ont été jusqu’à collaborer avec les génocidaires.

 

Le clergé était l’entité la mieux placée pour apporter une aide aux réfugiés venus en masse dans les paroisses de tout le pays et plusieurs de ses membres sont mentionnés dans cet ouvrage. Leurs actions exigeaient la ferveur de la foi et le sens du devoir chrétien. Toutefois, il s’agissait de choix individuels et de luttes menées dans un contexte hostile. Les membres du clergé qui cachèrent ou aidèrent des Tutsis le firent souvent sans le soutien des leaders de leur propre Eglise, voire en opposition directe à eux. La bravoure de certains prêtres et religieuses a été tellement remarquable que les survivants sont persuadés qu’ils mériteraient d’être proclamés martyrs voire canonisés.

 

Des personnes de toutes conditions sociales firent preuve d’un courage égal à celui de ces membres du clergé, souvent en prenant des risques encore plus grands, par exemple, les fonctionnaires locaux, lesquels étaient censés manifester un soutien sans réserve en faveur des tueries. Le génocide dépendait de leur participation, et ceux qui refusèrent d’y prendre part firent immédiatement l’objet d’une surveillance étroite. Et pourtant, il y eut ceux qui défendirent avec ferveur les Tutsis dans leur communauté, souvent au péril de leur vie. Les femmes dont il est fait mention dans ce livre font aussi des héros surprenants. On pourrait croire que le chapitre qui raconte comment une vieille guérisseuse, totalement démunie, sauva la vie d’un groupe de Tutsis avec, pour seule arme, sa force de caractère, n’est en fait que pure fiction, si ce n’est pour le témoignage de ses protégés.

 

Frodouald Karuhije


Frodouald Karuhije a sauvé la vie de 14 Tutsis des communes de Nyamabuye et Ntongwe, Gitarama, en les cachant durant plus d’un mois. Il a agi de manière ingénieuse pour protéger ces hommes, femmes et enfants, alors que la plupart d’entre eux lui étaient inconnus. Il creusa des tranchées profondes sur son terrain, les camouflant avec des branches, de la terre et des plantes—elles étaient bien construites et invisibles à tous ceux qui n’en connaissaient pas l’existence. Persuadé que le FPR “avait l’intention d’exterminer tous les Hutus”, comme le clamait la propagande, Frodouald creusa sa première tranchée dans l’idée que sa propre vie serait bientôt menacée. Lorsque la nature de la violence se révéla, Frodouald se servit de ces tranchées pour dissimuler des Tutsis traqués. Sans attendre qu’on vienne lui demander son aide, Frodouald s’évertua à contacter les personnes qu’ils savaient en danger pour leur proposer un refuge.

 

Frodouald, 38 ans, originaire de Remera, commune Mukingi, dit qu’il était “tout à fait prêt à mourir pour ces Tutsis qui s’étaient réfugiés chez lui”. Ses efforts infatigables et les risques qu’il prit pour eux sont preuve de sa détermination. Lorsque Phidentia Mukamwiza rejoignit le groupe de réfugiés sur les terres de Frodouald, il n’y avait encore qu’une seule tranchée. Comprenant qu’il n’y aurait bientôt plus assez de place pour tous les accueillir, Frodouald commença à creuser à 9 heures du soir et poursuivit ses travaux toute la nuit pour qu’une seconde tranchée soit prête aux lueurs du jour. Plusieurs survivants furent ébahis de voir un “simple maçon sans prétention” faire preuve de tant de bonne volonté et de compassion envers des gens qu’il connaissait à peine. A l’instar de tous ceux qui doivent leur vie à Frodouald, Phidentia ne l’oubliera jamais.

 

C’est un homme bon et courageux. Il était pauvre mais il a accepté de nous abriter et de nous nourrir pendant plus d’un mois et demi. Karuhije s’est dévoué pour nous pendant le génocide.


Sula Karuhimbi


Guérisseuse de Musamo, dans la commune de Ntongwe à Gitarama, Sula Karuhimbi protégea certains de ses voisins tutsis des interahamwe et elle tenta d’en aider plusieurs autres. C’est une veuve de 75 ans que les résidents qualifient de vieille femme sympathique et généreuse. Sula, mieux connue sous le nom de “Mama Domitille”, donna asile à des Tutsis sur sa propriété et elle s’opposa farouchement aux miliciens qui vinrent à leur recherche. Agricultrice, elle réussit à nourrir les gens qu’elle cachait chez elle avec le produit de ses terres, les hébergeant dans un abri qu’elle avait construit pour ses bêtes.

 

 

Parce qu’elle avait peu de ressources et qu’elle paraissait vulnérable, Sula faisait un protecteur fort peu crédible, de sorte que sa maison n’attira pas l’attention de la milice. Toutefois, au bout d’un certain temps, les interahamwe commencèrent à soupçonner qu’elle abritait des Tutsis, ce qu’elle nia avec indignation. Elle jouait sur sa réputation de guérisseuse pour convaincre les miliciens qu’elle pouvait sommer des esprits maléfiques, de sorte qu’ils finissaient par la craindre. Sula repoussa la milice à plusieurs reprises, bravant coups de feu et menaces.

 

Depuis le génocide, Sula est restée opposée aux génocidaires ; elle a même aidé à en traduire certains en justice. Sula avoue qu’elle a bien du mal à comprendre pourquoi d’autres personnes de sa communauté n’ont pas fait plus d’efforts pour résister au génocide. Pendant la crise, Hassan Habiyakare trouva refuge dans le domicile de Sula. Il lui rend régulièrement visite aujourd’hui.

 

Elle se montre accueillante envers tout le monde, même des inconnus. Karuhimbi nous a cachés de diverses manières de sorte qu’il est difficile de savoir le nombre exact de personnes qu’elle a pu sauver. Pour ma part, je suis arrivé chez elle après maintes péripéties.

 

Pour moi, cette vieille est extraordinaire. Son courage pendant le génocide a été sans égal. Très peu de gens auraient pu faire ce qu’elle a fait.  

 

 


Le docteur Wolfgang Blam

 

Les quelques étrangers qui restèrent et essayèrent d’aider les Tutsis au plus fort de la crise occupent une place privilégiée dans le cœur des survivants. Le docteur Wolfgang Blam, un médecin allemand, compte parmi ces héros. Il vivait au Rwanda depuis de nombreuses années. En avril 1994, il était chargé de la médecine rurale pour la préfecture et travaillait dans la salle d’opérations de l’hôpital de Kibuye.

 

Le docteur Blam parlait le kinyarwanda couramment et avait épousé Jacqueline, une Tutsie, dont il avait un fils, né deux mois à peine avant le génocide. Cela faisait longtemps qu’il travaillait avec des personnes de milieux ethniques et politiques différents, qu’il les soignait et qu’il était respecté par elles. Il était considéré exempt de tout parti pris. Le docteur Blam refusa de partir avec les autres expatriés ; il ne voulait laisser ni son épouse ni ses devoirs. Il fut témoin de la terreur qui s’abattit sur les habitants de Kibuye et fut une source de force et de soutien pour ceux qui le connurent, faisant preuve d’une affection et d’un dévouement sans bornes.

 

Le docteur Blam et son collègue, le docteur Léonard Hitimana, à présent membre du parlement, travaillèrent dans des conditions extrêmement difficiles au début des massacres à Kibuye. Leurs compétences étaient très demandées et ils les mirent au service de parents, amis, patients et réfugiés tutsis. Ils s’efforcèrent d’offrir une protection ainsi qu’un traitement aux malades et aux blessés qui arrivaient en masse à l’hôpital. Ils se rendirent aussi au stade de Gatwaro, où s’étaient rassemblées nombre des personnes déplacées par la violence aux alentours de la ville de Kibuye. Avec d’autres membres du personnel de l’hôpital et de la Croix-Rouge, ils tentèrent d’améliorer les conditions désespérées. Malheureusement, les réfugiés du stade et de l’hôpital étaient les victimes d’atrocités régulières. La mort était devenue inévitable pour les Tutsis de Kibuye, mais les médecins poursuivirent tout de même leurs efforts en vue de sauver des vies.

 

Le docteur Blam prit soin d’Anne-Marie Mukantabana, alors âgée de 14 ans, qui gagna l’hôpital à l’issue du massacre de sa famille. Elle se rappelle comment il arrivait fréquemment au docteur de“supplier les interahamwe de laisser ses patients en paix”. Et d’ajouter :

 

Il se donnait de tout son cœur. Nous les rescapés, nous le gardons dans notre mémoire, même si nous ne pouvons pas lui exprimer notre reconnaissance. Il s’est chargé de soulager notre détresse alors qu’il était étranger, au moment où nos propres frères nous massacraient.


Paul Kamanzi


Paul Kamanzi, commerçant de Muhazi, à Kibungo, est l’un de ces rares individus dont la loyauté et l’honneur furent bien supérieurs à ce que ses amis attendaient de lui. Kamanzi, un Hutu dont les propres frères étaient partisans de la cause extrémiste, coupa ses liens avec sa communauté et sa famille durant le génocide. Il le fit parce qu’il ne pouvait pas vivre aux côtés de personnes qui étaient impliquées dans les tueries ou qui n’étaient pas disposées à tenter de les prévenir. Kamanzi ressentait une colère et une horreur si profondes face au génocide et à ses auteurs qu’il voulait faire tout son possible pour se distancier d’eux. Il disait préférer mourir plutôt que vivre aux côtés des personnes responsables du massacre d’innocents. C’était là une position intransigeante qui, tragiquement, allait lui coûter la vie.

 

Dès le départ, il fit tout ce qu’il put pour déjouer les plans des génocidaires. Il avertit les Tutsis qu’il connaissait des intentions des interahamwe et s’efforça de leur trouver des cachettes. En dernier ressort, lorsque son propre père refusa de répondre à son appel à l’aide, Kamanzi décida de rester avec ses amis réfugiés, dans le bureau communal.

 

Le 15 avril, des interahamwe, des membres de la Garde présidentielle et des policiers lancèrent un assaut contre les réfugiés ; Kamanzi se battit à leurs côtés. Il fut abattu par des interahamwe tandis qu’il tentait de s’échapper avec les réfugiés tutsis de la commune Muhazi. La compassion et l’empathie de Kamanzi étaient si profondes qu’il fut incapable de faire passer sa survie avant celle des autres. Son souvenir reste vivant dans le cœur des rescapés de Muhazi.

 

Kamanzi était un garçon généreux. Il avait un comportement exemplaire. Il aimait tout le monde, sans distinction d’origine. Il l’a montré quand il a accepté de mourir pour nous, les Tutsis, avec nos jeunes.


 

Gabriel Mvunganyi


Gabriel Mvunganyi était un homme âgé et très pieux qui rejetait la politique de division ethnique. Il paya un lourd tribut pour sa prise de position, même avant le génocide. Il y avait peu de Tutsis dans le secteur de Ngoma, dans la commune Mbogo, Kigali rural où vivait Mvunganyi, mais lors d’une recrudescence de violence ethnique en 1992, Mvunganyi fit tout ce qu’il put pour leur permettre de s’échapper.

 

Le ressentiment dont faisait l’objet Mvunganyi du fait de ses opinions fut renforcé par son refus d’adhérer à l’un quelconque des partis politiques qui essaimèrent au début des années 90 et tentèrent de le recruter. En avril 1994, les interahamwe étaient conscients de la compassion de Mvunganyi pour le sort des Tutsis. Il était perçu comme une menace susceptible d’éroder la frénésie collective en faveur des tueries.Les miliciens fouillaient sa maison quotidiennement. Malgré tout, il cacha deux jeunes filles tutsies chez lui pendant plusieurs jours.

 

L’hostilité à l’encontre de Mvunganyi fut intense pendant tout le génocide et Mvunganyi avait trop peur pour quitter sa maison. Pourtant, vers la fin du mois de mai, il décida de sortir avec sa fille. C’est en rentrant de cette sortie qu’il fut identifié par des soldats qui comptaient parmi les génocidaires de la zone. Ils le tourmentèrent, l’humilièrent puis le tuèrent par balle. Pascasie Mukarora, une voisine, évoque avec admiration la personnalité de Gabriel Mvunganyi.

 

Gabriel est mort à cause de sa gentillesse et de son intégrité. C’était un vieil homme honnête et respecté par tous ses voisins. Il était gentil avec tous, sans distinction ethnique.




Thérèse Nyirabayovu


C’est l’éminente place qu’occupait Thérèse Nyirabayovu au coeur de la communauté de Nyarugenge à Kigali qui lui permit de protéger des amis et voisins tutsis. Elle était la sage-femme locale du secteur Muhima. Sa décision d’abriter des Tutsis se fondait sur une intime conviction selon laquelle toute personne avait “le devoir de venir en aide à des êtres humains en danger”. Alors âgée de 67 ans, Thérèse n’avait pour seule arme que sa force morale. Mais elle était tellement respectée que lorsque des bruits commencèrent à courir suggérant qu’elle cachait des gens, même les interahamwe firent preuve de retenue.

 

Thérèse était agricultrice. Veuve, elle et ses quatre filles mirent tout en oeuvre pour subvenir aux besoins des 18 personnes réfugiées dans son domicile à un moment ou un autre de la crise. Thérèse parvint aussi à trouver suffisamment d’énergie pour apporter des vivres à d’autres personnes rassemblées dans la paroisse voisine de la Ste. Famille. 

 

Thérèse prit conscience des risques qu’elle courait à maintes reprises. Son domicile fit l’objet de fouilles assidues et elle fut interrogée sans relâche. Finalement, une grenade fut lancée sur sa maison. Le danger persista même à l’issue du génocide. De fait, alors qu’elle se trouvait dans les camps de réfugiés du Zaïre, la vie de Thérèse fut sans cesse menacée par les miliciens qui avaient entendu parler de ses exploits. Odette Mukakarera a raconté comment Thérèse lui sauva la vie et elle a souligné la profonde gratitude qu’elle éprouvera à jamais envers cette femme remarquable.

Thérèse était connue de tout le monde pour son courage et ses compétences de sage-femme. Elle a toujours été pauvre, d’autant plus qu’elle était veuve depuis maintes années et qu’elle avait beaucoup d’enfants à sa charge. Mais tout ceci ne l’a jamais empêchée d’avoir un coeur exceptionnel.

Thérèse et ses filles nous ont cachés pendant presque deux mois tout en sachant qu’elles risquaient leur vie si on nous découvrait.

 





Father Joseph Boneza




Father Ignace Kabera




Father Dieudonné Rwakabayiza

 

 

 

Trois jeunes prêtres se sont dévoués pour aider les réfugiés rassemblés à la paroisse de Mibilizi, Cyimbogo, Cyangugu, secteur dévasté par le génocide. L’abbé Joseph Boneza et l’abbé Ignace Kabera, qui étaient tutsis, et l’abbé Dieudonné Rwakabayiza, hutu, ont tous refusé d’être évacués lorsque la paroisse est devenue menacée, malgré les conseils de l’évêque de Cyangugu qui les implorait de le rejoindre. Les réfugiés de Mibilizi ont enduré une série d’attaques horribles aux mains des interahamwe durant lesquelles la majorité d’entre eux ont trouvé la mort mais les prêtres ont tenu bon. Ensemble ils firent preuve d’un esprit de solidarité tel qu’ils défièrent l’idéologie de haine raciale prônée par les tueurs. Les prêtres avaient conscience des dangers qu’ils couraient en tentant de sauver la vie des réfugiés mais ils continuèrent à leur apporter des vivres, de l’argent et des encouragements avec l’aide d’une religieuse, soeur Bernadette.

 

Le courage des abbés Ignace, Joseph et Dieudonné est tellement grand que je ne trouve pas les mots pour le décrire. Ces prêtres ont choisi de rester au front. Bien que l’évêque soit venu les chercher pour les cacher, ils ont refusé d’être lâches et de nous abandonner. Ils ont préféré nous aider à résister et à lutter énergiquement contre les interahamwe. Le mérite de ces prêtres dépasse l’entendement. Nous avons constaté qu’ils possédaient des dons particuliers que Dieu n’avait pas donné aux autres.

 

 

 

L’abbé Baudouin Busunyu


Les personnes qui se réfugièrent à la paroisse de Nkanka à Kamembe, Cyangugu, n’y trouvèrent pas la sécurité escomptée mais elles y découvrirent un prêtre, l’abbé Baudouin Busunyu, qui se souciait véritablement de leur sort et qui se montra prêt à risquer sa vie pour les sauver. Ce que pouvait faire l’abbé Baudouin Busunyu pour protéger les réfugiés était bien limité. Il n’avait aucun contrôle sur les ressources de la paroisse et agissait en secret, au mépris des souhaits du curé et des membres de sa propre famille.

 

En effet, son père, Michel Busunyu, était un chef de la milice interahamwe qui aurait été fou de rage d’apprendre ses activités ; quant au curé, il était lui aussi partisan de la cause des génocidaires. Malgré tout cela, le prêtre fit de son mieux pour faire face aux menaces et aux problèmes rencontrés par les réfugiés. Il fit preuve de compassion et de compréhension et il leur offrit un secours pratique. Il s’associa au réseau d’évasion géré par des prêtres de Cyangugu afin de faire passer la frontière à certains Tutsis pour qu’ils gagnent Bukavu en RDC.

A pied, il se rendit aux bords du lac avec les réfugiés et paya des piroguiers pour qu’ils les acheminent jusqu’à Bukavu, accompagnant certains d’entre eux jusqu’à leur destination pour garantir leur sécurité avant de rentrer chez lui. A une occasion, sur le chemin du retour, l’abbé Busunyu fut capturé par une patrouille de la milice sur le lac Kivu. Il fut roué de coups mais parvint à soudoyer les miliciens pour qu’ils le libèrent. Cet incident ne fit que raviver la détermination du prêtre et il poursuivit ses efforts en vue de sauver des vies humaines jusqu’à la fin du génocide.

N’ignorant pas que son père comptait parmi les chefs des génocidaires et parce qu’il portait le même nom, l’abbé Busunyu estima nécessaire de fuir le pays quand le FPR prit le pouvoir, ne sachant pas ce que le changement de régime allait apporter. Or, c’est tandis qu’il se trouvait dans un camp de réfugiés au Zaïre qu’il fut tué. Les survivants du génocide qui lui doivent la vie ne connaissent pas les circonstances de la mort de l’abbé Busunyu mais ils pleurent sa disparition et chérissent sa mémoire. Micheline Mukayiranga traduit leurs sentiments.

L’abbé Baudouin Busunyu nous a montré qu’il s’acquittait parfaitement du travail de Dieu, s’occupant de nous dans les plus durs moments et aidant les plus nécessiteux. Nous, les chrétiens de Nkanka, prions Dieu de l’accueillir parmi les saints. Ce qu’il a fait au cours du génocide avait quelque chose de surhumain et il aurait sûrement été tué s’il avait été pris en train de protéger des Tutsis. 


L’abbé Vieko Curic

Lorsque les tueries commencèrent à Kivumu, les gens firent appel à l’abbé Vieko Curic. Ce prêtre expatrié, originaire de l’ancienne Yougoslavie, habitait à Nyamabuye, Gitarama depuis plus de dix ans et il avait oeuvré au développement de la région. Il était fort connu et très apprécié de sa congrégation de la paroisse de Kivumu. Sa décision de rester au Rwanda pendant le génocide alla droit au coeur de la communauté locale. Alors que la plupart des autres expatriés étaient évacués, l’abbé Vieko resta aux côtés des habitants de Kivumu qui traversaient les pires expériences de leur vie.

Il consacra ses efforts à dispenser une assistance pratique et des soins médicaux aux personnes déplacées, allant jusqu’à aider certaines à s’échapper.

L’abbé Vieko condamnait ouvertement la violence et continua de prêcher les vertus de la paix et de l’unité tout au long du génocide. Il fut menacé à plusieurs reprises par les interahamwe, mais jamais il ne plia. Après la tragédie, l’abbé Vieko fit preuve d’une totale impartialité, aidant aussi bien les Hutus que les Tutsis à reconstruire leur communauté. Aujourd’hui, à Kivumu, on peut encore voir les foyers et les bâtiments que l’abbé Vieko a financés ; hélas, le prêtre, quant à lui, n’est plus. Il a été abattu le 31 janvier 1998 à Kigali par des assassins non identifiés.

Le peuple de Kivumu et d’ailleurs au Rwanda se sent affligé et appauvri par sa disparition. C’était un homme bon et compatissant qui a marqué la vie des gens qui l’ont approché et les a enrichis, comme il ressort clairement des propos d’Espérance Mujawamariya.

L’abbé Vieko a tout fait pour nous aider, aussi bien avant, que pendant et après le génocide. Nous nous souviendrons toujours de sa bonté et de sa compassion. Il nous manque. Les autres expatriés ont abandonné les Rwandais mais lui, il a refusé. Ceci devrait être noté. Nous lui serons toujours reconnaissants et nous prions pour lui.


L’abbé Célestin Hakizimana

Le centre pastoral St. Paul au coeur de Kigali devint un refuge pour quelque 2.000 personnes durant le génocide. La plupart eurent la vie sauve car l’abbé Célestin Hakizimana intervint lors de chacune des tentatives de la milice d’enlever ou d’assassiner certains d’entre eux. Certes, il ne parvint pas à empêcher la mort de tous les réfugiés mais, malgré la puissante opposition à laquelle il dut faire face, il tenta d’écarter les tueurs par la voie de la persuasion et parfois par des pots-de-vin.

Il tint tête à certains des plus grands chefs génocidaires de Kigali, fort de l’argument que les personnes réfugiées dans son église n’avaient commis aucun crime et ne méritaient donc aucune sanction.

L’abbé Hakizimana s’occupa des besoins des réfugiés à une époque où les ressources matérielles étaient extrêmement précaires. Il leur procura à manger et à boire ; pourtant il arriva qu’on lui tira dessus alors même qu’il allait chercher de l’eau. A lui seul, il défendit les réfugiés, pour ainsi dire sans le moindre soutien. Il demanda de l’aide, mais en l’absence de toute réaction, il se rangea aux côtés des réfugiés, malgré la gravité du danger.

Nombre des personnes que l’abbé Hakizimana a aidées le côtoyèrent seulement durant leur bref séjour à St. Paul, mais certaines d’entre elles se souviennent de lui et lui rendent hommage chaque année lors de l’anniversaire de leur libération. Aux yeux des survivants de St. Paul, il fit bien plus que de se montrer à la hauteur de ce qu’ils attendaient d’un prêtre. Il reste une source d’inspiration, de foi et d'assistance pratique, comme l’explique un rescapé, Sylvérien Mudenge.

Il s’est sacrifié pour nous protéger. Pour preuve, le nombre de survivants à St. Paul. Il dépasse 1.500 personnes. Il faut lui rendre hommage et proclamer son héroïsme. Il n’a pas changé du tout. Il est toujours animé d’amour et de charité. Bref, il a toujours le cœur qu’il avait au moment de notre détresse.


L’abbé Jean-Bosco Munyaneza

En l’abbé Jean-Bosco Munyaneza, les réfugiés de la paroisse de Mukarange à Muhazi, Kibungo trouvèrent un leader qui organisa leur lutte pour survivre ; un homme de Dieu qui leur donna le courage de confronter leur mort ; un être humain inspirateur qui fut prêt à mourir en leur nom.

Les réfugiés affluèrent par milliers à la paroisse à partir du 7 avril.

L’abbé Jean-Bosco se montra à la hauteur de leurs espérances, leur offrant un sanctuaire, des vivres et un réconfort spirituel. Inlassablement, il s’efforça d’accueillir et d’aider les réfugiés mais il ne parvint pas à empêcher les attaques sur la paroisse à partir du 10 avril. Dans les deux jours qui suivirent, les réfugiés allaient endurer des assautsincessants par les forces alliées des interahamwe, des gendarmes et des agents gouvernementaux des régions environnantes levées contre eux.

Durant cette période, l’abbé Jean-Bosco Munyaneza oeuvra de concert avec son collègue, l’abbé Joseph Gatare, pour organiserla résistance au massacre, allant, en dernier ressort, jusqu’à lancer des pierres sur les tueurs de ses propres mains. Il eut l’opportunité de s’échapper mais il refusa de quitter les réfugiés. En conséquence, il fut brutalement assassiné. Tragiquement, le massacre au cours duquel il trouva la mort fut aussi un carnage où périrent la plupart des réfugiés de la paroisse. Chaque année, le 12 avril, les quelques survivants commémorent la mort de leurs êtres chers et ils font spécialement mention de l’abbé Jean-Bosco, qu’ils estiment digne de canonisation. Gilbert souligne la nature et la signification du sacrifice de l’abbé Jean-Bosco.

L’abbé Munyaneza a donné sa vie pour nous. Il a accepté de mourir pour nous alors qu’il avait tout loisir de nous tourner le dos pour garder la vie sauve. Il nous a montré une force de cœur exceptionnelle. Il a tout fait pour nous sauver, mais en vain. Plus encore, il ne nous a pas laissés mourir seuls ; il nous a accompagnés jusque dans la mort. Nous prions à son intention et perpétuons sa mémoire au même titre que celle de nos propres défunts.


L’abbé Jean-Pierre Ngoga

Comment l’abbé Jean-Pierre Ngoga tenta d’empêcher le massacre des réfugiés à la paroisse de Kibeho est l’histoire d’une lutte désespérée mais admirable contre l’impossible. Il est estimé que jusqu’à 30.000 réfugiés se trouvaient rassemblés à la paroisse ; ils étaient sans arme et sans défense face à des milliers d’assassins, y compris des gendarmes armés, résolument décidés à les exterminer.

En tant que Tutsi, et parce que sa témérité lui avait permis de tenir tête à des personnalités locales importantes et de faire face aux chefs des génocidaires, l’abbé Ngoga était constamment menacé. Sa force morale était certes remarquable car il se montra toujours prêt à agir au péril de sa vie pour protéger des tiers.

Kibeho se trouve dans la commune de Mubuga, Gikongoro mais des personnes des régions voisines tentèrent également d’y trouver refuge. L’abbé Ngoga recueillit les réfugiés et tenta de subvenir à leurs besoins. Bien qu’il eût à plusieurs reprises la possibilité de se dérober, il choisit de rester à leurs côtés. Après plusieurs assauts sur la paroisse, les miliciens et les gendarmes s’unirent pour commettre un terrible massacre le 14 avril, éliminant la quasi-totalité de la communauté tutsie de la région. A l’issue du massacre, l’abbé Ngoga supplia tous les survivants de quitter la paroisse et il emmena certains d’entre eux à Butare en quête de sécurité. C’est là que, quelque temps plus tard, il fut découvert, incarcéré puis assassiné. Bien que toute la lumière n’ait pas encore été faite sur les circonstances de la mort du prêtre, sa défense héroïque des réfugiés à la paroisse de Kibeho compte parmi les raisons pour lesquelles il devint une bête traquée.

Comme le montrent les témoignages des rescapés de Kibeho, l’abbé Jean-Pierre Ngoga mérite une place d’honneur dans l’histoire de l’Eglise catholique du Rwanda. Emmanuel énumère les qualités admirables du prêtre.

C’était un très bon prêtre. Il n’occultait jamais la vérité mais disait toujours haut et fort ses convictions. Ngoga s’est sacrifié pour nous pendant le génocide. Il ne s’est jamais démoralisé. Il nous encourageait à résister aux interahamwe et à lutter. J’ai eu beaucoup de peine quand j’ai appris la mort de Pierre Ngoga.


Félicitée Niyitegeka

Au Centre Saint-Pierre du diocèse de Nyundo, à Gisenyi,Félicitée Niyitegeka était l’une des figures de proue d’une communauté nommée les Auxiliaires de l’Apostolat. Un groupe de filles hutues et tutsies logeaient à Saint-Pierre en avril 1994, lorsque la violence éclata dans la zone environnante. Félicitée reconnut immédiatement le danger. Elle surveilla les filles de près, s’efforçant de les isoler des troubles extérieurs et veillant à ce que les tensions ne se propagent pas au sein de la communauté. Elle était la seule à répondre au téléphone et à ouvrir la porte, pour que la présence de filles tutsies dans le centre ne soit pas découverte.

Félicitée réussit à isoler la communauté de Saint-Pierre pendant quelque temps et le centre devint un véritable sanctuaire pour les réfugiés trop terrifiés pour rester chez eux. Nombre d’entre eux étaient blessés et Félicitée allait chercher des médicaments pour les soigner. Elle commença à évacuer les plus vulnérables en les aidant à passer la frontière pour gagner la RDC mais les interahamwe découvrirent ses plans et mirent fin à ses espoirs. 

Félicitée eut l’occasion de s’échapper lorsque son frère, un commandant haut placé basé dans un camp militaire proche, lui envoya un véhicule et une escorte de soldats. Mais elle refusa de délaisser ses protégés. Le lendemain, les interahamwe pénétrèrent dans le centre pour enlever les filles tutsies. Sachant qu’elles allaient être tuées, Félicitée insista pour les accompagner. Elle les aida à chanter et à prier jusqu’à leurs derniers souffles ; puis elle fut tuée, elle aussi. Les survivants de Nyundo la remercient de son sacrifice et de sa force de caractère. Immaculée Tuyisenge comptait parmi les jeunes filles enlevées et elle fut l’un des très rares survivants du massacre. Elle pense que Félicitée devrait être canonisée. Immaculée a parlé des leçons qu’elle a tirées des enseignements de Félicitée.

Je voyais Félicitée comme une mère sans égale. Ses enseignements étaient irréprochables et ses conseils sans limite. Félicitée a été une véritable héroïne, au point d’accepter de donner sa propre vie pour les Rwandais, de mourir pour eux. Ce qu’elle a fait pour nous ne doit jamais s’effacer de nos cœurs. Nous prions pour elle afin que Dieu l’accueille dans son royaume. Elle mérite d’être proclamée sainte.


L’abbé Oscar Nkundayezu

En pleine crise, l’abbé Oscar Nkundayezu se dévoua pour aider les gens qui faisaient appel à lui. Il n’hésita pas à risquer sa propre vie pour s’occuper de ceux qui fuyaient vers la paroisse de Cyangugu dans la commune de Kamembe. L’abbé Nkundayezu fut méthodique et dynamique dans les efforts qu’il mit en oeuvre pour trouver des vivres, de l’eau et des soins médicaux pour les réfugiés rassemblés dans sa paroisse.

Alors qu’il ne savait pas conduire, il apprit bien vite à le faire lorsqu’il s’avéra nécessaire de distribuer des vivres aux gens qui étaient rassemblés au stade de Kamarampaka, théâtre de nombre d’enlèvements et de massacres. Il leur rendit visite chaque jour pour célébrer la messe et les réconforter.

Dans la cathédrale voisine, les talents organisationnels de l’abbé Nkundayezu donnèrent naissance à un hôpital de fortune.L’hôpital servit également de cachette à ceux dont la vie était tout particulièrement menacée ; le stratagème a certes sauvé des gens. Même quand tous les réfugiés ont été emmenés et installés loin de la paroisse, à Nyarushishi, il a maintenu ses visites quotidiennes. Son entêtement fut un facteur clé dans l’établissement d’un réseau clandestin d’évacuation à Cyangugu, réseau qui permit à certains Tutsis de traverser le lac Kivu pour gagner la RDC. Il contribua à la collecte de fonds ; il mit sur pied diverses connexions de l’autre côté de la frontière et parvint même à persuader certains résidents locaux, y compris des membres de la milice interahamwe, d’emmener les réfugiés en sécurité en échange d’une somme d’argent. Il conduisit lui-même certains des réfugiés jusqu’aux rives du lac et leur remit des lettres d’introduction à présenter à différents contacts une fois en RDC. 

Il y a quelques années, l’abbé Nkundayezu tomba malade et partit en Italie pour y suivre un traitement ; il rentra ensuite au Rwanda où il continue de prêcher la paix et la justice dans sa communauté.

Béata Mukamusoni se souvient comment le prêtre trouva de la nourriture qu’elle fut chargée de distribuer aux réfugiés de la paroisse. Elle évoque les innombrables qualités de l’abbé Nkundayezu.

L’abbé Oscar est reconnu pour sa simplicité et son hostilité à toute forme de mal, notamment la discrimination. Il a sacrifié ses besoins pour ceux des réfugiés, alors que ses collègues résidant à la même cathédrale n’en ont pas fait autant. Il a aidé les nécessiteux sans avoir peur, quand bien même il courait des risques. 



Jean Marie-Vianney Gisagara

Les leaders du génocide à Butare et ses environs furent outrés par la ferme position contre la violence adoptée par le bourgmestre Jean Marie-Vianney Gisagara à Nyabisindu, Butare. Dès que les problèmes commencèrent à se manifester, il intervint pour défendre les Tutsis de sa commune.

Apprenant une attaque dans le secteur de Nyarusange, il prit avec lui la force de police communale et mit les interahamwe en déroute, en arrêtant plusieurs. Puis il donna pour instructions aux conseillers locaux de résister aux exigences des génocidaires et lança un appel au calme. Comme la menace pesant sur sa propre vie s’accroissait, Gisagara devait se douter que la tâche qu’il s’était fixée était sans espoir et extrêmement dangereuse. Mais il ne céda pas d’un pouce. Finalement, il fut obligé de se cacher, mais il fut vite retrouvé et brutalement tué.

En guise d’avertissement et pour donner un exemple de ce qui arriverait à tout Hutu qui essaierait de tendre la main aux Tutsis, il fut attaché à une camionnette et traîné à travers les rues de son secteur d’origine à Nyanza. Ils tuèrent onze membres de sa famille, dont ses parents, ses frères et soeurs et sa femme. Ils furent parmi les premières victimes des interahamwe à Nyanza. Après la mort de Gisagara, le génocide ne rencontra plus la moindre résistance à Nyabisindu. Pélagie Mukantagara, la tante de Gisagara, espère que bien des gens se souviendront des actes de son neveu.

Gisagara a été un vaillant gardien de l’unité des habitants de Nyanza. Malheureusement, les interahamwe ont eu le dessus et l’ont tué, lui et sa famille. Il mérite que son nom soit retenu pour la postérité.



Callixte Ndagijimana

Dans la structure de la société rwandaise, ce sont les bourgmestres qui contrôlent la sécurité au sein de la commune et c’est à eux qu’il incombe de protéger les résidents. Or, à l’instar de bien des fonctionnaires des administrations locales, ils devinrent souvent des organisateurs clés du génocide de 1994. Selon les ordres du gouvernement, à savoir veiller à ce que la population tutsie de leur zone soit décimée, tout responsable s’élevant contre les tueurs était considéré comme un traître et châtié.

Callixte Ndagijimana est le rare exemple d’un bourgmestre prêt à risquer sa propre position et sa vie pour défier les autorités. Sa présence fit s’unir les habitants de Mugina pour lutter contre la violence qui menaçait de s’infiltrer à travers les frontières. Il agit avec force et détermination dans sa lutte contre les interahamwe. Il accueillit chaleureusement les centaines de réfugiés pris de panique qui arrivèrent des environs. Il offrit aux Tutsis qui fuirent vers la paroisse de Mugina de la nourriture et des produits de première nécessité ; il sillonna tous les secteurs de la commune pour transmettre un message de paix parmi ses résidents.

Lorsque les interahamwe envahirent la commune et divisèrent les Hutus et les Tutsis, Ndagijimana ne céda pas. Il resta seul avec les Tutsis, les défendant personnellement avec l’aide de quelques policiers communaux.

Parce que Ndagijimana symbolisait le sens du devoir et l’esprit de fraternité, il tomba dans une embuscade et fut assassiné le 21 avril. Suite à sa mort, la résistance contre les interahamwe à Mugina s’effrita et les massacres des Tutsis commencèrent dès le lendemain. Le mari et les enfants de Concilie Kampire comptent parmi les personnes qui trouvèrent la mort à la paroisse catholique locale.

Callixte est parti sans même laisser de progéniture pour perpétuer sa mémoire. Il était tellement courageux ! Je ne vois personne capable de faire tout ce qu’il a fait dans toute la préfecture de Gitarama. Il a donné sa vie pour nous. Ce que nous pouvons demander au gouvernement, c’est de l’élever au rang des héros nationaux car il est mort pour l’amour des Rwandais et de la patrie. Lorsque nous commémorons la disparition des nôtres les 21 et 22 avril 1994, nous recommandons également l’âme de Callixte à Dieu.



Ladislas Uzabakiriho

Ladislas Uzabakiriho était le conseiller du secteur Kinzuzi, commune Mbogo, Kigali rural. C’est grâce à ses efforts que la plupart des Tutsis de ce secteur échappèrent à la tragédie de 1994. Ladislas parvint à instaurer un sentiment d’unité parmi les habitants de Kinzuzi, un sentiment si fort que le secteur arriva à résister au génocide. Il refusa de collaborer avec les autres fonctionnaires locaux qui planifiaient les tueries, malgré l’intense pression exercée sur lui dans ce sens. Il veilla à ce que les Hutus de Kinzuzi luttent au nom de leurs voisins tutsis. L’histoire de cette communauté et de son conseiller est un modèle qui parle en faveur d’une paix durable au Rwanda.

Ladislas Uzabakiriho fit preuve d’intelligence et d’une grande perspicacité dans sa gestion de la crise en 1994. Il contesta les rumeurs et la propagande conçues pour promouvoir les tueries et incita les résidents de Kinzuzi à reconnaître le fléau du génocide et à défendre leur secteur contre ce mal¾presque tous le firent. Mais ils durent en payer le prix. Ladislas et les autres Hutus endurèrent les menaces et les coups des interahamwe, et certains en sont restés invalides à vie. Aujourd’hui, tant les survivants du génocide que les Hutus de Kinzuzi leur ayant tendu la main éprouvent une profonde reconnaissance envers Uzabakiriho pour la bravoure et la solidarité sur lesquels se basait sa vie et qu’il inspirait chez les autres. Ladislas est mort en République démocratique du Congo (RDC) où il s’était rendu lors de l’exode de juillet 1994. Sa disparition est pleurée par tous les résidents de Kinzuzi.Le conseiller Cassien continue d’éprouver une grande admiration et un profond respect pour son prédécesseur, l’homme qui en fin de compte lui sauva la vie.

Ladislas Uzabakiriho était un homme doux et compréhensif. Il savait résoudre les litiges des citoyens sans prendre parti. Il était très actif, heureux de voir sa commune, et surtout son secteur, progresser. Il avait uni tous les habitants de Kinzuzi de sorte qu’il n’y a jamais eu de déchirement dans la population de notre localité. En outre, lorsqu’il y avait des problèmes causés par des différences sociales, il savait les régler.

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Amour-conscience-réparation

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15/09/2012
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