LETTRE OUVERTE A FRANCOIS HOLLANDE,LE PRESIDENT FRANCAIS!
Monsieur François Hollande, président de la République française, d’emblée, ôtons le lecteur de cette lettre d’un doute : aucun peuple conscient n’attend que vous lui apportiez libération et émancipation. Mais vous vous réclamez du socialisme. Vous ne pouvez donc échapper au jugement de l’Histoire à l’aulne des principes fondateurs de l’idéologie socialiste et des promesses que vous avez faites aux peuples.
Les peuples ont le devoir d’exercer leur « droit d’inventaire ».
Monsieur le président, avant et après votre élection, vous avez promis et juré à la face des peuples africains d’en finir avec les « rapports de domination, d’influence et d’affairisme pour les amis du pouvoir », les « intermédiaires » et les « réseaux » qui caractérisent le système d’exploitation et d’oppression dénommé Françafrique. (Jeune Afrique cité par Associated Press et Reuters, 09 août 2011).
Quelles réalités recouvrent ces belles professions de foi ? Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la lisibilité et la traçabilité de votre théorie et de votre pratique ne sont guère difficiles à établir.
-Françafrique :
Hollande, Sarkozy et consorts, bonnets blancs et blancs bonnets. Monsieur le président, en Côte d’Ivoire, beaucoup attendaient de vous des mesures de rupture avec la Françafrique dont les dépositaires, après Houphouët-Boigny, s’appellent Alassane Dramane Ouattara, Henry Konan Bédié et la cohorte des barons de la bourgeoisie parasitaire.
Au lieu de cela, vous vous êtes agilement coulé dans la jungle féroce de ce système consolidé par Nicolas Sarkozy et Ouattara.
Les principaux animateurs français de la Françafrique en Côte d’Ivoire sont connus. Au cœur du monstre, à la fois hydre et sangsue, se trouve Philippe Serey Eiffel, descendant de Gustave Eiffel, le père de la Tour Eiffel, et dont on s’accorde à dire qu’il a « une influence considérable sur le chef de l'État » Alassane Dramane Ouattara.
(Marwane Ben Yahmed in Jeune Afrique, 18 janvier 2012).
Officiellement, il occupe, au Palais présidentiel, le poste de conseiller économique chargé des infrastructures et coordonnateur général des conseillers. En réalité, il cumule les postes de Premier ministre et de ministre de l’Economie et des finances de la Côte d’Ivoire.
A côté de Philippe Serey Eiffel et des Français dont il est entouré, le Premier ministre officiel Ahoussou Kouadio Jeannot et les ministres de son gouvernement ne sont que de pâles comparses ou, plus exactement, des ombres. Les vrais ministres sont les conseillers que Sarkozy a placés auprès de Ouattara. Ils vont, ils viennent, ils changent et ils gèrent tous les secteurs clés de l’Etat de Côte d’Ivoire. Leurs seuls interlocuteurs sont Ouattara et son frère cadet Téné Ibrahima Ouattara, ministre chargé des Affaires présidentielles (sic). Les exemples du général Claude Réglat et de Thiery Le Roy sont particulièrement éloquents.
Le général Claude Réglat, ancien commandant des Forces françaises au Gabon (FFG), a pour mission de« réformer le secteur de la sécurité et de la défense » (Forces républicaines de Côte d’Ivoire - Frci - Gendarmerie, Police et supplétifs). Les récentes promotions des sanguinaires chefs de guerre portent sa marque.
Le Général Claude Réglat est l’exécutant des programmes de formation conçus par l’état-major des armées françaises au profit de ces chefs de guerre de Ouattara qui sont directement impliqués dans les crimes de masse commis en Côte d’Ivoire depuis le début de la rébellion, le 19 septembre 2002. Dans un article intitulé « D’ex-chefs de guerre à l’école française » et publié par le quotidien français Libération, Thomas Hofnung s’interroge :
« Pour aider l’armée d’un pays ami convalescent à assurer sa sécurité, faut-il accepter de former des hommes soupçonnés de crimes de guerre, passibles un jour de poursuites devant la Cour pénale internationale ? C’est le dilemme auquel s’est trouvée confrontée la France en Côte-d’Ivoire. Et qu’elle a tranché. Les anciens chefs de la rébellion - les redoutés «comzones» (commandants de zones) - ont récemment suivi des cours d’état-major sur la base militaire française de Port-Bouët, à Abidjan. » (Libération, 29 mai 2012).
Monsieur le président François Hollande, vous continuez, votre gouvernement et vous, à former ces tueurs professionnels. Au début du mois de juillet 2012, les BPC (Bâtiments de projection et de commandement) Dixmude et Georges Leygues étaient encore dans les eaux territoriales ivoiriennes « dans le cadre de la coopération bilatérale et de la diplomatie de défense », pour assurer la formation de ces hommes. (Le Patriote, 2 juillet 2012).
Un autre militaire vient de grossir les rangs du commando de conseillers français autour de Ouattara. Il s’agit du général de brigade Jacques Norlain, « barbouze de haut vol », ancien conseiller militaire de Félix Houphouët-Boigny et d’Omar Bongo Odimba. Il est donc un habitué des réseaux sales de la Françafrique. (La Lettre du continent, 11 octobre 2012 et Soir Info, 18 octobre 2012).
Monsieur le président, vous avez déclaré que « la France doit retirer ses troupes de Côte d’Ivoire. Sa présence n’y est plus nécessaire.» (Associated Press et Reuters, 09 août 2011). Aujourd’hui, force est de constater que l’armée française n’a pas bougé d’un pouce. Elle est toujours à Abidjan et continue de narguer les populations, après tous les crimes qu’elle a commis en novembre 2004 et en avril 2011, notamment.
Thierry Le Roy, membre du Conseil d’État en France et ancien président du Conseil supérieur de l`Agence France Presse (Afp), figure au nombre des conseillers au pouvoir tentaculaire auprès du chef de l’État ivoirien. Il est chargé de la réforme de toute l`Administration publique ivoirienne, c’est-à-dire la Fonction publique, les services judiciaires, la santé, etc.
(La Lettre du continent, 19 janvier 2012 et L’Inter, 21 janvier 2012).
Le 26 septembre 2012, trois chefs de guerre analphabètes ont été nommés aux postes de préfets de région. A la dizaine de conseillers français affectés auprès de Ouattara, il faut ajouter bien d’autres dont les missions occultes ne sont connues que des autorités françaises et de Ouattara.
Monsieur le président, tous ces conseillers rendent directement compte à l’Elysée et au gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault.
Ils œuvrent à la préservation et à l’extension des intérêts colossaux de la bourgeoisie impérialiste française en Côte d’Ivoire. Pour ces agents et ces intermédiaires de la Françafrique, les portes de l’Elysée et de Matignon ne seront jamais closes, contrairement à ce que vous avez déclaré à Dakar, le 12 octobre dernier. Vous avez affirmé devant les députés sénégalais que « le temps de ce qu’on appelait autrefois la Françafrique est révolu. » Confrontées à la réalité en Côte d’Ivoire, ces propos ne sont que des gesticulations intellectuelles proférées dans le dessein manifeste d’abuser.
Les « intermédiaires » et les « réseaux » mafieux de la Françafrique demeurent et prospèrent en Côte d’Ivoire. Ils sont la principale source de l’arrogance et de la morgue d’Alassane Dramane Ouattara qui s’est vanté à Kinshasa, au sommet de la Francophonie, en ces termes :
« Je suis indéboulonnable. »(Le Patriote, 13 octobre 2012). Sous tous ces rapports « françafricains », Monsieur le président, vous apparaissez comme un clone de Sarkozy.
-Hollande ami de la rébellion de 2002 et des bombes de Sarkozy en 2011. Quid de la démocratie ? Aujourd’hui, Monsieur le président, vous marchez dans les pas de Sarkozy, comme vous marchiez, hier, dans ceux de Jacques Chirac, lorsque des rebelles qu’il a entraînés et équipés au Burkina Faso, avec la complicité de Blaise Compaoré, ont attaqué la Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002 pour renverser le régime du président Laurent Gbagbo, membre de l’Internationale socialiste avec son parti, le Front populaire ivoirien (Fpi).
A la tête du Parti socialiste français, vous avez pris fait et cause pour la rébellion. Vous avez proclamé que Gbagbo, le président élu, n’est pas « fréquentable », indiquant ainsi que vos sympathies et vos accointances vous situent dans le camp de la rébellion fomentée par l’impérialisme français pour installer son pion Alassane Dramane Ouattara au pouvoir. Laurent Gbagbo et les socialistes du Fpi attendaient plutôt du Parti socialiste la collaboration et l’entraide fraternelles que prône le socialisme.
Plus grave encore, Monsieur le président, au lieu d’opter pour le recomptage des voix proposé par le président Laurent Gbagbo pour vider le contentieux électoral généré par la parodie de scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, vous avez appelé de tous vos vœux l’intervention des forces spéciales françaises pour déverser des tonnes de bombes sur les Ivoiriens.
On connaît la suite. Le président Laurent Gbagbo a été capturé par ces forces et déporté à La Haye.
Fort heureusement, Monsieur le président François Hollande, des voix dignes du socialisme telles que celles du National democratic congress (Ndc) du Ghana s’élèvent encore, comme lors du 24ème congrès de l’Internationale socialiste (Is) à Cape Town, en Afrique du Sud, du 30 août au 14 septembre 2012. Le Pr Kofi Awoonor, chef de la délégation du Ndc a demandé à l’Is de se souvenir « de la vraie version des faits en Côte d’Ivoire » qui montrent que le président Gbagbo « a vu son gouvernement attaqué en 2002 par une rébellion commanditée par la
France.
Il a poursuivi en ces termes sans équivoque : « Ne laissons pas le Mouvement de l’Internationale Socialiste venir en aide et en appui à ces mêmes forces impérialistes contre lesquelles nous luttons pour l’avènement d’une liberté sans compromission et de la démocratie vraie; et ce, en cédant à leurs machinations déguisées…(…). Enfin, nous en appelons à la direction de notre mouvement à œuvrer fort pour restaurer la vraie démocratie pleinement en Côte d’Ivoire, et pour la démolition du système néo-colonialiste dans ce pays. » (Notre voie, 3 octobre 2012).
Monsieur le président, dans votre pratique, on cherche en vain une once du socialisme scientifique, l’idéologie des opprimés du monde, des « damnés de la terre ».
En lieu et place, vous développez, comme sur les antennes de France 24, Rfi et Tv5, le jeudi 11 octobre 2012, des théories telles que la « diplomatie économique » pour « faire avancer les dossiers de nos entreprises », purs avatars des thèses du « socialisme de la chaire » qui font du « socialiste » un porteur de valises, un démarcheur servile des multinationales.
Vous n’avez pas changé un iota au système d’exploitation « néo-colonialiste » mis en place en Côte d’Ivoire par les représentants politiques de l’impérialisme français, de Charles De Gaulle à Nicolas Sarkozy.
Vous avez purement et simplement chaussé leurs bottes. Vous n’avez ni la volonté politique ni même les moyens idéologiques de rompre le corset de fer de l’impérialisme dans lequel le Parti socialiste s’est idéologiquement enfermé.
A un point tel que vous observez un mutisme de cimetière devant les milliers de crimes et les innombrables violations des droits de l’Homme commis impunément par les Frci et les dozos de Ouattara.
Monsieur le président, où sont donc en Côte d’Ivoire « la démocratie » et les « droits de l’Homme » que vous avez prônés à Kinshasa, à la tribune du 14ème sommet de la Francophonie ?
Monsieur le président François Hollande, pour la Côte d’Ivoire, votre bilan d’une décennie politique est facile à établir :
au profit du peuple ivoirien, zéro pointé. Par contre, votre note flirte avec les sommets quand il s’agit de votre contribution à l’accumulation de profits astronomiques par les multinationales françaises et aux prébendes jetées à leurs valets de la bourgeoisie parasitaire ivoirienne conduits par Alassane Dramane Ouattara qui vit dans l’illusion que l’impérialisme et sa forme « françafricaine » rendent « indéboulonnable ».
Monsieur le président, les peuples africains attendent toujours le changement.
Très respectueusement.
Par Deuxer Céi Angela.
L’oeil du juste
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